Politiques culturelles, patrimoines locaux et approches collaboratives dans l'est insulindien – POPEI-coll
Politiques culturelles, patrimoines locaux et approches collaboratives dans l'est insulindien
POPEI-coll vise à renforcer le dialogue entre politiques culturelles, science et patrimoines locaux. Les recherches collaboratives menées en Indonésie orientale et au Timor Est cherchent à analyser les arènes des politiques culturelles, et à mettre en regard les représentations locales et scientifiques des patrimoines locaux. Elles s'emploient à identifier divers dispositifs de valorisation collaborative, de sensibilisation à la question des patrimoines locaux, de transfert de savoir-faire.
Pour une identification et une reconnaissance institutionnelle des patrimoines locaux de l'est de l'Insulinde (Atauro, Timor Est et Tanjung Bunga, Flores, Indonésie)
Le projet s’intéresse à deux sociétés de l'Est de l'Insulinde (Atauro, Timor-Est ; et Tanjung Bunga, Flores en Indonésie), où s’expriment des politiques culturelles différentes, mais qui dans les deux cas ne parviennent pas à refléter les visions patrimoniales des populations. L’objectif principal est d’analyser par une approche interdisciplinaire la pertinence locale de la notion de patrimoine afin d'explorer, sur un mode collaboratif avec les populations locales, des solutions originales pour leur promotion et leur transmission, en coopération avec les administrations régionales. Cet objectif se décline à travers 3 WP:<br />WP1/ conduire l’analyse et la catégorisation des objets et des pratiques des politiques culturelles nationales et régionales (les arènes des politiques culturelles) ; <br />WP2/ organiser la documentation à l’échelle villageoise et dans différents domaines (oralité, chant, territorialité, mais aussi biodiversité) des catégories locales de patrimoines, et documenter leurs modes de gestion et d'appropriation ; <br />WP3/ assurer la reconnaissance et la durabilité de ces patrimoines locaux via des ateliers réunissant populations et responsables du champ patrimonial, des restitutions aux communautés villageoises et des opérations de valorisation locales, nationales et internationales (promotion locale, expositions, conférences).<br />Le projet comporte aussi une dimension réflexive sur la notion de patrimoine envisagé dans la perspective des communautés et des institutions, et des formations visant à promouvoir la logique collaborative du projet auprès des étudiants et partenaires locaux (WP0).
POPEI-Coll s’appuie sur une approche comparative des deux territoires d’Atauro (Timor-Est) et de Tanjung Bunga (Flores, Indonésie), de taille similaire, où l’expertise des chercheurs et partenaires est croisée dans une perspective interdisciplinaire voire transdisciplinaire. Il associe diverses disciplines des sciences humaines et sociales, de l’écologie et du droit, travaillant de façon combinée et complémentaire dans l’identification des patrimoines endogènes et de leur mode d’appropriation et de gestion, et fonctionnant par ateliers permettant le partage des informations et méthodologies.
Le projet se veut multiscalaire, mettant en regard les politiques nationales et les pratiques locales vis-à-vis du patrimoine.
Il mobilise un SIG pour la gestion des données (mise en commun des informations collectées) et pour le co-développement de cartes du patrimoine local, à restituer aux populations.
Allant au-delà du participatif, la recherche est collaborative (co-construction des objets et des démarches de recherche), et prend en compte les aspects juridiques et éthiques : consentement des populations, validation et partage des résultats, réflexion sur la propriété intellectuelle des résultats. Elle déploie enfin une dimension réflexive :
- sur la notion de patrimoine, sa signification et sa traduction au niveau local,
- sur les arènes des politiques culturelles, et en particulier la position des acteurs de la recherche collaborative (chercheurs, institutions, populations).
- Sur la question de l’interdisciplinarité et des moyens de sa mise en œuvre,
- Sur la transférabilité des résultats à la société civile locale.
Après mise en place des autorisations de recherche et la collecte progressive des accords des populations, l’équipe a pu totaliser 270 jours de terrain au cours de 8 missions réparties avant l’épisode du COVID-19.
Données acquises : Un large corpus de données patrimoniales (récits de fondation, généalogies, rituels, éléments de la biodiversité, relevés GPS d’un grand nombre de localités, de sites archéologiques et historiques…) ainsi qu’un corpus musical (exceptionnellement original et riche sur l’île d’Atauro) ont été collectés. Les missions ont permis d’enregistrer plusieurs centaines d’entretiens et 179 items musicaux (mis en ligne archives.crem-cnrs.fr/archives/collections/CNRSMH_I_2019_039/), plusieurs films sont accessibles sur YouTube.
