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CE01 - Terre fluide et solide

Interactions aérosol - nuage dans des environnements marins contrastés – ACME

Comment les processus de formation des cristaux de glace peuvent-ils jouer un rôle prépondérant dans la détermination des propriétés physiques des nuages ?

Notre compréhension actuelle des interactions entre les aérosols et les nuages présente d'importantes lacunes qui se reflètent dans les incertitudes des prévisions météorologiques et des projections climatiques. L'un des aspects clés mal compris est le rôle de la phase glace et des noyaux glaçogènes dans les nuages, et en particulier ceux en phase mixte. Or, si un nuage est principalement composé d'eau ou de glace cela influe fortement ses propriétés précipitantes ou radiatives.

Mieux comprendre les mécanismes de formation des cristaux de glace (processus primaires et secondaires) dans le développement et l'évolution des nuages dans des environnements marins contrastés.

Une quantification réaliste de l'évolution spatio-temporelle des particules de glace dans les nuages reste l'un des problèmes fondamentaux des sciences atmosphériques. De nombreuses questions se posent sur la manière dont la glace est nucléée et, en particulier, sur les raisons pour lesquelles les concentrations en particules de glace dépassent celles en noyaux glaçogènes (INPs) d'au moins un ordre de grandeur ou plus. Par conséquent, nous devons améliorer notre compréhension actuelle des processus microphysiques qui contrôlent la distribution des phases condensées (eau liquide et glace solide) dans les nuages. Pour ce faire, il est nécessaire d'étudier et de quantifier les processus responsables de la formation de la glace primaire (la nucléation homogène correspondant à la congélation de gouttelettes nuageuses et la nucléation hétérogène impliquant des noyaux glaçogènes) et de la glace secondaire (la production de nouveaux éclats de glace à partir de particules glacées déjà existantes dans le nuage), et les processus ultérieurs qui contrôlent la taille des particules (l'agrégation, le givrage, la diffusion de vapeur d'eau et la sublimation). <br />Il est important de connaître les propriétés des INPs dans différentes conditions atmosphériques (températures, latitudes …). Généralement, les propriétés INPs des aérosols sont fonction de la température. Des concentrations relativement faibles en INPs à des températures chaudes (entre 0°C et -10°C) sont nécessaire pour l’initiation du mécanisme de production secondaire de la glace (SIP) appelé mécanisme de Hallett-Mossop. Ensuite, à des températures plus froides, des concentrations plus élevées en INPs sont actives et ceci, jusqu'à environ -30°C, température à laquelle la nucléation homogène entre en compétition avec la nucléation hétérogène. Une grande variété de types d'aérosols, selon leurs des propriétés physico-chimiques, peut servir d'INP. Par ailleurs, les mécanismes de SIP peuvent expliquer l’origine des concentrations en particules de glace supérieures à celles des INPs. Plusieurs mécanismes SIP ont été identifiés dans des études de laboratoire, mais leur observation dans des conditions atmosphériques réelles reste difficile (notamment en raison de l'incapacité à quantifier correctement les plus petites particules de glace et/ou les éclats).<br />Le projet se concentre sur l'amélioration des estimations des concentrations en particules de glace, et en l’occurrence des plus petites (et des gouttelettes d’eau surfondue co-existantes) à l'aide d'expériences qui ont été réalisées en laboratoire afin de contraindre au mieux les taux des processus SIP dans une modélisation atmosphérique à haute résolution. Ceci permettant d'estimer l'impact de chaque mécanisme de formation de la glace sur les propriétés des nuages et d'étudier le comportement des éclats en fonction des caractéristiques thermodynamiques de l'atmosphère.

