Apprendre du passé pour envisager l'avenir : approche intégrée de la sensibilité bioclimatique d'un coquillage exploité en Afrique de l'Ouest – IROCWA
Le fonctionnement des écosystèmes côtiers est exposé à de nombreuses altérations associées aux changement global. Dans un objectif de gestion durable des ressources, il convient de mieux appréhender la réponse des espèces face aux variations de leur environnement. Dans le delta du Sine-Saloum (Sénégal), l’arche (Senilia senilis) est une espèce de coquillage clé pour les communautés de femmes qui les exploitent, qui sont elles-mêmes une clé de voute du socio-écosystème du delta. Dans l’état actuel de nos connaissances, il est cependant impossible de prédire la réponse de cette espèce aux variations de ses conditions de vie, dans un contexte de changement global. Très peu d’informations sur la biologie de cette espèce sont disponibles. Le projet IROCWA se propose donc de caractériser la réponse biologique de l'arche à un large éventail de conditions bioclimatiques passées et présentes, afin de fournir des connaissances et des outils permettant d’aider à prévoir les conséquences futures du changement climatique sur cette espèce clé en Afrique de l'Ouest. Ce projet développe une approche innovante, interdisciplinaire et intégrée, combinant écophysiologie expérimentale, modélisation bioénergétique, paléoécologie et paléoclimatologie, afin de : (i) délimiter la niche écologique de l'espèce (ii) décrire la variabilité des croissances individuelles au cours des derniers siècles au regard des régimes contrastés des précipitations et (iii) développer un modèle mécaniste simulant l'effet de la variabilité environnementale sur les traits d'histoire de vie individuels, facteurs clés d’une meilleure compréhension de la dynamique de ces populations.
Le projet IROCWA combinera des observations in-situ, des expériences en laboratoire et in-situ et une approche de modélisation bioénergétique. IROCWA est organisé en trois axes de travail (WP), avec un haut niveau d'interaction entre eux. Le WP1 s’appuiera sur la sclérochronologie et la sclérochimie pour reconstituer les schémas de croissance individuelle et les conditions environnementales du passé, de 800 après J.-C. à nos jours. Le WP2 développera les premières expériences en écophysiologie jamais réalisées sur cette espèce pour quantifier son optimum et sa plage de tolérance aux principales variables environnementales (température, salinité, oxygène, nourriture). Enfin, le WP3 développera le premier modèle bioénergétique pour S. senilis dans le cadre de la théorie Dynamic Energy Budget (DEB), en y intégrant un module de formation des carbonates biogéniques, permettant à la fois (i) de simuler la croissance (coquille, tissus mous) et la reproduction de S. senilis dans différentes conditions environnementales et (ii) de reconstruire les conditions alimentaires passées à partir des coquilles archéologiques.
La perspective de reconstruire les conditions environnementales rencontrées par S. senilis sur une échelle de plusieurs siècles offre un contexte expérimental sans précédent pour suivre la réponse biologique d'une espèce de bivalve à un phénomène d’aridification, qui est l'un des plus grands changements environnementaux observés sur terre. Ces données historiques, à la lumière de la reconstruction quantitative du paléoclimat, de l'écophysiologie expérimentale et de la modélisation bioénergétique, permettront de mieux comprendre la sensibilité biologique de cette espèce aux changements environnementaux et d’offrir des perspectives de projection à l'échelle de la population. De telles informations sont clés pour soutenir le développement durable de la pêche artisanale. De plus, S. senilis est une espèce modèle qui permettra de valider l'approche innovante développée par IROCWA pour de futures études bioclimatiques avec d'autres espèces et/ou dans d'autres écosystèmes. Ces développements sont particulièrement opportuns, la vulnérabilité des écosystèmes côtiers face aux changement climatique étant une préoccupation majeure dans le monde entier.
Coordination du projet
Yoann Thomas (Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Laboraoitre des sciences de l'Environnement Marin (LEMAR))
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
IRD-LEMAR Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Laboraoitre des sciences de l'Environnement Marin (LEMAR)
LOCEAN Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques
UCAD-IUPA Université Cheikh Anta Diop de Dakar / Institut Universitaire de Pêche et Aquaculture
Aide de l'ANR 235 137 euros
Début et durée du projet scientifique :
janvier 2020
- 48 Mois