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CE43 - Bioéconomie : technologies (chimie, biotechnologie, procédés) spécifiques et approches système

Production biosourcée d’hydrocarbures basée sur une nouvelle photoenzyme – PHOTOALKANE

Production biosourcée d’hydrocarbures basée sur une nouvelle photoenzyme

La production biologique d'alcanes, un composant majeur des combustibles fossiles, est d'un grand intérêt car ces composés peuvent s'intégrer dans l'infrastructure de transport actuelle en évitant les étapes coûteuses de récolte et d'extraction. La découverte récente chez les microalgues d'une photoenzyme (FAP) convertissant les acides gras en hydrocarbures ouvre de nouvelles perspectives pour la production biologique d'alcanes, qui seront explorées dans le cadre de ce projet.

Exploration du potentiel biotechnologique d’une nouvelle photoenzyme algale convertissant des acides gras en hydrocarbures.

Les conséquences climatiques de l’utilisation des réserves fossiles rendent nécessaire le recours à des biocarburants plus respectueux de l’environnement. Alors que la plupart des développements industriels se sont concentrés sur la production de bioéthanol ou d'huile (convertie en biodiesel), une production microbienne d'hydrocarbures à chaîne moyenne (C7-C13) apparaît comme une alternative prometteuse. Le projet Photoalkane visait à explorer le potentiel biotechnologique d’une photoenzyme algale récemment découverte par un des partenaires du projet, la Fatty Acid Photodecarboxylase (FAP), une enzyme convertissant les acides gras en hydrocarbures. Il avait été montré que la FAP pouvait convertir des acides gras à chaîne moyenne (C16-C18) en hydrocarbures en utilisant la lumière bleue. L’enjeu du projet était double, il s’agissait d’une part de déterminer s’il était possible d’améliorer le fonctionnement de l’enzyme pour produire des hydrocarbures volatils à longueur de chaîne moyenne (C7-C13) et d’autre part de créer des usines cellulaires bactériennes exprimant la FAP et produisant des hydrocarbures volatiles à partir des acides gras disponibles dans les cellules.

Des expérimentations in vitro ont été menées sur des FAP recombinantes afin de mieux caractériser le processus photocatalytique de l’enzyme. Des mesures des spectroscopies résolues dans le temps, des mesures de production de CO2 par spectrométrie de masse gaz et introduction par membrane et des mesures d’hydrocarbures volatils par thermo-désorption couplée à la chromatographie en phase gazeuse ont été effectuées pour suivre le fonctionnement de la photoenzyme dans des conditions variables d’éclairement et en présence d’acides gras de longueurs de chaines variables. L’ensemble de ces approches a convergé pour montrer que la FAP était capable de convertir de l’acide octanoïque en heptane grâce à un processus autocatalytique. L’ingénierie de souches bactériennes exprimant la FAP a été entreprise afin de créer et optimiser des usines cellulaires produisant des hydrocarbures à chaînes moyennes et courtes. L’optimisation de la production d’hydrocarbures volatils a été effectuée sur des cultures bactériennes en mode discontinu ou en mode continu en utilisant des photobioréacteurs instrumentés.

L’existence d’un mécanisme autocatalytique permettant à l’enzyme de fonctionner efficacement en utilisant des acides gras à longueurs de chaînes moyennes (de C8 à C12) a été mis en évidence. Chez la cyanobactérie, l’inactivation de la voie de biosynthèse d’alcane et son remplacement par la FAP ont permis de montrer que les hydrocarbures participent à la stabilisation des systèmes photosynthétiques membranaires. Lorsque la FAP est co-exprimée chez la bactérie en même temps que des thioestérases spécifiques des chaînes courtes, une production continue d'hydrocarbures volatils est observée. Selon la thioestérase employée il est possible de faire varier la longueur des chaîne des hydrocarbures produits, élargissant le spectre des applications envisageables. Nous avons ainsi établi une preuve de concept pour la production d’hydrocarbures volatils, soit à chaîne moyenne (de C11 à C15), soit à chaîne plus courte (C7-C11), selon l'enzyme choisie.
Des photobioréacteurs dédiés (1L) ont été conçus dans le but d’évaluer les performances des souches exprimant la FAP et d’élaborer les premiers protocoles de production. La production d’hydrocarbures volatils a été confirmée à l’échelle du procédé, mais la phase d’activation à la lumière s’est révélée critique car l’expression de la protéine FAP a entrainé une chute de la croissance microbienne. Cela a amené à proposer un protocole continu basé sur des alternances de phases éclairées et non éclairées afin de trouver un compromis entre croissance et production d’hydrocarbures. La stabilité des constructions génétiques s’est révélée un point clé en vue, à terme, d’élaborer un procédé continu et stable de production.

