En France et au Brésil, les expériences de planification populaires se multiplient, en lien avec des pratiques de co-production urbaine réunissant la société civile, les universités et des facilitateurs. Ces initiatives portent des innovations sociales fondamentales pour une transition vers la durabilité, notamment dans les contextes les plus défavorisés. Co-Polis insiste sur l’importance de la recherche sur les modes de co-production dans la promotion d’un urbanisme solidaire de transition.
A l’heure où est invoquée la nécessité de débattre et de pouvoir influer sur les décisions publiques, les pratiques collaboratives permettent de dépasser des clivages entre société civile, professionnels et dans une certaine mesure, gouvernants. Ce sont des pôles d’innovation sociale et démocratique qui explorent des alternatives concrètes pour réduire les inégalités socio-spatiales. La France et le Brésil sont des pays qui ont une longue histoire de la coopération et de la prise en charge collective et communautaire dans les secteurs urbains et professionnels et y compris dans des quartiers où résident les populations les plus discriminées.<br />Cette recherche explore le potentiel de la co-production pour l’adaptation aux enjeux de durabilité : réduction des vulnérabilités sociales et environnementales, construction de formes plus démocratiques de gouvernance, empowerment des populations précaires et effets cognitifs de la co-production des savoirs. <br />Pour ce faire, elle met l’accent sur la description des pratiques coopératives. Il s’agit de découvrir les filiations mais aussi les circulations et appropriations des pratiques de co-production tout en tentant de saisir leur contribution à la résolution des conflits ou à des objectifs de changement social et de justice spatiale. Enfin les membres du projet s’attachent à analyser de façon critique ses impacts sur la société civile et le tiers secteur et la production d’un « urbanisme solidaire de la transition ».<br />Le projet aborde trois questions de recherche principales : la genèse et les conditions de développement de ces collaborations; les relations entre les contextes politico-institutionnels et les configurations organisationnelles des pratiques collaboratives ; l’organisation et la circulation des savoirs au sein de ces collaborations et le rôle joué par les acteurs intermédiaires. <br /><br />La définition conjointe des axes de travail, la circulation de nos grilles d’analyse, la mise en place d’un séminaire virtuel mensuel et des perspectives de terrains croisés en 2022 visent à renforcer la compréhension des différentes potentialités socio-économiques et spatiales de la co-production. Cette perspective comparative joue en premier lieu dans la compréhension des configurations de rôles et de positions joués par l’université et/ou la recherche. Elle vise également à comprendre les positionnements des acteurs engagés dans cette co-production de façon à proposer une réorientation des cadres de reférence des politiques et projets urbains. On retiendra trois directions de recherche : <br />(a) saisir et décrire l’émergence et les conditions de développement d’espaces co-produits ou d’espaces et programmes de co-production. <br />(b) appréhender les pratiques facilitatrices et leurs variations. Ces coopérations sont porteuses de changement initié dans une perspective de justice sociale (c) explorer les enjeux épistémologiques des formes de coproduction en lien avec les objectifs de partage des savoirs.
Loin de saisir la co-production comme un un artefact de la démocratie participative, Co-Polis l’appréhende à partir de sa mise en oeuvre dans des collectifs organisés qui sollicitent des associations et des universitaires pour accompagner leur action.
Co-Polis combine une méthodologie mixte, associant recherche qualitative et recherche-action participative. L’enquête se déroule sur quatre terrains français et deux brésiliens, aux enjeux urbanistiques distincts: des grands projets métropolitains; des projets de rénovation urbaine; des initiatives collectives de production de l’habitat. Concernant la recherche-action, l’équipe s’associe à des acteurs intermédiaires et à des habitants en initiant des protocoles de co-construction de processus de RAP.
a) Histoires de co-production
Dans cette tâche, la méthode se distingue par l’existence de deux axes principaux permettant d’alimenter la comparaison entre les différents sites retenus. D’un côté, une réflexion historiographique visant à réfléchir aux modalités de collecte et de la valorisation des archives militantes. De l’autre, une réflexion méthodologique portant sur les enjeux de la co-production et des contre-expertises. Concrètement : (a) collecte par interview rétrospectifs des histoires de co-production dans des sites où il existe une partenariat pré-existant (b) production d’une référence méthodologique visant la collecte, la conservation et la valorisation d’archives militantes et de littérature grise (c) l’édition d’une cartographie des controverses et des co-productions en Seine-Saint-Denis. Ces méthodes et résultats seront partagés avec le partenaire référent brésilien
b) Recherche-action participative coproduite
Sur chaque terrain, les protocoles RAP débutent par la définition commune des objectifs à atteindre dans le cadre de la recherche-action. Ils doivent aboutir à un protocole dans lequel les résidents et/ou les facilitateurs et les chercheurs (et/ou étudiant.e.s) se mettent en situation d’enquête (Dewey, 2010).
