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CE27 - Culture, créations, patrimoine

PAtrimoine Naturel aux Suds : une histoire globale à Echelle Réduite – PANSER

PANSER PAtrimoine Naturel aux Suds : une histoire globale à Échelle Réduite

PANSER envisage la façon dont, de l’Afrique à l’Asie, de 1900 à nos jours, des « experts » circulent d’aires protégées en aires protégées jusqu'à donner forme à une aire patrimoniale afro-asiatique. En partant de six cas (Congo, Éthiopie, Seychelles, Vietnam, Cambodge, Malaisie), il s’agit de suivre les trajectoires de ces faiseurs de patrimoine, d’étudier les négociations qui se déroulent dans la nature mise en parc, et ainsi d’explorer une histoire globale du patrimoine naturel.

Une histoire-monde d’une aire afro-asiatique

Les travaux en histoires des sciences, du patrimoine et de l’environnement signalent la difficulté à réunir en un seul récit les temps et les acteurs de l’action patrimoniale aux Suds. À propos des temps coloniaux, les historiens ont éclairé le rôle joué par les membres d’une véritable diaspora des sciences dans la patrimonialisation de la nature tropicale ; mais seuls de rares travaux sont parvenus à rendre compte, à l’échelle locale, de la dimension négociée des politiques de la nature. En revanche, à propos des temps post-coloniaux, la tendance est inverse. Là où bien des historiens ont révélé le poids des résistances locales dans les espaces du patrimoine naturel aux Suds, peu de travaux ont réussi à rendre compte de l’ensemble des échelles d’action – du local au global et de l’Afrique à l’Asie – qui organisent la patrimonialisation de la nature tropicale. La difficulté est donc de restituer une histoire qui englobe tout à la fois un long 20e siècle, une aire afro-asiatique et en son sein, l’ensemble des acteurs de la production patrimoniale.<br /><br />La différence entre les contextes étudiés est telle qu’il nous faut renoncer au désir d’une histoire « totalisante » : il n’est pas de schéma unique qui résiste à la singularité des dynamiques socio-environnementales congolaises ou éthiopiennes, vietnamiennes ou malaises. Dès lors, comment inscrire cette aire afro-asiatique dans l’« histoire-monde » dont elle semble issue ? L’une des possibilités est de suivre la piste des professionnels de la nature qui sillonnent cet espace au 20e siècle. Avec l’océan Indien pour centre névralgique, cette circulation continue de forestiers (1900-1930), d’écologues (1930-1980) ou de consultants (1980-temps présent) pourrait expliquer qu’après les décolonisations, les mêmes politiques conservationnistes se soient poursuivies sous la conduite d’institutions internationales et d’États nationaux qui paraissent, ensemble, avoir concrétisé les projets nés à l’époque coloniale.

Afin d’appréhender cette histoire afro-asiatique, de 1900 (élaboration de la Convention de Londres pour la protection de la faune africaine) à 2017 (plainte de Survival International contre le WWF pour des exactions commises dans les parcs du Cameroun), nous croiserons 3 approches :

Par acteurs : l’objectif est de réaliser une prosopographie des experts qui fabriquent le patrimoine naturel. Étudier leurs réseaux professionnels, leurs représentations et leurs interactions avec les populations vise à rendre compte des jeux de pouvoir entre scientifiques (coloniaux et internationaux), gestionnaires (impériaux puis nationaux) et habitants, chacun s’appropriant les savoirs de l’autre pour consolider, ou transformer, sa position sociale.

Par vecteurs d’assemblage : l’objectif est d’étudier les institutions qui donnent corps à un réseau de communications engageant des sociétés savantes, des organisations internationales, des expéditions et des conférences entre lesquelles sont produits et diffusés des normes, des faits scientifiques et des valeurs. L’analyse de l’articulation des échelles locales, nationales et internationales vise à historiciser la géographie d’une intervention environnementale globale.

