CE31 - Physique Subatomique, Sciences de l'Univers, Structure et Histoire de la Terre

Recherche d'ondes gravitationnelles avec un réseau de pulsars en France – PTA-France

Recherche d'ondes gravitationnelles avec un réseau de pulsars en France

Le but de ce projet est d'utiliser un réseau de pulsars milliseconde ultra-stables comme interféromètre de taille galactique pour la détection des ondes gravitationnelles (OG) à basse fréquence. Cette technique, connue sous le nom de «Pulsar Timing Array« (PTA), permet d'explorer le régime nHz-µHz, où l'on attend l'émission gravitationnelle de sources cosmologiques telles que les binaires de trous noirs super massifs formés dans le long processus d'agrégation des galaxies.

Instrumentation, pipeline de données chronométriques et analyse en ondes gravitationnelles

Nous proposons de faire un bond en avant dans la sensibilité aux ondes gravitationnelles en quadruplant la bande passante d'observation disponible à l'Observatoire radio de Nançay, de compléter cet effort en permettant une participation effective de la France au consortium MeerTime pour l'exploitation de MeerKAT (Afrique du Sud), précurseur du Square Kilometre Array (SKA), et de développer et mettre en œuvre de nouvelles méthodes statistiques pour la détection des OG dans le contexte de sources continues multiples, en prenant en compte l'impact de l'excentricité des orbites et la superposition de sources individuelles à un fond stochastique.

Un pulsar est une étoile à neutrons en rotation rapide qui émet un faisceau d'ondes électromagnétiques à la manière d'un phare. Les pulsars milliseconde sont des rotateurs extrêmement stables et servent d'«horloges« ultra-précises que nous chronométrons avec un radiotélescope. Les écarts dans les temps d'arrivée (TOA) des impulsions individuelles sont causés par la nature des pulsars (ralentissement, effets relativistes), par le milieu interstellaire, le bruit instrumental et, plus intéressant encore, par la propagation des impulsions dans le champ de perturbation des ondes gravitationnelles. Lorsqu'on en fait la moyenne sur de longues périodes, nombre de ces effets sont faibles et permettent de rechercher des ondes gravitationnelles ayant des périodes tout aussi longues. Le domaine des fréquences gravitationnelles accessible par la chronométrie des pulsars est limité dans sa partie inférieure par la longueur de la période d'observation : avec T~10-20 ans de monitoring, on obtient un seuil de fréquence 1/T ~ 1,5-3,0 nanoHz. La limite supérieure est fixée par la cadence d'observation : deux mesures par semaine conduisent à une limite supérieure de quelques microHz. La sensibilité elle-même est liée à la précision temporelle atteinte par les instruments et au développement des méthodes d'analyse. Une précision typique dt ~100 nanosecondes sur la plupart des pulsars stables donne un niveau de détection dans l'amplitude des ondes gravitationnelles dt/T~10E-16.
Cette technique, connue sous le nom de «Pulsar Timing Array« (PTA), couvre donc un domaine de fréquence complémentaire à LIGO-Virgo et LISA, et l'on y attend l'émission gravitationnelle de la population des binaires de trous noirs super massifs (SMBHBs) formés lors du long processus d'agrégation des galaxies.

Sur la partie instrumentale (task 1), nous avons initié le développement avec du matériel disponible pour un premier prototype et envoyé un des ingénieurs électroniciens de l'Observatoire de Nançay (Cédric Viou) visiter le groupe de développeurs du Green Bank Telescope (USA) afin d'initier le design du premier niveau du backend (découpage en canaux, test des performances de l'ADC, calibration des gains et polarisations). Concernant la partie observationnelle et le traitement des données (task 2), nous avons acquis au cours des 18 premiers mois l'équivalent de 6000 heures de télescope au NRT sur les 80 pulsars millisecondes du programme PTA. Nous avons également participé aux premières observations du programme MeerTime avec le télescope MeerKAT (65 pulsars millisecondes observés toutes les 2-3 semaines depuis mars 2019). Lucas Guillemot a effectué un important travail concernant la calibration en polarisation du NRT, qui aboutit à une amélioration significative de la précision des données chronométriques. Concernant l'analyse en ondes gravitationnelles (task 3), les principales avancées concernent : la modélisation de l'incertitude sur les éphémérides planétaires, la comparaison des pipelines de création des temps d'arrivées des pulsations (avec ou sans information fréquentielle), le test de plusieurs échantillonneurs de la fonction de vraisemblance pour l'analyse en ondes gravitationnelles, la mise en œuvre de nouvelles méthodes d'évaluation de la composante de bruit basse fréquence pour les pulsars individuels, la production de nouvelles limites sur la détection de sources individuelles et sur le fond stochastique à partir de la dernière génération de données européennes.

