Contact de langues en Chine du nord - perspective historique et typologique – LCNC
Contact de langues en Chine du nord – perspective historique et typologique
Nous étudierons les changements linguistiques dus aux contacts de langues dans l'histoire de la langue chinoise. De nombreuses recherches ont été effectuées sur les phénomènes de contact, mais elles ont été essentiellement consacrées à des langues flexionnelles, et non à des langues isolantes comme le chinois. Trois périodes seront couvertes du Moyen-âge à nos jours. Une analyse linguistique et sociolinguistique de permettra de proposer de nouvelles hypothèses sur les sur les contacts de langue.
Etude systématique des changements grammaticaux induits par contact de langues qui ont affecté la langue chinoise au cours de son histoire
Ce projet propose de conduire une étude systématique des changements grammaticaux induits par contact de langues qui ont affecté la langue chinoise au cours de son histoire, en se basant sur les données linguistiques chinoises dont on dispose. La langue chinoise a été soumise à un contact prolongé avec des langues de types grammaticaux très différents tout au long de son histoire. Ces contacts ont eu un impact sur le développement linguistique du chinois à la fois synchroniquement et diachroniquement. <br />Trois périodes seront couvertes par le projet : (i) Période de forte influence mongole [1000-1400] ; (ii) Période d’influence mandchoue [1700-1900] ; (iii) Période d’influence actuelle des langues altaïques sur les dialectes chinois du Nord-Ouest de la Chine. Les situations de contact au cours de ces trois périodes sont très différentes en termes d'intensité de contact, de politiques linguistiques et d'autres facteurs sociaux et politiques. <br />Le but de ce projet est d’apporter des réponses pertinentes aux questions concernant les différences entre les variétés dialectales chinoises du Nord et du Sud de la Chine. Nous tenterons de contribuer à une meilleure compréhension de la diffusion spatiale et des caractéristiques typologiques qui distinguent les langues chinoises du Nord de celles du Sud, du Centre et du Sud-Est de la Chine. Ainsi serons-nous amenés à examiner la nature exacte de la langue vernaculaire de l’époque Yuan (Yuan baihua) en comparaison avec les langues sinitiques du Nord-Ouest de la Chine que d’aucuns ont considérées comme étant de bons exemples de «créoles» ou de «pidgins», ou même de «langues mixtes». <br />En comparant et analysant les effets de contacts dans des contextes sociologiques et linguistiques différents, et en portant une attention minutieuse à la quantité considérable de documents chinois disponibles pour les trois périodes concernées, nous mènerons une recherche jamais entreprise auparavant et à l’issue de laquelle espérons, sur la base du cas chinois, proposer de nouvelles hypothèses et affiner les théories générales sur le contact linguistique.
Les membres de l'équipe mèneront une enquête macroscopique et une étude détaillée d’une part sur les textes et documents ultérieurs au XIIIe siècle qui contiennent des traits syntaxiques chinois atypiques et d’autre part sur les dialectes du Nord-Ouest qui ont été et sont toujours en contact avec des langues altaïques. Les méthodes seront les suivantes :
1. Identifier, collecter et trier les données pertinentes pour l'étude des contacts linguistiques des Yuan aux Qing.
2. Mener des études comparatives entre des langues sinitiques du NO (Tangwang, Gangou, Linxia, Wutun) et les langues altaïques voisines, afin d’observer et de retracer les changements linguistiques qu'elles ont subis.
3. Observer les correspondances sémantiques et structurelles dans les documents bilingues mongol-chinois ou mandchou-chinois afin de dégager des preuves claires et directes de l'influence du mongol ou du mandchou sur le chinoise.
4. Mener une étude comparative de différents phénomènes induits par contact. Nous dégagerons alors les différentes strates historiques de ces phénomènes, à partir des documents historiques mais aussi des résultats de nos travaux de terrain sur les langues sinitiques actuelles du NO.
Les résultats attendus relèveront des investigations menées sur les points suivants :
1. Changements d’ordre des mots au cours de l'histoire chinoise. Y a-t-il eu changement de SVO (sujet-verbe-objet) à SOV dans le chinois vernaculaire des Yuan et des Qing ? Les langues sinitiques du NO ont-elles toujours été SOV ou le sont-elles devenues en raison du contact linguistique avec les langues altaïques ?