Le projet Photoalkane a eu un impact important à la fois sur le plan scientifique et sur le plan de la valorisation de la recherche. La mise en évidence d’une activité de la FAP sur des acides gras à courtes chaîne grâce à un processus autocatalytique qui a été finement décrit (Samire et al. 2023) ouvre des perspectives biotechnologiques importantes. Chez la cyanobactérie, le rôle des hydrocarbures dans la dynamique des membrane photosynthétiques en lien avec l’activité de la photosynthèse a pu être démontré (Miao et al. en préparation). L’ingénierie de souches bactériennes a permis de mettre en évidence une production d’hydrocarbures à courte chaîne volatils dans la phase gazeuse des cultures. Par contre les expérimentations réalisées en culture continue se sont heurtées à certaines limitations dues en partie à l’instabilité de la FAP à la lumière et en partie à l’instabilité des constructions génétiques portées par un plasmide.

Les résultats des recherches ont été publiés dans des revues internationales à comité de lecture dont une publication dans Science Advances décryptant le mécanisme autocatalytique impliqué dans la production d’hydrocarbures à courte chaîne, une publication dans Scientific Report sur la production bactérienne d’hydrocarbures volatils et une publication dans Plant Physiology, décrivant entre autres la spécificité de substrats de FAP de microalgues issues de la biodiversité.

Les préoccupations croissantes liées aux limitations des réserves fossiles et la production de gaz à effet de serre ont focalisé l’intérêt sur la nécessité de développer des biocarburants durables. Alors que la plupart des développements industriels se sont concentrés jusqu’à ce jour sur la production d'éthanol (bioéthanol) ou d'huile (convertie en biodiesel), la production microbienne d'hydrocarbures à chaîne moyenne (C8-C14) apparaît comme une alternative prometteuse. En effet, les hydrocarbures (alcanes ou alcènes) ont des propriétés similaires à celles des carburants dérivés du pétrole, ont une densité énergétique supérieure à celle des autres biocarburants en raison de l'absence d'oxygène et peuvent être directement utilisés dans les infrastructures de distribution et de transport existantes. Les progrès de l'ingénierie métabolique et de la biologie synthétique ont rendu possible l'ingénierie des microbes pour produire des molécules présentant des propriétés similaires à celles des carburants dérivés du pétrole. Alors que la plupart des systèmes enzymatiques développés jusqu'à présent pour la production microbienne d'hydrocarbures reposent sur deux enzymes pour convertir les acides gras en hydrocarbures, la récente découverte dans les microalgues d'une photoenzyme (FAP) convertissant les acides gras en hydrocarbures en une seule étape enzymatique et dépendant uniquement de la lumière bleue comme cofacteur (Sorigué et al. 2017 Science 357, 903-907) ouvre des perspectives uniques pour la production biologique d'alcanes. Le projet PHOTOALKANE vise à explorer le potentiel biotechnologique de la FAP par ingénierie du métabolisme des acides gras dans deux plateformes cellulaires, la bactérie E. coli et la cyanobactérie Synechocystis. L'un des principaux défis du projet PHOTOALKANE sera d'optimiser la production d'hydrocarbures par la photoenzyme FAP sur la base d'une gestion coordonnée de la disponibilité en substrat par ingénierie métabolique et de l'apport de lumière (intensité, fréquence et qualité spectrale) afin d'optimiser la conversion de l'énergie lumineuse tout en limitant l'inactivation enzymatique due à un excès de photons absorbés. Une approche de modélisation prédictive basée sur les propriétés de transfert radiatif sera développée afin de gérer l'alimentation en lumière pour optimiser la productivité en hydrocarbures dans les modèles microbiens hétérotrophe (lumière bleue pour activer la FAP) ou photoautotrophe (lumière rouge et bleue pour contrôler la photosynthèse indépendamment de l'activité de la FAP). En développant des dispositifs d'illumination spécifiques et des modèles avancés de transfert de lumière, des expériences seront réalisées en utilisant des photobioréacteurs instrumentés pour caractériser l'efficacité du FAP dans des organismes recombinants soumis à des environnements hautement contrôlés et des conditions d'illumination contrastées (en fréquence et en intensité). La production microbienne d'hydrocarbures sera évaluée à l’échelle de photobioréacteurs de laboratoire ce qui permettra de définir des stratégies futures de production à plus grande échelle.

Coordination du projet

Gilles Peltier (Biologie végétale et microbiologie environnementales)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenariat

GEPEA LABORATOIRE DE GENIE DES PROCEDES - ENVIRONNEMENT - AGROALIMENTAIRE
BVME Biologie végétale et microbiologie environnementales

Aide de l'ANR 480 238 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2018 - 48 Mois

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