Juger moralement ses tiers: La résolution du conflit cognitive comme pierre angulaire des jugements de transgressions morales accidentelles – AXICONF

L’objectif du projet AXICONF est de mettre en évidence, par la complémentarité d’approches méthodologiques, la manière dont les individus résolvent l’expérience de tension interne, ou conflit cognitif, qui survient en contexte de jugement d’une transgression accidentelle. Le conflit cognitif déclenché lors de l’observation d’une blessure accidentelle participe de la nécessité de concilier une intention innocente qui exonère normalement d’une condamnation (« Jean a par inadvertance versé du café chaud sur le bras d’Émilie ») avec la détresse émotionnelle consécutive aux conséquences préjudiciables pour la victime (« Emilie a ressenti une vive douleur et a été brûlée au deuxième degré »).
Le point de départ de ce projet vient de l’observation que différents individus confrontés à des accidents similaires jugent l’acteur de manière différente. Pourquoi ? Les études existantes suggèrent qu’une plus grande considération de la conséquence de l’accident (« la personne blessée doit beaucoup souffrir ») déclenche une empathie importante vis à vis de la victime souffrante, donnant lieu à une condamnation importante de l’agent responsable. Par contraste, une analyse focalisée sur l’intention de l’agent (« mais l’agent n’avait pas pour but de blesser ») résulte en une diminution de la sévérité de la condamnation morale.
Dans le but de saisir le fonctionnement du mécanisme du conflit cognitif et ses conséquences sur le jugement moral, le projet AXICONF s’organise autour de trois axes d’investigation complémentaires : (1) Le premier axe se donne pour objectif la compréhension des facteurs qui modulent cette expérience de conflit cognitif en situation de transgression accidentelle. Le but, ici, est d’étudier les facteurs psychologiques qui modulent l’expérience du conflit cognitif : la nature de l’intention, la perception du caractère moral de l’agent, et la sévérité de la conséquence. Cet axe se propose aussi d’investiguer la possible influence de facteurs externes qui peuvent moduler la force du conflit cognitif, telle que la rareté des ressources matérielles disponibles, ou certains facteurs d’ordre évolutionnaire (compétition intrasexuelle). (2) Le second axe se donne pour but d’élucider les facteurs dispositionnels clés qui sont au cœur des différences individuelles dans la manière dont ce conflit cognitif est résolu. Cette exploration nous aidera à mieux saisir l’impact des propriétés cognitives, des dimensions de personnalité, et des processus de régulation psychologique sur le processus d’évaluation de transgressions morales. (3) Dans le troisième et dernier axe, des moyens de mesures physiologiques (conductance électrodermale, rythme cardiaque) et neurophysiologiques (EEG) permettront de capturer les marqueurs caractéristiques de cette expérience de conflit cognitif. En plus de faire coïncider plus sensiblement l’expérience de conflit avec les processus de jugement, cet aspect fondamental du projet AXICONF permettra d’acquérir des renseignements sur la fonction psychologique de la sévérité des punitions émises lors de l’évaluation de transgressions morales, notamment un possible mécanisme compensatoire dû à l’effet empathique déclenché par le récit. Cet axe complétera les autres composantes de ce projet en analysant les empreintes neurales des facteurs dispositionnels et externes qui influent sur l'expérience et la résolution du conflit cognitif.
L'ensemble de ces travaux fournira une vue exhaustive des bases psychologiques et neurales de l'expérience et de la résolution du conflit cognitif dans le contexte des transgressions accidentelles. Ce travail peut également éclairer de façon significative le débat qui sous-tend l'approche dual-process (intuition contre raison) du jugement moral, et offre également des implications dans la vie réelle, en fournissant une compréhension nuancée de la façon dont les intuitions de tout un chacun peuvent jouer un rôle dans la prise de décisions légales vis-à-vis des transgressions accidentelles.