2. Apparition et usage de shi en tant que copule. Nous confirmerons que la source originelle de la copule shi est bien le pronom démonstratif shi 'ceci' et essaierons surtout d'expliquer pourquoi ce shi se retrouve en position finale aussi bien dans les textes vernaculaires Yuan-Qing que dans les dialectes du NO.
3. L'émergence de nouvelles constructions comparatives en chinois du Nord comprenant le morphème comparatif bi en position d'adjoint, et non plus un morphème comparatif (yu, ru, si, etc.) en position post-verbale d’argument. Une attention particulière sera portée à la période médiévale où les constructions du comparatif de supériorité et de l'équatif (comparatif d'égalité) étaient ambiguës, situation que l'on retrouve également aujourd'hui dans certains dialectes du Nord-Ouest.
4. L'émergence et le développement des marqueurs TAM (temps, aspect, modalité). Les langues sinitiques du nord-ouest ont un système TAM assez différent du mandarin standard. Est-il directement influencé par les langues altaïques voisines ou la source peut-elle remonter à la langue vernaculaire des Yuan?
5. Le développement historique du lien entre un nom et une proposition relative à l’aide d’un marqueur relationnel. Au regard des usages particuliers que le marqueur relatif di/de du chinois standard a, aussi bien dans les textes vernaculaires Yuan-Qing que dans les dialectes du NO, nous examinerons les diverses hypothèses émises sur ses origines : Vient-il du chinois classique zhi (hypothèse de Wang Li) ? ou de zhe (hypothèse de Lü Shuxiang) ? ou à la fois de zhi et de zhe (Mei Tsu-lin) ?
6. L’émergence et la disparition des marqueurs de cas au regard des données observables dans les documents Yuan et Qing mais aussi des données recueillies dans les dialectes sinitiques du NO.
7. L'émergence et le développement des localisateurs (fangweici) dans les items locatifs. Est-ce que les localisateurs, qui ne sont apparus qu’à la fin de la période Han (2e-3e s.), sont des postpositions ou des suffixes ? Comment pouvons-nous expliquer les usages dérivés de certains localisateurs, tels shang/shangtou dans les textes vernaculaires Yuan-Qing, en suffixes causatifs ?
En comparant divers cas de contact linguistique entre les langues chinoises et altaïques, nous visons à montrer leurs similarités et leur divergences. L'étude comparative nous permettra de revisiter les hypothèses et théories que nous avons émises et de proposer de nouvelles perspectives. Dans ce projet, il sera nécessaire de prendre en compte la distinction entre l'interférence induite par le changement, dans laquelle l'apprentissage imparfait joue un rôle, et les changements induits par contact, dans lesquels l'apprentissage imparfait ne joue aucun rôle. Nous accorderons également une attention particulière à un phénomène fréquent selon lequel les nouvelles significations et structures grammaticales résultant du contact linguistique sont manifestement un mélange de formes empruntées et natives résultant en ce que l'on appelle des constructions hybrides. Nous ferons également référence et discuterons de la grammaticalisation induite par contact (CIG) et de certains des modèles qui ont été proposés dans des études antérieures, tels que le modèle de transfert de contact décrit dans Heine & Kuteva (2005) et Heine (2008). Nous discuterons également de la question de savoir si des concepts tels que la « métatypie » proposés par Ross (2007) pour les langues appartenant à des familles linguistiques distinctes, pour lesquelles des contacts étendus déclenchent un « remodelage » dans la mesure où ils montrent une inter-traductibilité de morphème à morphème, tandis que conserver un matériel lexical distinct hérité de son origine stock génétique. En résumé, nous utiliserons non seulement les techniques classiques de la théorie de la grammaticalisation, exposées notamment dans les travaux de Hopper et Traugott (1993, 2003), Harris et Campbell (1995), Heine et Kuteva (2007), Peyraube (2017a), mais nous les rapprocheront des approches fonctionnalistes et typologiques de la description des langues.
a) Nous nous efforcerons de mettre à la disposition des généralistes travaillant sur les questions de contact linguistique hors du champ chinois les données et les facettes du débat en cours. Cela comprend un travail de mise à disposition des données de base sur les sept questions linguistiques abordées dans le projet, avec une bonne quantité de données issues de corpus représentatifs (y compris des données de terrain et des documents historiques), pour lesquelles des gloses et des traductions seront ajoutées. Certaines de nos productions qui, selon nous, auront le plus grand impact sur le débat en cours sur le contact linguistique et le changement induit par le contact dans la communauté linguistique seront publiées dans des revues telles que Journal of Language Contact (Brill), Linguistic Typology (De Gruyter), Diachronique (J. Benjamins).
