Les lipopeptides produits par le microbiote : de l’hypersensibilité à la thérapie dans le syndrome de l’intestin irritable – LiBacPain
Les pathologies du tractus digestif représentent actuellement un défi économique et sanitaire majeur. Parmi, ces pathologies le syndrome de l’intestin irritable (SII) représente la première cause de consultation chez le gastroentérologue. Le SII est caractérisé par des douleurs ou de l’inconfort abdominal associé à des altérations des fonctions digestives. Il n’y a pas à l’heure actuelle de marqueur diagnostique de cette pathologie, l’inclusion des patients dans les différents sous-groupes de SII se faisant à partir de questionnaires cliniques et par exclusion d’autres pathologies. Cette classification est une des causes de l’échec des essais cliniques dans ce groupe très hétérogène de patients. L’augmentation des connaissances vis-à-vis de cette pathologie et des moyens thérapeutiques représente donc un important challenge pour améliorer la qualité de vie des patients. Des études récentes ont mis en évidence qu’un dysfonctionnement de la communication entre le microbiote intestinal et l’organisme hôte pourrait conduire au développement du SII. Ainsi, une meilleure compréhension des relations hôte-microbiote pourrait nous permettre d’identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques. Nous développons un nouveau concept selon lequel les bactéries du microbiote associées à la muqueuse intestinale, notamment les Escherichia coli, (E. coli) sont capables de modifier la physiologie de l’hôte via leur production de molécules lipidiques.
Nous nous sommes intéressés à la bactérie Echerichia coli Nissle 1917, une bactérie du microbiote utilisée comme probiotique et récemment testée par voie orale comme traitement thérapeutique alternatif du SII. Nos travaux démontrent que cette bactérie produit du GABA (acide gamma aminobutyrique) lié à une asparagine et à un acide gras de 12 carbones. Ensemble, ces trois molécules forment un lipopeptide, le C12AsnGABAOH. Nous avons synthétisé cette molécule lipidique afin de la quantifier et d’évaluer son effet sur l’hôte. Cette molécule est capable de traverser la barrière intestinale afin d’atteindre les nerfs sensitifs où il diminue l’activation des neurones sensitifs. Le traitement de souris hypersensibles par le C12AsnGABAOH les rendait normosensible. Ce lipopeptide ne modifiant pas la physiologie et la motilité intestinale, un brevet a été déposé pour son utilisation comme analgésique. Cette découverte démontre l’importance d’une meilleure connaissance du potentiel thérapeutique des lipopeptides produits par le microbiote intestinal. L’objectif général de notre projet est donc d’étudier l’implication des lipopeptides bactériens dans le SII. Chez l’homme, les souches bactériennes associées à la muqueuse des patients atteints du SII seront quantifiées. Puis, notre étude se propose d’identifier et de quantifier les molécules lipidiques produites par les bactéries dont l’abondance est modifiée dans le SII. La corrélation entre ces deux paramètres (souche bactérienne et composés lipidiques) et les données cliniques des patients devrait nous permettre de caractériser les patients SII en fonction du portage bactérien et d’évaluer l’utilisation potentielle du dosage lipidique comme marqueur pronostique et/ou diagnostique du SII. Nous caractériserons dans un deuxième temps les vois de synthèse de ces lipides par les bactéries. La manipulation génétique des bactéries isolées chez les patients, nous permettra de déterminer l’implication des composés lipidiques dans les symptômes du SII. Dans une dernière partie de notre projet, nous déterminerons l’impact de ces composés lipidiques sur les cellules impliquées dans la pathogénicité du SII. Puis in vivo, chez l’animal, nous quantifierons l’impact de ces composés sur l’homéostasie intestinale. Ce projet reposant sur la complémentarité des différents partenaires devrait permettre une meilleure caractérisation de ce syndrome hautement invalidant et de proposer de nouvelles approches thérapeutiques.
Coordination du projet
Nicolas CENAC (Institut de Recherche en Santé Digestive)
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Partenariat
IRSD Institut de Recherche en Santé Digestive
INSERM Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
LPPD PHYSIOPATHOLOGIE ET PHARMACOLOGIE CLINIQUE DE LA DOULEUR
IBMM Institut des Biomolécules Max Mousseron
Aide de l'ANR 630 422 euros
Début et durée du projet scientifique :
janvier 2019
- 42 Mois