La compréhension du rôle des aérosols sur la formation de la glace dans les nuages est abordée par le biais d'une modélisation atmosphérique explicite à petite échelle utilisant une microphysique résolue bin, qui permet de simuler les processus pertinents de la dynamique et de la microphysique des nuages. Le modèle DESCAM (Detailed SCAvenging Model ; Flossmann et Wobrock (2010)) inclut également les fonctions de distribution du nombre de particules d'aérosol, des gouttelettes et des particules de glace, ainsi que la distribution de la masse de l'aérosol résiduel dans les gouttes et dans les cristaux de glace. Dans ce cadre du projet, les nouveaux processus implémentés dans DESCAM sont basés sur des expériences de laboratoire pour les mécanismes (SIP) de glace secondaire et sur des mesures innovantes pour la nucléation de la glace primaire (via la chambre online PINE (Portable Ice Nucleation Experiment ; Möhler et al. (2021))).
De plus, des mesures provenant de différents environnements marins obtenues lors de diverses campagnes (EXAEDRE, HAIC, Sea2Coud ...) sont utilisées afin de les comparer aux simulations DESCAM. En effet, les instruments déployés lors de ces campagnes fournissent, entre autres, les observations des nombreux paramètres décrivant la microphysique nuageuse (tels que les distributions en taille des hydrométéores liquides et glacés ainsi que les contenus intégrés en eau et en glace), les particules d’aérosol, et la thermodynamique.

DESCAM a été étendu avec une représentation explicite de trois des mécanismes de production secondaire de la glace (SIP) : le processus de Hallett-Mossop (HM), l'éclatement des gouttes surfondues lors de la congélation et la fragmentation de la glace après collisions. Pour chacun de ces mécanismes SIP, l'implémentation est basée sur des paramétrisations développées lors d'études en laboratoire. Ces paramétrisations, disponibles dans la littérature, sont basées sur diverses hypothèses concernant les propriétés physiques (taille et nombre) des éclats de glace nouvellement formés et les conditions thermodynamiques (Cotton et al. (1986), Choularton et al. (1980), Mansell et Ziegler (2013) pour le mécanisme HM, et Phillips et al. (2018), Sullivan et al. (2018), Lauber et al. (2021) pour l'éclatement des gouttes surfondues lors de la congélation). Pour le processus de fragmentation de la glace après collisions, une nouvelle représentation de ce mécanisme ainsi que la distribution en taille des éclats de glace nouvellement formés ont été fournis par les récentes expériences en laboratoire réalisées par Grzegorczyk et al. (2023). Tous ces nouveaux mécanismes SIP ont été testés dans un cadre numérique idéalisé (caractérisant un système de convection profonde) où les conditions thermodynamiques sont initiées par un sondage observé pendant la campagne HAIC et la convection est déclenchée en utilisant une perturbation thermique à la surface. Les premiers résultats indiquent que le mécanisme de fragmentation de la glace après collisions semble être le mécanisme SIP le plus dominant dans la formation des cristaux de glace sur la gamme de températures allant de 0°C à -35°C (quelles que soient les hypothèses de représentation utilisées). De plus, en considérant l’ensemble des trois mécanismes de SIP dans les simulations, les concentrations en cristaux de glace simulées sont en meilleur accord avec les observations moyennes de la campagne HAIC. En outre, afin d’identifier le rôle des INPs dans la formation des cristaux de glace dans des nuages en phase mixte, une étude a récemment été réalisée à l’aide de la chambre PINE déployée à l'observatoire du Puy de Dôme (PdD). Cette étude a permis d'identifier la capacité des aérosols à être des INP et de développer des paramétrisations du processus de nucléation hétérogène de la glace en fonction de l'origine des masses d'air (pour les masses d'air d’origine océanique, mais aussi pour toutes les conditions atmosphériques échantillonnées au PdD). Ces paramétrisations ont été implémentées dans DESCAM en utilisant le même cadre idéalisé que précédemment. Les résultats préliminaires indiquent des différences importantes dans le partage liquide/glace pendant la phase de développement du système nuageux selon la paramétrisation utilisée pour représenter le processus de nucléation hétérogène. Cependant, cette différence dans la répartition liquide/glace est beaucoup moins marquée au cours de la phase de maturité du nuage.

Dans la suite du projet, il est prévu d’utiliser la nouvelle version du modèle DESCAM afin de simuler un cas d’étude observé lors de chacune des différentes campagnes de mesures (HAIC, EXAEDRE, …) afin d’étudier l’impact des différents processus de formation de la glace (primaire et secondaire) dans des systèmes nuageux qui se sont formés dans des conditions thermodynamiques et de pollution différentes. A l’aide de la complémentarité entre les observations et les résultats des simulations DESCAM, les analyses des différents cas d’étude viseront à identifier le(s) mécanisme(s) dominant(s) de formation de la glace dans le développement et l’évolution de chacun des systèmes nuageux étudiés.
Cette étude permettra ainsi de mieux comprendre les interactions aérosols-nuages et leurs rôles dans les propriétés précipitantes et radiatives de systèmes nuageux observés dans des environnements maris variés.