Le SIG centralise plus de 1000 localisations GPS et permet déjà de produire des cartes à la demande sur certains thèmes (localement toponymie, sites archéologiques et d’intérêt touristique, sites patrimoniaux).
Restitution : Des validations et restitutions de données auprès des populations locales à Atauro ont eu lieu de juillet à novembre 2019 : récits en langue locale et cartographie de territoires, toponymie, posters sur certains éléments de la biodiversité utilisée.
Formation : Le principe des écoles d’été est institué avec les partenaires, et a abouti à la formation aux approches collaboratives des patrimoines de 11 étudiants et chercheurs locaux, qui poursuivent leur participation au programme.
Valorisation : le projet projet POPEI-Coll a été présenté par l’équipe à l’Assemblée Nationale (France) le 11 décembre 2019, à l’invitation de la députée Pascale Boyer (Amitié France Timor-Leste) et de l’association France-Timor-Leste.
Une session spéciale « Atauro », organisée par l’équipe, a été acceptée au colloque de la Timor Leste Studies Association de septembre 2020 (resp. : K. Silva) ; elle sera l’occasion de présenter les premiers résultats de POPEI-Coll le 10 septembre 2020.
La saison des pluies puis le Covid début 2020 ont suspendu les activités de terrain. Il est prévu de reporter les opérations planifiées à 2021.
Un juriste a intégré l’équipe, travaillant en transversal avec toutes les disciplines impliquées, et ouvrant à des perspectives de reconnaissance institutionnelle des systèmes juridiques coutumiers (type inscription par l’Unesco) gérant les ressources patrimoniales.
Des étudiants indonésiens doivent participer aux opérations de terrain prévues à Flores, et un atelier participatif avec la population, impliquant chercheurs du SEAC et étudiants timorais de l’UNTL, doit se tenir en avril 2021 à Atauro.
La formation à Paris de deux chercheurs du SEAC, prévue pour juin 2020, a dû être reportée à juin 2021.
Il est envisagé d’impliquer davantage les écoles locales dans le processus de constitution et restitution des patrimoines, à travers des dessins illustrant divers thèmes de l’oralité, pouvant donner lieu à une exposition.
Une nouvelle perspective a été ouverte par la Maison des Cultures du Monde, intéressée par l’invitation des chanteurs et musiciens d’Atauro, en parallèle d’une conférence sur le projet au Musée du Quai Branly, et d’un événement à organiser conjointement au Musée de l’Homme en 2022.
ARTICLES
Guillaud D., 2019, Les narrations d’Atauro. N° spécial « Iles en projets ». Les carnets du paysage n° 35 : 180-193.
Guillaud D., Emperaire L., Burgos A., 2019. « De nous, pour nous » ; recherches participatives au Timor Est. Culture et Recherche, Recherches culturelles et sciences participatives, n° 140 : 73-74.
Tilley, A., Burgos, A., Duarte, A. et al. Contribution of women’s fisheries substantial, but overlooked, in Timor-Leste. Ambio (2020). doi.org/10.1007/s13280-020-01335-7
CONFÉRENCES
- Guillaud D., Rappoport D., Silva K., Galipaud J.-C., Emperaire L., Burgos A., Césard N., Crespi B., Habert E., 2019 : présentation par l’équipe à l’Assemblée Nationale, 11 décembre 2019.
- Tilley A., Burgos A., Duarte A., Reis Lopes J., Eriksson H. et Mills D., 2019: Gendered contributions to food and income from small-scale fisheries in Timor-Oriental. People and the Sea Conference. MARE. Du 24 au 28 juin 2019, University of Amsterdam, Netherland.
- Burgos A., 2019: She Sells Seashells by the Seashore: Women and Shells in the Asian-Pacific Region. The Explorers Club, 18 décembre 2019. New York.
- Burgos A., 2019. Shellfishing in Atauro Island: Practices, Knowledge and Challenges. Fundaçao Oriente, 22 novembre, Dili, Timor Est.
- Burgos A., 2019. Artisanal Molluscan Fisheries in Indonesia and Timor Oriental: Practices, Knowledge and Challenges. Institut Français d’Indonésie (IFI), 6 novembre 2019. Jakarta, Indonesia.
