Ecologie de la santé dans un monde changeant : comprendre la circulation des agents infectieux en reliant les facteurs de stress environnementaux, les dynamiques des populations et l’écologie du mouvement – EcoDIS
Impact des polluants et des parasites sur les mouvements des goélands et conséquences pour la circulation des agents infectieux
Les stress environnementaux - tels que les agents pathogènes ou la pollution - altèrent la survie et la reproduction de la faune sauvage. Ces changements peuvent à leur tour affecter les mouvements de ces animaux, influençant la dissémination des agents pathogènes qu'ils abritent. EcoDIS examine ces liens chez un oiseau marin anthropophile, le goéland leucophée.
Mouvements des goélands et santé publique
Les polluants environnementaux et les pathogènes peuvent avoir des impacts négatifs sur la santé des animaux sauvages et la dynamique de leurs populations. Individuellement, leurs effets peuvent être faible ou sublétal, mais très peu est connu sur leurs effets cumulatifs et interactifs qui peuvent être engendrés lorsqu’ils sont combinés. L’objectif d’EcoDIS est d’aborder ce problème à travers des approches interdisciplinaires qui associent les suivis démographiques, l’écotoxicologie, les génétiques de populations, l’épidémiologie et l’écologie des mouvements pour étudier comment le niveau des polluants (métaux lourds & plastiques) et des parasites modifient le succès de reproduction, les dynamiques de populations et les déplacements des goélands leucophées (Larus michahellis), et par conséquence, la circulation des agents infectieux hébergés par ces oiseaux à différentes échelles spatiales. En utilisant une espèce sauvage très répandu et fréquemment trouvé dans les zones urbaines, les résultats présentent un intérêt à la fois fondamental (c.-à-d. impacts des stress environnementaux sur la dynamique des populations d’animaux sauvages) et appliqué (c.-à-d. circulation de pathogènes et le risque d’exposition humaine).
EcoDis combine une approche observationnelle sur le terrain avec des analyses en laboratoire pour répondre à l’objectif central, et ceci via trois étapes :
1) Cartographier la variabilité spatiale de l’exposition des goélands aux polluants et aux parasites/pathogènes en Méditerranée occidentale. Ceci implique l’échantillonnage des oiseaux (adulte et juvénile) dans des colonies représentatives de la zone et l’analyse en laboratoire de ces échantillons pour évaluer l’exposition aux polluants et aux parasites/pathogènes via des méthodes éco-toxicologiques, moléculaires et chimiques.
2) Evaluer les effets cumulés de ces facteurs de stress sur la démographie des goélands (succès de reproduction, taux de survie et de retour) à travers le suivi de cinq colonies focales et les informations obtenus par le bio-logging des individus oiseaux. Ces observations seront complétées par des tests toxicologiques en laboratoire pour examiner l’interaction entre différents types de stresses (effet des métaux lourds sur les parasites de nids).
3) A partir des données d’observation, des analyses génétiques et les résultats expérimentaux, relier les mouvements des goélands à différentes échelles spatiales et entre les zones urbaines/non-urbaines avec la distribution des agents infectieux et le risque potentiel aux humains. L’intégration de ces données avec les informations sur les régimes alimentaires permettra d’évaluer dans quelle mesure l’état de la santé et le succès de reproduction des oiseaux sont liés à l’utilisation des ressources anthropiques.
Lors d'analyses parasitaires, un nouveau parasite sanguin du groupe Babesia Peircei a été découvert chez les goélands. Ce parasite est génétiquement distinct d'une espèce précédemment décrite chez des oiseaux d'Espagne. Il montre une prévalence extrêmement élevée dans une colonie française, mais semble être largement absent dans les autres colonies, malgré la présence du vecteur présumé. Ceci remet en question la connectivité entre les colonies et le rôle possible des facteurs environnementaux dans l'établissement du parasite au sein des colonies.
Par ailleurs, les analyses des données historiques de baguage démontrent que les populations de goélands se déplacent différemment selon la localisation de la colonie. Sur la base de ces comportements, nous pouvons prédire la direction de la circulation des agents pathogènes. Les données contemporaines du projet nous permettront de tester si les schémas de déplacement ont changé au cours de la dernière décennie, et en particulier avec la fermeture des décharges publiques utilisées par ces oiseaux pour se nourrir.
Enfin, une étude sur les plastiques dans les régurgitations d'oiseaux suggère que les parents adaptent leur régime alimentaire à la présence des poussins. En effet, le nombre d'éléments plastiques dans les pelotes régurgitées diminue au moment de l'éclosion des poussins, une période où les jeunes oiseaux peuvent être particulièrement sensibles à une nourriture de mauvaise qualité. Par conséquent, bien que les goélands se nourrissent fréquemment de sources alimentaires anthropiques, ils semblent être capables d'adapter leur utilisation pour assurer la survie de leurs jeunes.
En reliant les informations sur les facteurs de stress environnementaux à la démographie des goélands et aux mouvements observés, nous pouvons mieux comprendre le rôle de la santé et du succès de la reproduction des oiseaux dans leurs déplacements. Il est intéressant de noter que de tels mouvements auront par la suite un effet de rétroaction, modifiant à la fois la présence de contaminants et d'agents pathogènes à différentes échelles spatiales et les risques potentiels pour la santé humaine et animale. Ces résultats seront utiles d'un point de vue fondamental pour mieux comprendre l'écologie d'un oiseau anthropophile, mais fourniront également des informations essentielles aux gestionnaires de la faune sauvage et aux responsables de la santé publique.