Toutes les productions scientifiques sont disponibles sur le site web dédié au projet (https://acme.uca.fr/) et sur la plateforme HAL.

Les interactions aérosols-nuages sont actuellement une des sources majeures d’incertitude dans les modèles numériques, impactant les prévisions météorologiques et les projections climatiques. Un élément clé encore mal connu est le rôle de la phase glace et des particules d'aérosol (e.g. noyaux sur lesquels se forment les cristaux de glace) dans les nuages, et en particulier dans les nuages en phase mixte (i.e. composé à la fois d’eau liquide surfondue et de glace) qui sont pourtant omniprésents dans la troposphère. Selon qu’un nuage soit principalement composé d’eau liquide ou de glace, ses propriétés physiques sont fortement influencées et ceci impacte par conséquent le cycle de vie des nuages, la formation des précipitations et le bilan radiatif. Les particules d’aérosol qui impactent la formation des cristaux de glace ainsi que l’évolution des cristaux de glace jouent ainsi un rôle dominant dans la détermination des propriétés des nuages.

Des études récentes suggèrent que les aérosols marins (e.g. embruns) ne sont pas seulement de bons noyaux de condensation (CCN) mais ont également de bonne capacité glaçogène (INP : noyaux glaçogènes). En fonction de l’environnement marin, la concentration en nombre des particules d’aérosol peut varier de plusieurs ordres de grandeur, comme c’est le cas en mer Méditerranée et dans l’océan Atlantique Nord (zones qui peuvent plus ou moins être affectées par des sources continentales), ou peut être faible comme dans l’océan Pacifique Sud (où le manque de mesures induit également des biais importants dans les simulations numériques). Cette variabilité a des conséquences importantes à la fois sur la distribution en taille des gouttelettes nuageuses et sur la formation et l’évolution des cristaux de glace.

Le projet ACME a pour objectifs d’améliorer la compréhension des mécanismes de formation de la glace, de l’interaction des cristaux de glace avec les gouttelettes et du rôle des particules d’aérosol dans la formation et l’évolution des nuages observés dans des environnements marins ayant des propriétés contrastées (e.g. avec des conditions thermodynamiques et de pollution différentes).

Pour ce faire, ACME exploitera des observations de différentes campagnes effectuées dans divers environnements marins : en mer Méditerranée lors de la campagne EXAEDRE (automne 2018, Corse), au-dessus de l’océan Atlantique Nord lors de la campagne HAIC (mai 2015, Guyane française), et au-dessus de l’océan Pacifique Sud lors de la campagne Sea2Cloud (mars 2020, Nouvelle-Zélande). Ces observations seront utilisées afin de mieux représenter les processus de formation des cristaux de glace (i.e. le processus de nucléation hétérogène et les différents mécanismes de multiplication secondaire de la glace) dans le modèle à microphysique détaillée (bin) DESCAM (DEtailed SCAvenging Model), fournissant ainsi un outil numérique unique pour l’étude des interactions aérosol-nuage. Les simulations réalisées au cours du projet ACME seront réalisées à l’échelle du nuage en utilisant des résolutions sub-kilométriques.

Le projet ACME améliorera donc notre connaissance sur les processus microphysiques liés à la formation de la glace primaire et secondaire, sur les interactions entre les cristaux de glace et les gouttelettes nuageuses, et sur le rôle des particules d’aérosol dans le développement et l’évolution des nuages présents dans des environnements marins ayant des propriétés contrastées. Le projet ACME révélera également les mécanismes dominant dans la formation des cristaux de glace et impactant la distribution de la phase liquide et de la phase glace dans les divers nuages en phase mixte étudiés. Le projet ACME contribuera en outre au développement de nouvelles paramétrisations des processus de formation de la glace, dans diverses conditions thermodynamiques de l’atmosphère, pour des modèles de plus grande échelle.

Coordination du projet

Céline Planche (LABORATOIRE DE METEOROLOGIE PHYSIQUE)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenariat

LAMP LABORATOIRE DE METEOROLOGIE PHYSIQUE

Aide de l'ANR 283 920 euros
Début et durée du projet scientifique : mars 2022 - 42 Mois

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