Outils psychométriques de nouvelle génération pour caractériser l'efficacité de l'audition et ses déficits – NewPiTCH
Le fardeau social des pertes auditives s’alourdit à mesure que l'espérance de vie s'accroît. Actuellement, la conception de prothèses auditives est basée sur des tests audiométriques qui ne reflètent qu’une partie de la complexité des pertes, menant à la commercialisation de prothèses dont les performances resteront insatisfaisantes pour de nombreux utilisateurs. Nous développons ici une nouvelle génération d'outils pour une caractérisation expérimentale et computationnelle des pertes auditives. Ces outils, qui permettent de disséquer les différents mécanismes impliqués dans notre perception, offrent un modèle riche pour identifier les composantes spécifiques responsables des déficiences auditives. Pertinents pour des tâches quotidiennes (ex. compréhension de la parole) et facilement applicables en clinique, ils présentent le potentiel translationnel requis pour affiner la conception et le réglage des futures prothèses.
Nous relevons trois facteurs majeurs limitant l’état de l’art actuel dans ce domaine. Premièrement, les pertes auditives sont un phénomène complexe qui ne peut pas être simplement appréhendé en terme de réduction d’audibilité (le principal déficit ciblé par les prothèses) : il s’agit de comprendre non seulement comment les humains détectent des modulations auditives, mais également comment ils les combinent de manière complexe pour interpréter des sons structurés comme la parole. Deuxièmement, les approches actuelles pour caractériser l’efficacité du traitement auditif confondent bien souvent deux types de déficits : un mauvais filtrage sensoriel versus une variabilité interne accrue. Troisièmement, de larges différences interindividuelles sont observées dans les pertes auditives, rendant une solution de type « correction standard pour tous » clairement sous-optimale. Aujourd’hui, nous n’avons pas de compréhension computationnelle individualisée des déficiences auditives, i.e. nous ne pouvons pas expliquer les pertes d’un individu en décrivant spécifiquement les déficiences de ses mécanismes auditifs.
Pour palier ces limitations, nous fixons 4 objectifs principaux : 1) développer une nouvelle génération d’outils expérimentaux (notamment la corrélation inverse psychophysique et l’estimation du bruit interne) permettant une caractérisation fine du traitement auditif biologique, exploitable pour contraindre les modèles computationnels potentiels ; 2) développer une nouvelle génération de modèles contraints expérimentalement, de manière à pouvoir, grâce à notre description fonctionnelle précise du traitement auditif, expliquer comment les déficits d’un individu donné se traduisent; 3) rendre ces outils expérimentaux/computationnels adaptés à des tâches auditives quotidiennes, en concevant nos protocoles pour sonder l’intégralité des mécanismes permettant de détecter des caractéristiques auditives élémentaires, jusqu’à leur rôle et leur organisation pour le traitement de la parole ; 4) s’assurer que ces outils peuvent en pratique être transférés du laboratoire à la clinique en les y testant en parallèle, afin d’optimiser et d’ajuster directement nos protocoles à travers leur utilisation clinique.
La réussite de ces objectifs implique différents défis. Pour limiter les risques associés, nous avons mis en place un ensemble de mesures. Tout d’abord, un plan d’action incrémental, allant de paradigmes contrôlés pour lesquels nous avons une garantie de réussite, à des protocoles plus complexes visant à un apport direct pour comprendre le traitement auditif naturel (ex. compréhension de la parole). Deuxièmement, nous avons mis en place un cadre robuste opérationnel nous liant à de multiples collaborateurs cliniques, afin de pouvoir garantir un accès aux populations malentendantes. Enfin, nous avons constitué une équipe aux expertises complémentaires de plus haut niveau. A ces éléments nous offrons des données préliminaires prometteuses, qui démontrent le potentiel et la faisabilité de ce projet de recherche.
Coordination du projet
Peter Neri (Laboratoire des Systèmes Perceptifs)
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Partenariat
LSP Laboratoire des Systèmes Perceptifs
Aide de l'ANR 254 718 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2019
- 36 Mois