Les outils et les actions particulières sont malgré tout contextualisés, dépendant de la nature de l’objectif assigné à chaque collaboration :
- un diagnostic partagé du quartier grâce à une cartographie et un portrait socio-économique afin de saisir les collaborations existantes, les ressources locales et dresser un portrait des atouts et menaces sur l’environnement urbain
- des enquêtes collaboratives afin d’identifier les enjeux et de les exprimer en termes plus larges : justice et égalité; l’accès aux ressources (y compris l’information ; l’impact des politiques publiques) Comment contribuent-ils à accroître la participation et la présence active du public ?
- des parcours commentés
- un processus d’élaboration d’une analyse urbaine alternative ou d’un début de projet
-des enquêtes « retour » sur la RAP au moyens d’entretiens auprès des personnes impliquées
- l’élaboration mensuelle par terrain d’un «journal de la RAP« comme support d’échange avec les résidents
Il faut à ce stade distinguer la « recherche in progress » et la recherche partagée avec un plus large public. Les deux branches se complètent
Les compte-rendus analytiques des entretiens et des observations ainsi que le journal de la RAP circulent parmi les participants à la recherche coopérative et sont déposés sur la plate-forme collaborative ouverte à tous les membres du projet. Ils alimentent un séminaire interne mensuel
Le séminaire public CoPolis se déroule au rythme d’une séance par mois depuis novembre 2020. Il s’agit d’un séminaire bilingue français-portugais dont l’organisation est partagée entre les deux équipes. Le séminaire accueille également des séances de recherche-formation, conçues et donnant la parole aux acteurs facilitateurs et à leurs relais sur les terrains. Progressivement, le séminaire fera davantage de place aux résultats et réflexions de l’équipe et à des regards croisés entre les deux pays. Plus de 500 personnes se sont inscrites et des ressources associés à chaque séance (enregistrements audio, diapositives, comptes-rendu, textes de support) sont disponibles dans le blog.
Plutôt que de déjà parler de résultats, évoquons quelques ajouts à nos questionnements initiaux. (a) Le dispositif de co-construction à partir de demandes existantes, déjà expérimenté par des organisations intermédiaires ou certains facilitateurs partenaires du projet rencontre en réalité souvent « des demandes ». Celles-ci sont parfois coordonnées mais il arrive aussi qu’elles soient plus dissonantes, d’où l’importance du temps de préparation en amont de la recherche-action. La recherche citoyenne prend ici tout son sens : non pas récolter des données « pour » mais avec, donc se mettre d’accord sur les finalités de ce « faire enquête ensemble » et la définition de stratégies communes. (b) la question de la posture des chercheurs et des facilitateurs est plus complexe qu’il n’y paraît et peut faire l’objet d’interprétations variées ou d’incompréhensions auprès des collectifs avec qui la RAP se construit. Ces incertitudes sur les rôles des uns et des autres n’enlèvent rien aux atouts de leur présence mais la question se pose souvent de savoir comment clarifier ces rôles et les rendre compréhensibles aux résidents. Par exemple à qui revient la légitimité d’orienter les réponses ? au risque de parler au nom des habitants ? L’instrumentation réciproque est un risque associé à la co-production et qui peut le cas échéant entraver le déroulé (c) l’analyse de la co-production est jusqu’à présent « en vase clos », parmi les protagonistes mais dans son extension, on pourra porter une attention grandissante aux effets et retombées perçues sur les collectifs locaux. (a) se pose aujourd’hui la question de savoir également comme évaluer et s’il faut évaluer les processus de RAP, notamment en terme d’efficacité, de changement social orienté par les principes de la ville juste.
Dans les trois mois, démarrage de l’enquête “histoires de co-production” sur deux sites à Saint-Denis (Centre-ville et Francs-Moisins) ; mise en place de l’enquête retrospective sur la recherché-action participative à Blanc-Mesnil (93). Poursuite de ces enquêtes à Grenoble-Echirolles ainsi que Roubaix et Comité de vigilance JO et finalisation en janvier 2022 ;
Tenue d’un séminaire intensif de trois jours entre les deux équipes France et Brésil en Novembre autour de la question de savoir ce que signifie “travailler en commun” sur les différentes terrains en insistant sur des RAP en cours ou achevées
Démarrage d’une nouvelle RAP à Plaisir (78)
Les premières productions scientifiques écrites auront lieu en 2022 tandis que se tient déjà depuis un an un séminaire public Co-Polis avec environ 500 inscrits (France et Brésil). Les séances font l'objet de compte-rendus, les enregistrements sont sur le blog.
