Investigation expérimentale et numérique des gaps élastiques dans les théories de plasticité à gradient – SGP-GAPS
Réalité physique des gaps élastiques dans les théories de plasticité à gradient
La plupart des théories de plasticité à gradient impliquant la dissipation « higher-order » prédisent des gaps élastiques sous certains chargements. Cependant, à ce jour, il n’existe aucune preuve de leur existence en réalité. Ceci représente une source majeure d’incertitude sur l’aptitude des théories de plasticité à gradient à prédire correctement les effets de taille à petites échelles. Ce projet vise à résoudre le mystère des gaps élastiques en étudiant leur nature physique.
Vers une modélisation réaliste des effets de taille à petites échelles
Les théories de plasticité à gradient représentent une alternative puissante pour modéliser les effets de taille dans les structures miniaturisées. Cependant, elles peuvent conduire à des effets inconnus sous certaines conditions de chargements, tels que les gaps élastiques (retardement/interruption temporaire de l’écoulement plastique) sous certains chargements non-proportionnels. L’objectif de ce projet est de fournir une meilleure description des mécanismes physiques régissant la plasticité à petites échelles en lien avec les effets de taille et la formation des gaps élastiques. Cela permettra de conclure sur la réalité physique de ces derniers. Cette nouvelle description enrichie sera prise en compte pour développer des modèles de plasticité à gradient, pour les mono- et poly-cristaux, suffisamment robustes pour des applications industrielles. Ces modèles permettront d’aborder des problèmes complexes à petites échelles ayant un fort impact économique et environnement, comme l’optimisation numérique des microstructures et l’étude de formabilité des tôles métalliques ultra-minces qui voient une utilisation grandissante avec la tendance actuelle à la miniaturisation.
Une approche robuste, basée sur le dialogue entre l’expérimentation et la simulation numérique à petites échelles, est proposée pour étudier les effets de taille en lien avec les gaps élastiques. Des expériences originales, impliquant pour la première fois des chargements non-proportionnels à petites échelles, seront réalisées sur des micro-éprouvette de Nickel (structure CFC). Pour faciliter l’interprétation des résultats expérimentaux et avoir accès à des détails importants mais difficiles à mesurer expérimentalement, des simulations avancées basées sur dynamique de dislocations discrètes (DDD) seront effectuées. Les résultats expérimentaux serviront à affiner les simulations DDD qui, à leur tour, vont aider à interpréter les résultats expérimentaux. Ce dialogue expérimental-numérique permettra d’établir une description plus fine des mécanismes de plasticité à petites échelles en lien avec les gaps élastiques. Il sera dont possible de conclure d’une manière incontestable sur la réalité physique de ces derniers.
Sur le plan expérimental, une nouvelle micromachine de sollicitation combinée « traction-flexion » a été conçue, avec des mors à degrés de liberté différents (translation pure pour l’un eux et rotation pure pour l’autre) et commandés séparément. La micromachine est en cours de fabrication. En parallèle, des essais de micro-traction sont en cours de réalisation sur une micromachine de caractérisation disponible au laboratoire LEM3 pour choisir les dimensions optimales des micro-échantillons à utiliser dans l’étude expérimentale des gaps élastiques. Pour obtenir des effets de taille, plusieurs traitements thermiques, visant à modifier le ratio entre la taille des grains et l’épaisseur des micro-échantillons, ont été testés. Cela a permis d’établir des relations facilitant le choix des paramètres du traitement thermique pour obtenir une taille de grain souhaitée. Sur le plan numérique, des simulations par dynamique des dislocations discrètes (DDD) sur un monocristal de Nickel pur ont permis d’obtenir des résultats très intéressants concernant la réalité des gaps élastiques. Aucune trace de ces gaps n’a pu être captée sous les chargements non-proportionnels appliqués, ce qui conforte l’hypothèse de non-existence de tels gaps en réalité. Des nouvelles simulations DDD de validation sont en cours de réalisation. En considérant les premiers résultats DDD, un nouveau modèle de plasticité cristalline à gradient a été développé capable de prendre en compte la dissipation higher-order (liée aux termes gradients) tout en évitant les gaps élastiques. C’est le premier modèle monocristallin permettant d’éviter systématiquement ces gaps.
