CE31 - Physique Subatomique, Sciences de l'Univers, Structure et Histoire de la Terre

Aléas sismiques dans les orogènes à déformation lente – SLOWDEF

Tectonique active et aléas sismiques dans orogènes à déformation lente

Défis et nouvelles approches, à partir d'un exemple de terrain: la chaine du Kunlun Occidental (Xinjiang, Chine).

Comment mieux définir l'aléa sismique quand les taux de déformation sont lents ?

Les zones de convergence sont le lieu de séismes destructeurs. Les zones de subduction ou la chaîne Himalayenne, caractérisées par des taux de convergence rapides et des séismes fréquents, en sont des exemples bien étudiés de longue date, pour lesquels le comportement des failles actives y est maintenant relativement bien compris au premier ordre. Malheureusement, tel n’est pas le cas des failles actives dans les chaînes de montagnes à taux de convergence lente (< 5 mm/an) : l'estimation de l'aléa sismique dans ces contextes particuliers demeure de ce fait un défi scientifique et sociétal. Relever ce défi requiert de développer une nouvelle approche permettant d'appréhender la déformation active et l'énergie élastique devant être relâchée au cours d'un futur séisme.

Plutôt que de partir de la mesure classique de la déformation intersismique par les techniques de géodésie usuelles, nous proposons de quantifier la déformation active d'abord sous l'angle de la déformation long-terme - c'est à dire sur une échelle de temps suffisamment longue pour avoir cumulé un signal suffisant pour être observable et mesurable - et d'aborder par la suite la déformation à des échelles de temps progressivement plus courtes, jusqu'à celle du cycle sismique. La stratégie proposée de ce fait repose sur la synthèse de données géologiques à des échelles de temps différentes - mais complémentaires - qui seront acquises grâce à des outils et approches de pointe de différentes disciplines des Sciences de la Terre (géologie structurale, géomorphologie, géodésie, minéralogie...). La contribution de ce projet réside dans la combinaison et l'intégration originales de ces approches et outils pour la question de l'aléa sismique dans les chaines de montagnes à déformation lente.
Le cas de la chaine du Kunlun Occidental (Xinjiang, Chine) est utilisé comme terrain d'essai.

-> Cinématique de la déformation de la plus grande nappe active actuelle: la nappe du Mazar Tagh (Guilbaud et al 2017, in prep a+b), en plein coeur du bassin du Tarim.
-> La nappe du Mazar Tagh pourrait-elle rompre lors de méga-séismes (M>8) ? La découverte de surfaces incisées étagées au-dessus de la rampe du Mazar Tagh ouvre de nouvelles perspectives pour rechercher la trace d'éventuels paléo-séismes (Guilbaud, 2019). Si ces surfaces s'avèrent être d'origine co-sismique, les déplacements verticaux co-sismiques déduits des incisions relatives laissent entrevoir la possibilité de méga-séismes (M>8).
-> La grande nappe du Mazar Tagh est-elle couplée mécaniquement pendant l'intersismique ? Les données GPS publiées ont été ré-analysées sous la forme d'un champ combiné dans un référentiel Tarim fixe défini à partir des contraintes structurales (Tissandier, 2019). Ce travail a mis en évidence un gradient de vitesses horizontales de ~2-3 mm/an au travers de la chaine. Surtout, cette analyse laisse entrevoir la possibilité que la nappe soit couplée dans sa partie orientale. La géodésie interprétée dans un cadre géologique adéquat pourrait être envisagée malgré les faibles vitesses de déformation.
-> Aspérités mécaniques et sismicité au sein des grands décollements évaporitiques: le cas de la base de la nappe de Digne (France). La possibilité de séismes sur des décollements contenant des évaporites va à l'encontre du paradigme selon lequel ces lithologies fluent. Pourtant une certaine activité sismique est souvent enregistrée dans de genre de contextes. Pour explorer cela, nous avons mené une analyse minéralogique d'un bloc de socle pris dans la nappe fossile de Digne (France) (Hakkinen et al, in prep). Les bordures de micas blancs, très possiblement contemporaines du fonctionnement de la nappe, montrent des surpressions importantes, révélant des aspérités mécaniques locales à l'origine probable de la petite sismicité observée le long des décollements évaporitiques.