Grâce à l'ANR PTA-France, le poids du groupe français a très clairement permis de relancer et recentrer l'activité du consortium européen sur l'activité PTA.

La liste des chantiers en cours est la suivante, chacun donnant lieu à une publication à l'échelle de quelques mois à un an :
- méthodes d'intelligence artificielle appliquées au tri des interférences dans les données pulsars et impact sur la sensibilité PTA,
- nouvelles méthodes d'analyse des données chronométriques en prenant en compte les variations temporelles et fréquentielles du profil d'émission des pulsars,
- application de nouvelles méthodes d'analyse des bruits d'avant plan en s'inspirant des techniques de comparaison d'horloge en métrologie
- nouvelle limite sur le fond stochastique à partir des dernières données IPTA,
- détection et caractérisation d'un signal basse fréquence corrélé dans les données de l'EPTA,
- impact des incertitudes des éphémérides planétaires d'INPOP sur la détection du fond d'ondes gravitationnelles,
- limites de détection sur le fond stochastique à partir des pulsars individuels et impact des méthodes d'extraction des TOAs ou des algorithmes d'exploration de la vraisemblance,
- développement de nouvelles méthodes d'analyse pour détecter les sources individuelles d'ondes gravitationnelles, en séparant de manière robuste les sources individuelles du fond stochastique et en prenant en compte l'excentricité des orbites ;
- application aux données DR2 de l'IPTA et l'EPTA pour la recherche de sources continues 
- chronométrie et analyse du système binaire relativiste PSR J1528-3146 avec les données commune NRT et MeerKAT,
- méthodes de calibration de la polarisation et impact sur la précision chronométrique des données PTA,
- étude des techniques d'échantillonnage multi-chaines avec sauts entre modèles,
- application de structures d'hypermodèles bayésiens pour la comparaison de modèles dans l'analyse en ondes gravitationnelles.

Hobbs et al 2020, A pulsar-based time-scale from the International Pulsar Timing Array, MNRAS 491, 5951

Perera et al 2019, The International Pulsar Timing Array: second data release, MNRAS 490, 4666

Ossokine et al 2020, Multipolar Effective-One-Body Waveforms for Precessing Binary Black Holes: Construction and Validation”, e-Print: 2004.09442 (PRD in press)

Toubiana et al 2020, Tests of general relativity with stellar-mass black hole binaries observed with LISA, PhRvD, 101, 4038

Chua et al 2020, Gaussian processes for the interpolation and marganalization of waveform error in extreme-mass-ratio-inspiral parameter estimation, PhRvD, 101, 4027

Sesana, Lamberts, Petiteau 2020, Finding binary black holes in the Milky Way with LISA, MNRAS 494, L75

Caputo et al 2020, Gravitational-wave Detection and Parameter Estimation for Accreting Black-hole Binaries and Their Electromagnetic Counterpart, ApJ 892, 90

Bailes et al 2020, The MeerKAT Telescope as a Pulsar Facility: System verification and early science results from MeerTime, PASA in press
Vernotte, Rubiola, Chen 2020, Responses and Degrees of Freedom of PVAR for a Continuous Power-Law PSD, e-Print: 2005.13631 (IEEE in press)

Voisin et al 2020, An improved test of the strong equivalence principle with the pulsar in a triple star system, A&A 638, 24

Bak Nielsen et al 2020, Timing stability of three black widow pulsars, MNRAS 494, 2591

Ng et al 2020, A Shapiro delay detection in the pulsar binary system PSR J1811-2405, MNRAS 493, 1261

Zhu et al 2019, Tests of gravitational symmetries with pulsar binary J1713+0747, MNRAS 482, 3249

Chen et al 2019, Constraining astrophysical observables of galaxy and supermassive black hole binary mergers using pulsar timing arrays, MNRAS 488, 401

Guillemot et al 2019, Timing of PSR J2055+3829, an eclipsing black widow pulsar discovered with the Nançay Radio Telescope, A&A 629, 92