A ce jour, les résultats du projet nous a permis de publier 1 article dans un revue international (Ticks & Tick-borne Diseases), avec deux autres manuscrits en cours de soumission. Nous avons également présenté des éléments du projet dans 3 conférences internationales et 4 conférences nationales. En termes de vulgarisation, le projet a été présenté dans 1 article pour les gestionnaires (https://pole-lagunes.org/etudier-limpact-des-polluants-sur-les-goelands-leurs-mouvements-et-leurs-parasites-lancement-du-projet-ecodis/) et dans le blog CNRS sur les océans (https://lejournal.cnrs.fr/nos-blogs/un-ocean-de-decouvertes/la-surveillance-des-oiseaux-marins-de-nouveaux-enjeux-sanitaires). Nous avons aussi exposé une partie du projet au grand public lors du conférence ARBE - Provence Alpes-Côte d’Azur « Lutter contre les pollutions plastiques en milieux naturels » (https://youtu.be/EB-SzAgcoxQ)
Les polluants et les agents pathogènes peuvent avoir un impact négatif sur la santé de la faune sauvage et peuvent modifier la dynamique de leurs populations. Si leurs effets individuels sont souvent faibles, leurs effets cumulatifs et interactifs restent méconnus. EcoDIS abordera cette question par une approche interdisciplinaire combinant suivi démographique, écotoxicologie, génétique des populations, épidémiologie et écologie du mouvement. Nous étudierons ces facteurs de stress de manière combinée chez une espèce méditerranéenne commune et abondante, le Goéland leucophée (Larus michahellis).
Ce projet se subdivise en cinq workpackages (WP) pour répondre à trois objectifs scientifiques (OS). Le premier objectif (OS1) est de cartographier la variabilité spatiale de l'exposition des goélands aux polluants et aux parasites/pathogènes dans toute la Méditerranée occidentale (WP1). Il s'agira d'évaluer (i) les niveaux de polluants (métaux lourds, macroplastiques, microplastiques et additifs plastiques) et (ii) l'exposition aux parasites et aux agents pathogènes (ectoparasites, helminthes, bactéries et virus) dans 15 colonies. Le deuxième objectif (OS2) est d'évaluer les effets combinés de ces facteurs de stress sur la démographie des goélands (succès de la reproduction, taux de survie et taux de fidélité au site) (WP2) et de tester expérimentalement une possible interaction antagoniste entre les parasites et les contaminants (WP3). En absorbant les polluants plus rapidement que leurs hôtes, les parasites pourraient par exemple conférer un avantage sélectif aux hôtes dans des lieux hautement pollués. En revanche, si un contaminant diminue la valeur sélective du parasite, la fréquentation de sites contaminés pourrait permettre aux hôtes d’échapper à ces parasites. Le dernier objectif du projet (OS3) sera de relier les données des précédents WP aux mouvements des goélands entre colonies et entre les zones urbaines et non urbaines dans le but de comprendre la circulation des maladies et le risque pour l'homme. Ces mouvements seront inférés à partir d’analyses de génétiques des populations, de modélisation CMR des données de baguage et de tracking des oiseaux (WP4). Ces mouvements seront également déterminés indirectement par l’analyse de la structure génétique des parasites et pathogènes (une tique Ornithodoros maritimus, un parasite du sang transmis par les tiques Babesia sp., et un microbe à transmission directe comme la grippe aviaire) (WP5). Nous évaluerons ainsi si les facteurs de stress combinés modifient le mouvement et si le mouvement peut, à son tour, expliquer la structure spatiale des agents infectieux. En outre, l'intégration d’informations sur les régimes alimentaires (provenant d’analyses de régurgitations et d’isotopes stables) nous permettra d'évaluer dans quelle mesure l'état de santé et le succès de la reproduction sont liés à l'utilisation des ressources anthropogéniques.
Un consortium de sept partenaires nationaux et internationaux possédant des compétences complémentaires assurera la réussite du projet. En utilisant une espèce sauvage répandue qui fréquente des zones urbaines, les résultats d’EcoDIS présenteront un intérêt à la fois fondamental (ie les effets des facteurs de stress environnementaux combinés sur la dynamique des populations sauvages) et appliqué (ie la circulation des agents pathogènes par la faune sauvage et le risque d'exposition humaine). Les résultats pourraient également nous permettre d'utiliser des espèces communes comme le Goéland leucophée, ou même leurs parasites comme bio-indicateurs de la qualité de l'environnement. Enfin, EcoDIS devrait déboucher sur de meilleures techniques de quantification des microplastiques au sein des tissus animaux ce qui représentera une contribution majeure à la caractérisation de l'impact de cet important polluant environnemental sur les populations animales.
Coordination du projet
Karen McCoy (Maladies Infectieuses et Vecteurs : Ecologie, Génétique, Evolution et Contrôle)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
LIENSs Littoral, Environnement et Sociétés
Tour du Valat / Jean Jalbert
IMRCP LABORATOIRE INTERACTIONS MOLECULAIRES ET REACTIVITE CHIMIQUE ET PHOTOCHIMIQUE
CEFE Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive
MIVEGEC Maladies Infectieuses et Vecteurs : Ecologie, Génétique, Evolution et Contrôle
ECCC Environnement et Changement climatique Canada / Service canadien de la faune
University of Barcelona / Department of Evolutionary Biology, Ecology and Environmental Sciences
Aide de l'ANR 443 278 euros
Début et durée du projet scientifique :
January 2021
- 48 Mois
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