Par territoires : l’objectif est de réaliser des micro-histoires de territoires globaux, à même de faire apparaître les négociations et les luttes qui lient l’ensemble des acteurs engagés dans la conservation : agronome, biologiste ou écologue ; administrateur, expert ou consultant ; cinéaste, média ou visiteur naturalistes ; agro-pasteur, guide touristique ou courtier local en développement ; fonctionnaire local, responsable régional ou dirigeant national.

PANSER s’organisera autour de travaux individuels – chaque collaborateur étudie « ses » archives – et collectifs – la mise en commun de ces archives amène à étudier collectivement l’histoire comparée et connectée d’une aire afro-asiatique. Car si l’hétérogénéité de cet espace est inéluctable, le fait que scientifiques, experts puis consultants y circulent de parcs naturels en parcs naturels justifie qu’on l’étudie aussi comme un territoire à part entière. Tel est l’objectif de ce projet : étudier des histoires de patrimoines à partir desquelles explorer une histoire globale à échelle réduite du patrimoine aux Suds.
Croisant travail en archives et études de terrain durant 36 mois, PANSER aboutira à la création d’une base de données archivistique, la formation d’un post-doctorant, l’organisation d’un colloque international et d’une école d’été, et la publication d’un numéro de revue et d’un ouvrage dédié à un large public. À terme, cette histoire de l’invention globale du patrimoine devrait servir à penser l’environnement, aux Suds, en termes d’adaptation plutôt que de dégradation.

La prochaine étape concrète de notre projet est l’organisation d’un colloque international, organisés à Rennes 2, en janvier 2021. L’ensemble des 15 participants ont pour objectif d’échanger sur leurs perspectives de recherche afin, d’abord, de publier un numéro spécial de revue, ensuite, d’étudier la possibilité de produire un projet de recherche collectif à soumettre à l’ERC.
La crise sanitaire fait cependant planer le doute, pour l’instant, sur la faisabilité de ce projet qui nécessite des déplacements de beaucoup de chercheurs depuis l’Amérique du Nord et l’Europe jusqu’à l’Afrique et l’Asie.

Tâche 1. Une approche par les acteurs : prosopographie des faiseurs de patrimoine

Blanc Guillaume, « Les anonymes de la conservation : Nature, contradiction et injustice dans l’Éthiopie contemporaine (Simien, 1963-2019) », Journal of History for Environment and Society 4, 2019, p. 103-131 (publié en 2020).

Quenet Grégory et Jan Synowieck, « Ce que conserver veut dire : Praxis et historicité de la nature », Annales historiques de la révolution française 1, 2020, p. 1-25.

Blanc Guillaume, « L’expert, le dirigeant et l’habitant. La fabrique globale de la nature éthiopienne (1965-1970) », Genèses 115-2, 2019, p. 53-74.

Tâche 2. Une approche par les échelles : vecteurs d’assemblage de l’invention patrimoniale

Blanc Guillaume, « Governing Nature and Ethiopia: Struggles around World Heritage, Nation-Building and Ecologies (1963–2012) », Northeast African Studies 18-1/2, 2018, p. 137-164 (publié en 2019)

Tâche 3. Une approche par territoires : micro-histoires de patrimoines globaux

Pouillard Violette, « Visions of concord: Wild animals and the Garden of the Revolution (Jardin des Plantes menagerie, 1793-c. 1820) », Journal of History for Environment and Society 4, 2019, p. 11-40 (publié en 2020).

Tâche 4. Une approche macro-historique : regard collectif sur une aire afro-asiatique

Blanc Guillaume, L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’Éden africain, Paris, Flammarion, septembre 2020.

Blanc Guillaume, « Patrimoines naturels aux Suds. Pour une histoire globale à échelle réduite », Palimpseste 2, 2019, p. 22-25.

