Le Sefer ha-Shorashim de David Qimhi : l’étude de la Bible hébraïque, du Moyen Âge à la Renaissance, chez les Juifs et les Chrétiens – RACINES
Au XVIe siècle, la place de l’hébreu et l’interprétation de la Bible sont au cœur d’intenses débats religieux. Parmi les manuels utilisés par les hébraïsants chrétiens qui souhaitent apprendre cette langue, le Sefer ha-Shorashim ou Livre des racines de David Qim?i (Narbonne, 1210) occupe une place de choix. Ce dictionnaire, qui présente, dans l’ordre alphabétique, les racines permettant de regrouper commodément tous les mots de l’hébreu biblique, connut une fortune inégalée dans les communautés juives d’Europe au Moyen Âge. Son auteur avait pour objectif de permettre à un large public, et non aux seuls érudits, d’accéder à l’étude de la langue hébraïque et de surmonter les difficultés liées à la compréhension du texte biblique
Dès les prémisses de la Renaissance, le Sefer ha-Shorashim devient un outil essentiel pour les savants humanistes et les kabbalistes chrétiens, et ce jusqu’au XIXe siècle. L’importance de ce dictionnaire ne doit pas être sous-estimée : de toutes les traductions d’ouvrages hébraïques qui ont marqué l’histoire des études juives chez les chrétiens à la Renaissance, c’est probablement le seul manuel, utilisé quotidiennement, qui ait été conservé. Adapté en latin par Johannes Reuchlin (1506), puis par Sébastian Münster (1525), le Sefer ha-Shorashim est également traduit à trois reprises au moins : une première traduction très littérale, faite à Rome, avant 1517, dans le cercle de l’humaniste Gilles de Viterbe qui recherchait, au-delà des mots et du texte biblique, des significations cachées et des interprétations kabbalistiques ; en 1529, Sante Pagnini, qui aspirait à comprendre le texte massorétique de la Bible, publie à Lyon une version latine augmentée dans laquelle il inclut les interprétations de la Vulgate ; vers 1600, cet ouvrage est à nouveau traduit, à Oxford, par ou pour Henry Savile, un des traducteurs de la King James Bible.
Le Sefer ha-shorashim est conservé dans plus de 80 manuscrits copiés, entre le XIIIe et le XVe siècle, par des mains espagnoles, provençales, italiennes, ashkénazes et orientales, ce qui atteste d’une très large diffusion dans les centres juifs, au cours du Moyen Âge ; les nombreuses éditions de sa version latine, abrégées pour certaines, témoignent de sa réception par les chrétiens humanistes.
C’est l’édition électronique, en hébreu et en latin, de cette œuvre majeure qui est au centre du projet RACINES. Le projet veut mettre à la disposition de la communauté scientifique et au-delà, le texte original en XML-TEI, à partir des manuscrits existants, suivi de son étude et de son impact chez les juifs au Moyen Âge et chez les chrétiens à la Renaissance. Deux axes éditoriaux sont envisagés : 1. l’édition critique du texte à partir des manuscrits les plus fiables avec la possibilité d’une consultation simultanée et affichage sur écran de la traduction latine ; 2. le devenir et la postérité du texte dans les sources juives et chrétiennes et un travail plus spécifique autour des gloses provençales en caractères hébreux.
L’édition du texte hébreu et de ses versions latines permettra aussi aux chercheurs d’évaluer l’influence du Sefer ha-shorashim sur les nouvelles traductions de la Bible, en latin et en vernaculaire, qui ont marqué la Réforme.
L’édition électronique qui inclut une recherche sur des éléments spécifiques (terminologie grammaticale, sources rabbiniques, traductions de la Bible, gloses vernaculaires, index, etc.) sera accessible à la communauté scientifique, aux chercheurs, aux étudiants et à tous ceux qu’intéressent la culture hébraïque et la lexicographie en général, l’hébraïsme chrétien, les traductions de la Bible et la Kabbale.
Parce que le Sefer ha-shorashim fut un medium de toute première importance de la connaissance de l’hébreu, tant linguistique que kabbalistique pour les hébraïsants chrétiens, l’histoire de son texte et de sa transmission contribuera également à la connaissance des réseaux humanistes en Europe.
Coordination du projet
Judith KOGEL (Institut de recherche et d'histoire des textes)
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Partenariat
IRHT Institut de recherche et d'histoire des textes
University of Bologna / Departement of Cultural Heritage
Aide de l'ANR 312 341 euros
Début et durée du projet scientifique :
janvier 2019
- 48 Mois