(b) Nous publierons également dans les principales revues chinoises, qui bénéficient d'un lectorat important et hautement spécialisé, dans des revues consacrées à l'histoire des langues, aux langues minoritaires non sinitiques et dans des revues générales telles que Zhongguo Yuwen, Fangyan, Lishi yuyanxue yanjiu, etc.
(c) Nos résultats de recherche seront utiles aux spécialistes travaillant sur les langues appartenant aux familles linguistiques voisines (mongol, turcik, tibétain…). Ces trois types de lectorat nécessiteront des stratégies de publication distinctes.
Ce projet propose de conduire une étude systématique et exhaustive des changements grammaticaux induits par contact de langues qui ont affecté la langue chinoise au cours de son histoire, en se basant sur l'abondance des données linguistiques chinoises dont on dispose. La langue chinoise a été soumise à un contact prolongé avec des langues de types grammaticaux très différents tout au long de son histoire. Ces contacts ont eu un impact sur le développement linguistique du chinois à la fois synchroniquement et diachroniquement. A cet égard, toute étude sur les contacts de langues impliquant le chinois s’avère particulièrement significative et éclairante.
Au cours des dernières décennies, de nombreux travaux sur les contacts de langues et leur influence sur les changements linguistiques de langage ont été publiés, mais ils concernent principalement les langues flexionnelles et les langues dites « agglutinantes » et moins les langues « isolantes » ou analytiques comme le chinois. Trois périodes seront couvertes par le projet : (i) Période de forte influence mongole [1000-1400] ; (ii) Période d’influence mandchoue [1700-1900] ; (iii) Période d’influence actuelle des langues altaïques sur les dialectes chinois du Nord-Ouest de la Chine. Les situations de contact au cours de ces trois périodes sont très différentes en termes d'intensité de contact, de politiques linguistiques et d'autres facteurs sociaux et politiques.
Le but de ce projet est de revisiter et d’apporter des réponses pertinentes aux questions et problèmes soulevés par bon nombre de chercheurs, notamment en ce qui concerne les différences entre les variétés dialectales chinoises du Nord et du Sud de la Chine, en particulier la répartition géographique des caractéristiques typologiques des deux variétés. De même, tenterons-nous de contribuer à une meilleure compréhension de la diffusion spatiale et des caractéristiques typologiques qui distinguent les langues chinoises du Nord de celles du Sud, du Centre et du Sud-Est de la Chine. Ainsi serons-nous amenés à examiner la nature exacte de la langue vernaculaire de l’époque Yuan (Yuan baihua) en comparaison avec les langues sinitiques du Nord-Ouest de la Chine que d’aucuns ont considérées comme étant de bons exemples de «créoles» ou de «pidgins», ou même de «langues mixtes». Un des principaux objectifs de ce projet sera d'aborder cette question en profondeur et d’évaluer le bien-fondé de ces différents points de vue. L’étude et l’analyse minutieuse de l'énorme quantité de documents chinois disponibles pour chacune de ces trois périodes, est une tâche jamais entreprise auparavant. Une tel travail collaboratif nous permettra de réviser et d'enrichir les théories et les méthodologies actuelles concernant les contacts de langues, notamment les questions relatives aux transferts linguistiques induits par contacts, aux phénomènes de grammaticalisation et de réplications analogiques également induits par contacts.
En comparant et analysant les effets de contacts dans des contextes sociologiques et linguistiques différents, et en portant une attention minutieuse à la quantité considérable de documents chinois disponibles pour les trois périodes concernées, nous mènerons une recherche jamais entreprise auparavant et à l’issue de laquelle espérons, sur la base du cas chinois, proposer de nouvelles hypothèses et affiner les théories générales sur le contact linguistique.
Coordination du projet
Redouane Djamouri (Centre de recherches linguistiques sur l'asie orientale)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
CRLAO Centre de recherches linguistiques sur l'asie orientale
LIDILEM LINGUISTIQUE ET DIDACTIQUE DES LANGUES ETRANGERES ET MATERNELLES
Aide de l'ANR 322 712 euros
Début et durée du projet scientifique :
décembre 2018
- 42 Mois