La chronométrie d'un réseau de pulsars millisecondes (PTA) agit comme un détecteur d'ondes gravitationnelles (OGs) à l'échelle galactique dans le domaine des basses fréquences (nHz). Pour optimiser cette technique, nous développerons une nouvelle instrumentation à l'état de l'art au radiotélescope de Nançay (NRT), nous participerons activement à l'opération du nouvel instrument MeerKAT en Afrique du Sud, et nous concevrons de nouvelles méthodes d'analyse. Ces dernières permettrons de détecter les OGs émises par de multiples trous noirs binaires supermassifs dans des orbites excentriques, tout en modélisant la rotation des pulsars et les différentes sources de bruit. Les résultats attendus sont une première détection d'OGs dans le domaine du nHz, une meilleure compréhension des pulsars millisecondes et des perturbations qui affectent leur stabilité chronométrique, ainsi que de nouveau tests de la Relativité Générale.

Ce projet s'appuie sur le savoir faire d'une équipe composite, constituée de radioastronomes rompus à la chronométrie des pulsars et d'experts en techniques Bayésiennes et en analyse des OGs. Le NRT produit déjà des données à haute cadence avec une instrumentation très performante dans la bande L (1.1-1.6 GHz). La nouvelle instrumentation nous permettra de couvrir toute la bande du récepteur haute fréquence (1.5-3.5 GHz), apportant un saut en sensibilité d'un facteur 4 dans une gamme de fréquences où les effets dispersifs du milieu interstellaire sont les moins perturbateurs. L'ANR nous apportera par ailleurs les ressources pour participer efficacement à l'exploitation scientifique de MeerKAT et compléter ainsi notre couverture du ciel dans l'hémisphère Sud. Cet investissement permettra également à notre équipe française de s'installer durablement dans la préparation du Square Kilometre Array (SKA), instrument qui vient tout juste d'être inclus dans la feuille de route des TGIRs. C'est là une opportunité unique de former les futurs radioastronomes sur un de ses programmes scientifiques clés. Nous tirerons aussi les bénéfices de notre engagement dans le projet LISA, en partageant l'expertise accumulée au sein des deux communautés et en concevant de nouveaux algorithmes de détection d'OGs à l'interface des deux projets, avec des modèles d'OGs plus réalistes et plus sophistiqués et l'introduction d'éléments de « machine learning » dans l'analyse Bayésienne trans-dimensionnelle.

Les pulsars permettent de sonder un domaine de fréquences complémentaire de LIGO-Virgo et LISA, où l'on attend l'émission gravitationnelle des trous noirs binaires supermassifs (SMBHBs) formés au cours du long processus hiérarchique de fusion des galaxies, ainsi que la signature d'un fond stochastique cosmologique produit par des reliques de l'inflation ou par un réseau de boucles de cordes cosmiques. La caractérisation des sources individuelles d'OGs (paramètres, taux, distribution sur le ciel etc...) nous apportera une information unique sur l'histoire cosmique et la formation hiérarchique des structures. Elle nous permettra aussi d'affiner nos projections pour la détections des fusions de SMBHBs observées dans la bande de LISA.

Pour atteindre ces objectifs, nous avons besoin d'un chercheur post-doc dédié et investi à la fois dans les observations chronométriques de pulsars avec MeerKAT et dans la combinaison des données au niveau mondial au sein de l'organisation de « l'International PTA ». Le développement et l'implémentation de nouvelles méthodes d'analyse des données à l'interface PTA/LISA est un projet parfaitement adapté pour un doctorant, qui bénéficiera de l'environnement de l'APC et se construira des compétences uniques pour la future exploitation à la fois de SKA et de LISA. Enfin, ce fort engagement dans MeerKAT et la disponibilité d'une instrumentation pulsar très large bande au NRT, maintiendront le NRT dans la course jusqu'à l'avènement de SKA (>2025) et renforcera notre position dans le groupe de travail pulsar de SKA.

Coordination du projet

Gilles THEUREAU (Laboratoire de physique et chimie de l'environnement et de l'Espace)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

APC Astroparticule et Cosmologie
LPC2E Laboratoire de physique et chimie de l'environnement et de l'Espace

Aide de l'ANR 510 840 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2018 - 48 Mois

Liens utiles

Explorez notre base de projets financés

 

 

L’ANR met à disposition ses jeux de données sur les projets, cliquez ici pour en savoir plus.

Inscrivez-vous à notre newsletter
pour recevoir nos actualités
S'inscrire à notre newsletter