- Guillaud, D. 2019. Tradisi lisan di pulau Atauro (Timor Leste). Beberapa kunci untuk memahami pemukiman. International Seminar and Oral Tradition Festival XI, ATL, Makassar, 23-26 octobre 2019.
MULTIMÉDIA
Ecole d’été
www.youtube.com/watch
arc musical (https://www.youtube.com/watch?v=H3GgpZebkZk
Descente de pirogue
www.youtube.com/watch
Le projet POPEI-coll vise au renouvellement des politiques culturelles patrimoniales (PCP), trop souvent « top-down » et d’inspiration occidentale, aux objectifs très éloignés des conceptions et des préoccupations des populations sources, dont les cultures sont pourtant censées être valorisées par les gouvernements. Pour proposer un nouveau dialogue entre politiques, science et patrimoines locaux, le projet s’attache à révéler les enjeux sociaux du patrimoine dans des sociétés non occidentales et, en s’inspirant des catégories locales et de leur mode d'appropriation et de gestion, propose diverses pratiques pour un enrichissement vernaculaire des politiques culturelles. L’ensemble du projet s’appuie sur des principes collaboratifs procédant d’impératifs éthiques, légaux et épistémologiques, passant par une co-construction des démarches et méthodes du projet, et de ses modes de restitution.
POPEI-coll propose une analyse comparative portant sur deux pays voisins aux politiques culturelles contrastées, l’Indonésie avec l’extrémité orientale de l’île de Flores et le Timor-Leste, avec l’île d’Ataúro, deux zones bien délimitées, de petite taille, au sein d’une même aire culturelle diversifiée, qui est depuis peu la cible de projets d’aménagements touristiques d’envergure.
Le projet, interdisciplinaires, s’appuie sur une équipe de chercheurs de l'IRD, du MNHN, de l’INALCO et du CNRS, qui combinent leurs expertises pour cette approche comparative ; ils sont associés à des partenaires brésiliens et adossés à des institutions timoraises et indonésiennes.
Après avoir étudié le fonctionnement et les principes des politiques culturelles patrimoniales en place, le projet invite à envisager de nouvelles politiques culturelles qui prendraient en compte la perspective dite « emic », portant sur les objets, lieux et savoirs auxquels les sociétés locales attribuent une valeur symbolique ou identitaire. Ces objectifs sont la base des 3 WP : le WP1, s’inspirant des pratiques en anthropologie du développement, documente le fonctionnement des institutions, au sens large, en charge des politiques patrimoniales. Le WP2, s’appuyant en grande partie sur les concepts et méthodes des ethnosciences, recueille les éléments locaux des cultures susceptibles d’être traduits en termes de « patrimoine » ou de « référent collectif agissant » et d’alimenter, de façon novatrice, les PCP. A l’intersection des WP 1 et 2, le WP3 ouvre à une réflexion sur les conditions d’un dialogue entre les populations locales et les institutions sur la question de la valorisation de la culture et des patrimoines et propose des solutions ou des pistes pour cette valorisation.
Les résultats du programme combineront des formes locales de valorisation des patrimoines avec des formes d’interaction avec les institutions chargées des politiques culturelles. Le projet propose l’édition de fascicules portant sur les patrimoines locaux, qui seront la base d’une « encyclopédie des savoirs locaux » sur chaque terrain. Il aboutira à une valorisation collaborative de patrimoines inédits, gérés par un SIG, et soutenue par les outils modernes de numérisation et de partage. Des ateliers de restitution seront organisés sur chaque terrain pour stimuler un dialogue entre villageois, chercheurs, responsables institutionnels et ONG. Des journées d’étude nationales, en Indonésie, à Timor-Leste et en France, questionneront l’approche collaborative de la patrimonialisation. Enfin, les aspects éthiques et déontologiques de cette recherche (recueil des Termes de Consentement Préalable Informé, validation par les communautés des informations recueillies) sont une priorité et un résultat du projet. POPEI compte aboutir à un guide des nouvelles pratiques collaboratives pour les politiques culturelles, co-élaborées avec les étudiants et professeurs lors d’écoles d’été organisées avec les universités locales ; à ce titre, il représentera un modèle pour d’autres contextes, non occidentaux ou occidentaux.
Coordination du projet
Ariadna Burgos (PATRIMOINES LOCAUX)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
PaLoc PATRIMOINES LOCAUX
CASE Rappoport Dana
Aide de l'ANR 288 120 euros
Début et durée du projet scientifique :
janvier 2019
- 36 Mois