Par ailleurs le carnet hypothèses Co-Polis est alimenté de premiers écrits et fiches bibliographiques
Les approches dominantes de l’adaptation aux enjeux du développement durable en ville demeurent largement technologiques. Dans une période de gouvernance qui promeut la participation citoyenne, des expériences de planification populaires se multiplient, de même de que les pratiques de co-production urbaine réunissant la société civile, les universités, les professionnels, parfois appuyés par intermédiaires. Ces initiatives portent des innovations sociales fondamentales pour une transition vers la durabilité, notamment dans les contextes les plus défavorisés. A rebours de l’écologisation des technologies, CoPolis insiste sur l’importance des outils de coopération dans l’adaptation au développement durable.
A l’heure où les sociétés invoquent la nécessité de débattre et de pouvoir influer sur les décisions publiques, les pratiques collaboratives permettent de dépasser des clivages entre société civile, professionnels et dans une certaine mesure, gouvernants. Ce sont des pôles d’innovation sociale et démocratique qui explorent des alternatives concrètes pour réduire les inégalités sociospatiales et fabriquer de la citoyenneté. La France et le Brésil sont des pays qui ont une longue histoire de la coopération et de la prise en charge collective et communautaire dans les secteurs urbains et professionnels et y compris dans des quartiers où résident les populations les plus discriminées.
Ce projet explore le potentiel de la co-production pour l’adaptation aux enjeux de durabilité : réduction des vulnérabilités sociales et environnementales, construction de formes plus démocratiques de gouvernance, empowerment des populations précaires et effets cognitifs de la co-production des savoirs. A partir des tensions entre les pratiques coopératives et l’ « impasse collaborative » (Laurent, 2018), il s’agit d’évaluer de façon critique ses impacts sur la société civile et le tiers secteur et la production d’un « urbanisme solidaire de la transition ».
Le projet aborde trois questions de recherche principales : sur la genèse et les conditions de développement de ces collaborations; sur les relations entre les contextes politico-institutionnels et les configurations organisationnelles des pratiques collaboratives ; et sur l’organisation et la circulation des savoirs au sein de ces collaborations et le rôle joué par les acteurs intermédiaires.
Pour ce faire, CoPolis mènera une méthodologie mixte, combinant de la recherche qualitative et de la recherche-action participative. Nous enquêterons sur huit terrains français et brésiliens, aux enjeux urbanistiques distincts : des grands projets métropolitains dans des quartiers populaires ; des projets de rénovation urbaine à grande échelle ; et sur des initiatives collectives de production de l’habitat et d’un urbanisme social de la transition
Concernant la recherche-action, l’équipe s’associera à des acteurs intermédiaires et à des habitants en initiant des protocoles de co-construction d’objectifs d’enquête, d’identification de moyens d’action et de mise en œuvre. Elle constituera une des modalités d’observation des pratiques collaboratives. Ainsi, CoPolis est à la fois une recherche comparative ancrée dans des partenariats avec des acteurs intermédiaires et des organisations de la société civile, et une recherche participative.
A travers cette méthodologie mixte, CoPolis évaluera les apports tangibles des démarches collaboratives expérimentées en fonction des contextes politiques et institutionnels influençant les marges de manœuvre de la société civile organisée. C’est pourquoi la recherche mettra en lumière les conditions favorisant l’émergence et la consolidation de pratiques collaboratives. En même temps, des résultats portant sur les configurations organisationnelles et les outils de la coopération seront produits.
Madame Agnès DEBOULET (Laboratoire Architecture, Ville, Urbanisme, Environnement)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
LeMetro Universidade do Estado do Rio de Janeiro (UERJ) / Laboratorio de Etnografia Metropolitana (LeMetro/IFCS-UFRJ)
CEDE.IE/UNICAMP Universidade Estadual de Campinas / Centro de Estudos de Desenvolvimento Econômico - CEDE/IE.UNICAMP
LEUS Pontifícia Universidade Católica do Rio de Janeiro / LEUS - Laboratorio de estudos urbanos e socio-ambientais
LabJUTA Universidade Federal do ABC / Laboratory of Territorial Justice
PPGAU Universidade Presbiteriana Mackenzie / PPGAU - Programa de Pos-Graduação em Arquitetura e Urbanismo
LabHab Faculdade de Arquitetura e Urbanismo - Universidade de São Paulo / LabHab - Laboratório de Habitação e Assentamentos Humanos
LATTS Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés
LEREPS LABORATOIRE D'ETUDE ET DE RECHERCHES SUR L'ECONOMIE, LES POLITIQUES ET LES SYSTEMES SOCIAUX
CERAPS Centre d'Etudes et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales
LAVUE Laboratoire Architecture, Ville, Urbanisme, Environnement
Aide de l'ANR 410 770 euros
Début et durée du projet scientifique :
février 2020
- 48 Mois