Nos travaux souhaitent mettre en valeur l'apport de l'enregistrement géologique et morphologique de la déformation active dans des contextes lents, où les approches classiques par la géodésie ne peuvent résoudre le chargement intersismique des failles actives. Les contextes de convergence rapide, comme l'Himalaya ont beaucoup inspirer - et continueront à inspirer ! - la manière dont nous visualisons le cycle sismique des failles actives, mais une approche autre, différente, doit être proposée pour les contextes à déformation lente. Notre travail répondra à ce défi en apportant une nouvelle approche pour mieux appréhender l'aléa sismique dans les contextes lents, en illustrant l'idée que la déformation doit être quantifiée sur différentes échelles de temps, de la déformation géologique long-terme à la déformation intersismique court-terme. L'impact attendu sera donc à la fois scientifique et sociétal, avec des applications potentielles à d'autres cas d'étude comme les Alpes Européennes ou les Andes.
En plus de cet apport méthodologique, nous apporterons des données uniques sur la déformation active et l'aléa sismique pour le cas particulier de la chaine du Kunlun Occidental et du sud Tarim. Nous étudierons en particulier la possibilité de méga-séismes rompant la nappe du Mazar Tagh, un objet géologique unique de par ses dimensions extrêmes. Cette région n'a pas connu de séismies historiques majeurs et n'est de ce fait pas préparée à cette éventualité.

1. Hakkinen M. , Angiboust A., Simoes M., Squeezed under a thrust sheet: white mica records high tectonic stresses within an evaporitic decollement., in prep for Terra Nova.
2. Guilbaud C., Simoes M., Barrier L., van der Woerd J., Li H., Baby G., Pan J., Investigating kinematic and structural variations along the Western Kunlun mountain front (Xinjiang, China): structural and morphological analysis of the Hotan anticline and Tiekelike fault., in prep (a) for Tectonics.
3. Guilbaud C., Simoes M., van der Woerd J., Barrier L., Pan J., Li H., Tapponnier P., Geology, structure and kinematics of shortening of the presently largest active thrust sheet: the case of the Mazar Tagh (Xinjiang, China), in prep (b) for Tectonics.
4. Guilbaud C., Kinematics of active deformation of the Western Kunlun range (Xinjiang, China): implications for potential seismic hazards., Thèse de doctorat, Université de Paris, Institut de physique du globe de Paris, France, 325 pages.

Les zones de convergence sont le lieu de séismes destructeurs. Les zones de subduction ou la chaîne Himalayenne, caractérisées par des taux de convergence rapides et des séismes fréquents, en sont des exemples bien étudiés de longue date, pour lesquels le comportement des failles actives y est maintenant relativement bien compris au premier ordre. Malheureusement, tel n'est pas le cas des failles actives dans les chaînes de montagnes à taux de convergence lente (< 5 mm/an) : l'estimation de l'aléa sismique dans ces contextes particuliers demeure de ce fait un défi scientifique et sociétal. Relever ce défi requiert de développer une nouvelle approche permettant d'appréhender la déformation active et l'énergie élastique devant être relâchée au cours d'un futur séisme. Plutôt que de partir de la mesure classique de la déformation intersismique par les techniques de géodésie usuelles, nous proposons de quantifier la déformation active d'abord sous l'angle de la déformation long-terme - c'est à dire sur une échelle de temps suffisamment longue pour avoir cumulé un signal suffisant pour être observable et mesurable - et d'aborder par la suite la déformation à des échelles de temps progressivement plus courtes, jusqu'à celle du cycle sismique. La stratégie proposée repose de ce fait sur la synthèse de données géologiques à des échelles de temps différentes - mais complémentaires - qui seront acquises grâce à des outils et approches de pointe de différentes disciplines des Sciences de la Terre (géologie structurale, géomorphologie, géodésie, minéralogie...). La contribution de ce projet réside dans la combinaison et l'intégration originales de ces approches et outils pour la question de l'aléa sismique dans les chaines de montagnes à déformation lente. Chacun des quatre principaux jeunes chercheurs impliqués dans ce projet est expert dans l'une des disciplines des Sciences de la Terre abordée, et leur synergie sera assurée au sein d'un groupe de travail volontairement restreint par la coordinatrice de ce projet.

Coordination du projet

Martine Simoes (Institut de Physique du Globe de Paris)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IPGP Institut de Physique du Globe de Paris

Aide de l'ANR 246 996 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2018 - 36 Mois

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