Visibilité et invisibilité des minoritaires dans l'espace public à la fin du Moyen Âge – VISMIN

La dimension spatiale de la tension entre visibilité et « invisibilisation » des minoritaires est appréhendée de façon dynamique grâce à la technologie des Systèmes d’information géographique, en recourant au logiciel ArcGis.
L'équipe de Vismin complémentaire dans ses expertises s'est formée pour développer ce projet collaboratif. La base de données a été pensée et créée de façon collective à l'occasion de rencontres et d'échanges fréquents et réguliers. L'équipe a également été formée aux sigs afin d'être en mesure de collaborer à la production des résultats géomatiques.
La forte coloration technique du projet doit être rappelée : l’enquête archivistique a produit et continue de produire des données qui alimentent une base réalisée sur le système Heurist accessible en ligne. Les données sur Heurist sont exportées sur Arcgis et peuvent donc être cartographiées après la vectorialisation des cartes anciennes des localités étudiées. Les informations tirées de la documentation textuelle sont confrontées et comparées avec les cartes les plus anciennes de ces mêmes localités. Au cœur de la problématique spécifiquement géomatique réside la modélisation spatio-temporelle.

-La Base de Données “Vismin” sur Heurist.
Après quelques hésitations, le choix a été fait de construire la base de données sur Heurist, logiciel de base de données relationnelles adossé à la Très Grande Infrastructure de Recherche Huma-Num. Le logiciel Heurist a été choisi car il permet la mise en relation d’acteurs, de lieux et d’objets, caractéristique qui répond aux défis posés par le projet. L’élaboration de la base de données s’est faite de façon collaborative à l’occasion de rencontres régulières (1 fois par mois environ en distanciel) des membres du projet Vismin tout au long de l’année 1 du projet. La BDD Vismin a été stabilisée au mois de décembre 2021, soit dix mois après le lancement des travaux. Plusieurs centaines de données ont d’ores et déjà été entrées dans la base grâce au travail du Post-doctorant recruté à l’Ulco en septembre 2021 (pour un an) et des membres du projet qui collaborent à la complétion de la BDD. Celle-ci continuera d’être alimentée tout au long du projet.
-La création du Site Internet Vismin à l’adresse vismin.huma-num.fr
Le site internet du projet a été créé au printemps 2021 et est lui aussi adossé à la TGIR Huma-Num. Il présente les objectifs et les partenaires du projet, rend publiques les actualités des différents participants, permet de poster des story-maps, en particulier les travaux réalisés par Jean Passini assisté d’Éric Mermet et Angelo Odore.
-La vectorialisation des données.
L’ingénieur de recherche géomaticien recruté par l’EHESS (partenaire du projet) en septembre 2021 (pour 18 mois) a procédé à la vectorialisation des cartes anciennes des villes sélectionnées pour le projet (Barcelone, Gérone, Perpignan, Puigcerda, Palma de Majorque, Castillon d’Empurias, Saragosse, Tolède) à partir des plans cadastraux de ces villes. Les limites des quartiers juifs y ont été repérées à l’aide des différents travaux scientifiques disponibles. Les données tirées de la Base y seront spatialisées.

-L’enquête sur le terrain et l’approche multiscalaire.
Dans la suite des travaux de Jean Passini (EHESS), une étude très fine du terrain est menée par Jean Passini, Éric Mermet et Angelo Odore pour analyser le bâti des quartiers juifs ou ce qu’il en reste, et permettre ainsi de reconstituer visuellement des éléments des quartiers et des maisons. Ce pan du projet n’avait pas été prévu en tant que tel initialement, mais la possibilité d’utiliser un laser-scan 3D a permis d’en tirer tout le bénéfice. Dans un premier temps, la ville de Tolède a fait l’objet de plusieurs missions, qui devront être étendues en particulier aux villes de Perpignan et de Gérone. Ce chantier permet de renforcer la dimension multi-scalaire du projet, de l’échelle micro de la maison, à l’échelle macro de la ville ou même des royaumes.

Le travail sur le projet révèle de nouvelles sources, même au sujet des villes pour lesquelles le corpus était déjà solidement établi. La possibilité de comparaison entre les villes est encore améliorée par la découvertes d’inventaires contemporains les uns des autres, qui permettent de suivre l’évolution sociale et spatiale des quartiers de la fin du XIVe s. à celle du XVe siècle. Les interprétations des textes classiques, telles les lettres de le reine Violante au sujet de la concentration de l’habitat dans les quartiers juifs et sur les conversions postérieures aux violences de 1391 peuvent désormais être mieux comprises et contextualisées.
Finalement, ce projet prouve qu’un travail systématique portant sur des espaces déjà connus apporte beaucoup à l’interprétation et devrait améliorer la compréhension des quartiers dédiés à une minorité (religieuse, mais pas seulement).
Les mois à venir seront consacrés à la complétion de la base de données, la production de cartes et de plans, la conception de l'exposition itinérante et la préparation du colloque final.