Les premiers résultats du projet sont très encourageants pour la suite des travaux. Sur le plan expérimental, il est question de finir la fabrication de la nouvelle micromachine de sollicitation combinée « traction-flexion ». Cette micromachine sera ensuite utilisée pour réaliser des essais « in-situ » de traction suivie par une flexion sur des micro-éprouvettes en présence des effets de tailles. Sur le plan numérique, des nouvelles simulations DDD sous différents types de conditions aux limites non-proportionnelles sont en cours de réalisation. Ces simulations vont permettre de valider les premiers résultats obtenus sur l’existence des gaps élastiques en réalité. Une version phénoménologique du nouveau modèle de plasticité cristalline à gradient sera proposée pour permettre des simulations à l’échelle d’un polycristal à un coût abordable. Les lois constitutives utilisées dans cette version seront enrichies en se basant sur les résultats expérimentaux et ceux issus des simulations DDD.
Les travaux réalisés à ce jour ont fait l’objet d’un papier qui a été récemment soumis (en cours) et un deuxième en cours de rédaction (soumission prévue fin aout).
Les expériences ont constamment montré que les matériaux métalliques peuvent présenter d’importants effets de taille à l’échelle du micron, où le phénomène particulier « plus petit, plus fort » apparaît. Compte tenu de la tendance exponentielle à la miniaturisation, la modélisation correcte de ces effets est devenue incontournable dans divers domaines de haute technologie, comme la microrobotique, la microélectronique, la micromédecine, etc. En conséquence, un grand effort scientifique a été consacré au sujet et de nombreuses théories à effets de taille ont été proposées ces dernières années. Parmi ces théories, les théories de la plasticité à gradient (PG), qui peuvent être considérées comme une extension de la plasticité conventionnelle aux petites échelles, peuvent particulièrement être citées. Impliquant des longueurs internes, ces théories sont capables de prédire les gradients de déformation plastique, dont le lien avec les effets de tailles a été prouvé expérimentalement et numériquement en utilisant la mécanique des dislocations. Grâce à leur capacité à capter les effets de taille, les théories PG sont de plus en plus utilisées pour la prédiction du comportement dépendant de la taille des matériaux à l'échelle du micron. Cependant, malgré les progrès importants réalisés sur ces théories, elles souffrent toujours de certaines difficultés fondamentales, empêchant jusqu'à présent leur application à de réels problèmes d'ingénierie. Le présent projet est proposé pour résoudre l'une des difficultés les plus complexes liées à ces théories : la nature physique des gaps élastiques qui sont observés numériquement en utilisant la plupart de telles théories. En effet, la plupart des théories PG impliquant une dissipation d’ordre supérieur thermodynamiquement consistante prévoient des gaps élastiques (retardement dans l'écoulement plastique) sous certaines conditions de chargements non-proportionnels. Néanmoins, à ce jour, il n'existe aucune preuve expérimentale ni aucune confirmation numérique à petite échelle prouvant l'existence de tels gaps en réalité. Cela représente une source majeure de confusion et d'incertitude, empêchant le développement de modèles PG robustes qui peuvent être appliqués dans un contexte réel de l’industrie. En l'absence de travaux étudiant ces gaps d'un point de vue physique, l'investissement scientifique sur les théories PG a atteint un point de bifurcation divisant la communauté scientifique entre ceux qui considèrent ces gaps comme des effets de taille "inconnus" (donc probablement physiques) et ceux qui ne voient aucune raison physique à leur existence en réalité, au moins au sein d'un monocristal, car elles reflètent une variation finie et instantanée des contraintes d'ordre supérieur. Ce projet vise à lever cette ambiguïté et à fournir une réponse irréfutable à la question « les gaps élastiques sont-ils physiques ? ». Pour atteindre ses objectifs, le projet créera une synergie multidisciplinaire entre des expériences originales à petite échelle, impliquant, pour la première fois, des conditions de chargements non-proportionnels, et des simulations poussées basées sur la dynamique de dislocations. Les résultats expérimentaux et numériques seront ensuite considérés pour revoir les principales théories PG publiées dans la littérature, dans le but de développer les premiers modèles PG mono- et poly-cristallins suffisamment robustes pour des applications industrielles réelles. Comme application, les modèles proposés seront finalement utilisés pour étudier l'un des problèmes à petites échelles les plus difficiles : l'impact des effets de taille sur la formabilité des tôles ultra-minces qui sont de plus en plus utilisées dans divers domaines de l'ingénierie.
Coordination du projet
Mohamed JEBAHI (Laboratoire d'Etude des Microstructures et de Mécanique des Matériaux)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
LEM3 Laboratoire d'Etude des Microstructures et de Mécanique des Matériaux
Aide de l'ANR 212 522 euros
Début et durée du projet scientifique :
- 48 Mois