PANSER. PAtrimoine Naturel aux Suds : une histoire globale à Échelle Réduite

En 1959, à la demande de l’empereur Hailé Sélassié, l’Unesco dépêche John Blower à Addis-Abeba afin d’orienter la gestion des parcs nationaux du pays. Cet ancien garde de réserves de chasse au Kenya britannique écrit, à son arrivée : « La démocratie ne menaçant pas encore l’Éthiopie, nous pouvons encore y sauver la nature ». Puis durant les quinze années suivantes, Blower supervise la gestion et la création des parcs éthiopiens et avec elles, l’éviction forcée de leurs habitants supposés dégrader un Éden africain autrefois vierge et luxuriant, mais aujourd’hui surpeuplé et déboisé. Les dirigeants éthiopiens, loin d’être les victimes impuissantes d’un néo-colonialisme vert, obtiennent eux le prestige de voir leurs parcs classés au Patrimoine mondial de l’Unesco, et les fonds grâce auxquels créer ces parcs chez les nomades, aux frontières, dans les maquis : c’est-à-dire en territoires sécessionnistes.

La documentation éthiopienne offre ici un champ d’observation idéal pour une histoire globale des instrumentalisations patrimoniales. Il en va de même des fonds d’archives identifiés par les membres du projet PANSER. Au Cambodge et en Malaisie, deux politiques coloniales de la nature très différentes convergent après les indépendances vers l’adoption de normes internationales en tout point similaires, mais servant en Malaisie à une gestion concertée du territoire, et au Cambodge à un contrôle coercitif des acteurs locaux. Le cas du Congo paraît quant à lui marqué par la continuité. Du régime colonial belge à la République Démocratique, un même préservationnisme global évolue au gré d’une tension entre appropriations élitaires des ressources cynégétiques et adaptations locales face à la marginalisation des pratiques habitantes. Enfin, dans des espaces aussi différents que Zanzibar, les Seychelles et le Vietnam, l’étude des aires protégées suggère qu’en 1900 comme en 2017, c’est au gré d’allers-retours entre différents mondes afro-asiatiques que des « faiseurs de patrimoine » européens ou américains élaborent des modèles globaux de connaissance et de gouvernement de la nature et des hommes.

Ces phénomènes sont à l’origine du projet PANSER. En suivant de 1900 à 2017 les trajectoires des professionnels (forestiers ou agronomes, puis biologistes et experts, écologues et consultants) qui circulent d’espaces naturels en espaces naturels, il s’agit de retracer l’histoire d’une intervention environnementale et patrimoniale globale. De l’Afrique équatoriale à la mer de Chine, étudier cette histoire connectée au cœur des territoires où elle se déroule vise à retracer « au ras du sol » l’histoire des rencontres, des négociations et des luttes qui donnent corps, au vingtième siècle, à une aire bio-patrimoniale afro-asiatique.

PANSER s’organisera autour de travaux individuels – chaque collaborateur étudie « ses » archives – et collectifs – la mise en commun de ces archives amène à étudier collectivement l’histoire comparée et connectée d’une aire afro-asiatique. Car si l’hétérogénéité de cet espace est inéluctable, le fait que scientifiques, experts puis consultants y circulent de parcs naturels en parcs naturels justifie qu’on l’étudie, aussi, comme un territoire à part entière. Tel est l’objectif de ce projet : étudier des histoires de patrimoines à partir desquelles explorer une histoire globale à échelle réduite du patrimoine aux Suds.

Croisant travail en archives et études de terrain durant 36 mois, PANSER aboutira à la création d’une base de données archivistique, la formation d’un post-doctorant, l’organisation d’un colloque international et d’une école d’été, et la publication d’un numéro de revue et d’un ouvrage dédié à un large public. À terme, cette histoire de l’invention globale du patrimoine devrait servir à penser l’environnement, aux Suds, en termes d’adaptation plutôt que de dégradation.

Coordination du projet

Guillaume Blanc (TEMPORA)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenariat

TEMPORA

Aide de l'ANR 179 388 euros
Début et durée du projet scientifique : novembre 2018 - 36 Mois

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