Publications:
1. Ingrid Houssaye Michienzi, Sarah Maugin, Claire Soussen, « La frontière interconfessionnelle, un concept pertinent dans l’espace urbain de la Couronne d’Aragon des XIIIe-XVe siècles ? », dans Frontières spatiales, frontières sociales, Actes du 51e congrès de la SHMESP, Paris : Publications de la Sorbonne, 2021, p. 313-331. [hal-03040296]
2. Claude Denjean, chapitre2 de la partie 2 dans Les juifs et les pouvoirs. Des minorités médiévales dans l’Occident méditerranéen (XIe-XVe siècles), Paris, Cerf, Patrimoines, Collection de la Nouvelle Gallia Judaïca, 11, 2020, ISBN : 978-2-204-13486, 400 p. Prix Diane Pottier-Boès de l’Académie Française 2021.
3. Claude Denjean et Ghislaine Jay-Robert, éd. Quartier, quartiers : images et perceptions, Colloque international Visa pour l’Image de septembre 2020, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, octobre 2022. (introduction de Cl. Denjean)
4. Jean Passini : La judería de Granada : El urbanismo de la judería Estudio para una investigación prospectiva II Congreso internacional juderías hispanas para el siglo XXI. 7/10 junio 2022 Granada

Séminaires, Journée d'études et colloques:
1. Claude Denjean, Pierre Savy et Claire Soussen, « Appartenir à la cité, faire communauté. L’inclusion politique des juifs en Occident (Antiquité tardive-Moyen Âge) », 7 juin 2022, Journée d’étude au Mahj.
2. Claude Denjean, coord., - Les villes et les juifs, études spatiales, École d’hiver franco-allemande [UPVD, LEM NGJ, U de Heidelberg] 28-30 janvier 2020.
3. Claude Denjean, coord. 8-10 septembre 2021, Perpignan et Gérone, École doctorale internationale Perpignan-Heidelberg-Gérone, Ventes, échanges, mutations… De la reconfiguration des maisons entre juifs et chrétiens [XIIe-XVIIe siècles]
4. Claire Soussen, Organisation d’une session intitulée « L’histoire des juifs et les Humanités Numériques » au 2ème Congrès de la Société des Études Juives, 12-14 décembre 2021, Campus Condorcet, Paris.

Story maps par Jean Passini:
1. La juiverie de Grenade
2. La synagogue de los Golondrinos
3. 3D, Lidar, Photographie laser de plusieurs site dans la juiverie de Tolède

Le projet VISMIN se propose d’approcher la question de la visibilité ou de l’« invisibilisation » du fait minoritaire dans l’espace publique à la fin du Moyen Âge, en examinant l’évolution de la place de la minorité juive dans quelques villes de la Couronne d’Aragon. Partant du constat que, durant les trois derniers siècles du Moyen Âge, les pouvoirs en Occident balancent entre deux attitudes contradictoires : gommer les différences dans une logique intégratrice correspondant à l’idéal de la Societas Christiana, et distinguer les minoritaires afin de circonvenir la menace qu’ils représentent à leurs yeux, le projet analysera les enjeux et les effets de cette tension entre visibilité et « invisibilisation » dans l’espace urbain. Interdisciplinaire, il empruntera à la paléographie, à la cartographie, à l’archéologie et à l’anthropologie, et mobilisera les ressources de la géomatique.
L’enquête archivistique menée dans la documentation émanant des pouvoirs et des notaires aura pour objectif le recueil de données qui alimenteront une base réalisée sur le logiciel PostGreSQL accessible en ligne (sur laquelle on pourra intégrer une extension pour les données PostGis). La dimension spatiale de la tension entre visibilité et « invisibilisation » des minoritaires sera appréhendée de façon dynamique grâce à la technologie des SIG, en recourant au logiciel ArcGis, qui permettra la production de cartes, plans et couches sur un géoportail web.
Le projet VISMIN est un PRC dont le partenaire principal est l’Université du Littoral Côte d’Opale représentée par Claire Soussen, coordinatrice scientifique, PR en Histoire du Moyen Âge, spécialiste des relations entre juifs et chrétiens en péninsule Ibérique.
Les autres partenaires sont : l’Université de Perpignan-Via Domitia, représentée par Claude Denjean, PR spécialiste de l’histoire des juifs dans la Couronne d’Aragon et fondatrice du groupe JACOV, et ses doctorants; l’EHESS représentée par Jean Passini du CRH, DR émérite, auteur de travaux novateurs sur la juiverie de Tolède, Éric Mermet, IR au CNRS (laboratoire Cams) et animateur de la plate-forme géomatique de l’EHESS, Philippe Blanchard, doctorant en histoire à l’EHESS et archéologue à l’INRAP, spécialiste d’archéologie funéraire médiévale, Maurice Kriegel, DE émérite à l’EHESS, spécialiste de l’Histoire des juifs dans le bassin méditerranéen; et la Casa de Velázquez qui agrégera les chercheurs français et espagnols non financés impliqués dans le projet : Ingrid Houssaye, CR au CNRS spécialiste du commerce en Méditerranée, qui a travaillé sur les juifs de Majorque; Javier Castaño, chercheur titulaire au CSIC à Madrid, spécialiste de l’histoire et de l’archéologie des juifs en péninsule Ibérique; Miguel Ángel Espinosa Villegas PR à l’Université de Grenade et quelques-uns de ses collègues.
Le projet prévoit par ailleurs le recrutement de personnels afin de renforcer l’équipe: un(e) post-doctorant(e) en histoire pendant 1 an et demi rattaché(e) à l’ULCO (1 an) et à l’UPVD (6 mois) chargé(e) de compléter les données en prospectant les fonds d’archives, un(e) ingénieur(e) d’études en géomatique pour un 1 an et demi rattaché(e) à l’EHESS, et un(e) post-doctorant(e) en archéologie (qui réalisera un dossier documentaire à partir des données recueillies dans les rapports de fouilles préventives, ainsi que celles issues de l'archéologie de surface et du bâti) rattaché(e) à la Casa de Velázquez pour 6 mois. La dotation budgétaire servira également à financer les missions effectuées dans les dépôts d’archives, l’achat de matériel informatique, les réunions-bilans semestrielles, l’organisation d’un colloque final à la Casa de Velázquez, la publication d’une monographie consacrée aux enjeux politiques de la gestion spatiale des minorités dans la Couronne d’Aragon et la création d’une exposition itinérante qui confrontera les cartes, plans et couches issus du travail géomatique et les photographies des vestiges des quartiers juifs.