Comprendre la dynamique de population du ver parasite Loa loa grâce à la génétique des populations – LoaGen
La loase est une parasitose due au ver Loa loa. Transmise par des taons (Chrysops), cette filariose touche environ 20 millions de personnes vivant en zone forestière d’Afrique centrale. En 2016, nous avons montré que les fortes infections par L. loa étaient associées à une réduction de l’espérance de vie. Pourtant, la loase reste une maladie déconsidérée par les pouvoirs publics. Nous avons entrepris une démarche visant à la faire reconnaître comme problème de santé publique et à la faire intégrer dans la liste des Maladies Tropicales Négligées de l’Organisation Mondiale de la Santé.
Dans cette étude, nous appliquerons une approche d’épidémiologie génétique afin de documenter des aspects inconnus de la dynamique de population du parasite.
Notre démarche constituera, en premier lieu, à générer des génomes de L. loa complets et de haute qualité à partir de vers adultes collectés au Cameroun. Pour cela nous utiliserons les méthodes de séquençage les plus avancées : génomes entier en short-reads (illumina) et long reads (Oxford Nanopore Technology®), puis utilisation des outils de bio-informatique les plus adaptés pour l’assemblage des séquences (ex : Abyss, Flye, Raven, Racon, Medaka, …). Nous mettrons au point une méthode d’individualisation et de séquençage des formes embryonnaires de L. loa, appelées microfilaires. Cela sera possible grâce aux milliers de prélèvements sanguins contenant des microfilaires de L. loa disponibles chez notre partenaire scientifique du Cameroun, sous forme de papier filtre ou sur lame de microscope. Nous utiliserons ensuite des marqueurs polymorphiques afin de répondre à trois problématiques pratiques :
1) Les formes adultes du parasite vivent plus de 10 ans dans les fascias intermusculaires où elles sont impossibles à détecter. Les vers femelles produisent des microfilaires qui envahissent le système sanguin où elles sont facilement accessibles. Partant du principe que les microfilaires héritent d’une partie du patrimoine génétique de leurs parents, nous estimerons le nombre de parasites reproducteurs chez un hôte humain à partir de la diversité génétique des microfilaires chez cet hôte. Ainsi, nous analyserons la variabilité génétique parasitaire intra-hôte afin d’en déduire la taille de la population effective.
2) L’aire de répartition de la loase, strictement africaine, couvre une zone d’environ 3000 km du nord au sud, et de 2000 km d’ouest en est centrée sur la partie nord du bassin du Congo. La capacité de dispersion des chrysops vecteurs n’est que de quelques kilomètres. Nous chercherons à savoir, à l’aide de marqueurs génétiques, si l’aire de répartition de L. loa est un immense foyer homogène ou, au contraire, constituée de zones de transmission séparées. Nous analyserons donc la variabilité génétique parasitaire inter-hôte en utilisant des prélèvements réalisés dans 5 localités du Cameroun éloignées de 60 km à 400 km les unes des autres, et situées dans deux zones environnementales distinctes (forêt et savane).
3) Nous avons remarqué, au cours d’essais thérapeutiques de l’ivermectine sur L. loa, que si la plupart des microfilaires sont éliminées en quelques jour, une proportion non négligeable semble survivre au traitement. Nous émettons l’hypothèse que la survie de ces microfilaires est due à un génotype particulier. Nous collecterons des échantillons de microfilaires de L. loa chez deux groupes d’individus participant à un essai thérapeutique visant à évaluer la tolérance et l’efficacité de la moxidectine vs l’ivermectine sur L. loa. Les compositions alléliques des parasites présents avant et 7 jours après le traitement seront comparées dans chacun des groupes afin d’évaluer si les parasites présents après traitement présentent un profil génétique particulier.
Les paramètres biologiques et épidémiologiques que nous documenterons pendant cette étude seront particulièrement utiles pour définir des stratégies d’intervention optimales visant à éliminer la loase.
Coordination du projet
Sébastien Pion (Institut de Recherche pour le Développement)
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Partenariat
IRD - UMR TransVIHMI Institut de Recherche pour le Développement
IRD - UMR DIADE Institut de Recherche pour le Développement
CRFilMT Centre de recherches sur les filarioses et autres maladies tropicales / Centre de recherches sur les filarioses et autres maladies tropicales
Aide de l'ANR 244 722 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2021
- 30 Mois