Modulation de l'expression des gènes par le positionnement du noyau dans l'ovocyte de souris – NuPos
Fertilité : une transformation d’énergie mécanique en énergie cinétique prépare l’ovule.
Etude de la signification biologique du centrage du noyau dans l’ovocyte de souris.
Approche interdisciplinaire pour comprendre la signification biologique du centrage du noyau dans l’ovocyte de souris.
Dans ce projet interdisciplinaire nous souhaitions explorer les mécanismes et la signification biologique du centrage du noyau dans l’ovocyte de souris. La position du noyau au sein des cellules joue souvent le rôle de morphogène et une position anormale peut être cause de maladie. Dans les ovocytes murins ou humains, la position centrale du noyau corrèle avec la bonne qualité gamétique. Nous avions découvert par le passé un mécanisme de centrage du noyau d’ovocyte de souris via des forces issues des éléments du cytosquelette. Avec NuPos, nous avons démontré qu’architecture nucléaire et expression des gènes corrèle avec le positionnement du noyau ovocytaire. Les forces mécaniques qui centrent le noyau sont transmises via les fluctuations de l’enveloppe nucléaire à l’intérieur du noyau. Ces forces vont mobiliser la chromatine et moduler l’expression des gènes d’origine maternelle. Le noyau contient une panoplie d’organelles sans membranes, appelés condensats, très importants pour la synthèse et la maturation de différents types d’ARN. Nous avons découvert qu’en agitant le noyau, les forces cytoplasmiques remodèlent les condensats nucléaires sur plusieurs échelles. A l’échelle des organelles, l’agitation nucléaire accélère la cinétique de fusion des condensats et, à l’échelle moléculaire, cette même agitation accélère la diffusion des particules au sein des condensats, y optimisant ainsi les réactions biochimiques associées, comme notamment l’épissage de l’ARN messager (ARNm). Nous avons découvert que les forces mécaniques issues du cytosquelette augmentent en intensité et réorganisent les organelles nucléaires, appelés condensats. Sans cette réorganisation, les stocks d’ARNm maternels ainsi que les divisions ovocytaires sont défaillants, impactant la fécondité du gamète.
Afin d’étudier de manière exhaustive les phénomènes associés au centrage de cet énorme organelle que constitue le noyau d’un ovocyte de souris, nous avons utilisé plusieurs approches complémentaires. Ainsi différents objets biologiques (cytosquelette, membrane nucléaire, chromatine, corps nucléaires sans membrane) ont été suivis par des approches de biologie cellulaire en cellules fixées et en dynamique dans des conditions contrôles et des conditions perturbées génétiquement ou à l’aide de drogues. Ces études ont été combinées à des analyses quantitatives de biologie computationnelle afin de décrire l’organisation et la dynamique de ces objets en corrélation avec ces perturbations. C’est ainsi que nous avons quantifié les fluctuations de l’enveloppe nucléaire, les mouvements de la chromatine et de certains condensats nucléaires, en réponse aux forces mécaniques issues du cytosquelette. A partir de ces mesures, nous avons modélisé et comparé les propriétés bio-physiques de l’enveloppe nucléaire dans différents contextes. Nous avons aussi pu modéliser l’impact des forces sur les mouvements au sein du nucléoplasme, testant ainsi l’hypothèse d’un transfert direct d’énergie mécanique du cytoplasme vers le nucléoplasme. Des simulations en 3D ont permis de valider la potentialité d’un modèle bio-physique de transformation d’énergie mécanique en énergie cinétique synthétisant nos observations. Enfin, via des études transcriptomiques combinées à de la bio-informatique, nous avons montré que l’expression d’une centaine de gènes et l’épissage de plusieurs centaines étaient altéré, pour une majorité de gènes régulant la division cellulaire, lorsque le noyau ovocytaire n’était pas centré.
Par une approche interdisciplinaire, mêlant biologie cellulaire, moléculaire, computationnelle, ainsi que bio-informatique et biophysique théorique, nous avons découvert que les ovocytes de souris développent des forces mécaniques issues du cytosquelette lors de leur croissance dans les ovaires, afin d’agiter la chromatine et de réorganiser des organelles nucléaires, appelés condensats. Nous avons montré que cette capacité des forces cytoplasmiques à réorganiser les condensats à l’intérieur du noyau ovocytaire, avait été conservée au cours de l’évolution. Sans cette réorganisation, les stocks d’ARN messagers maternels ainsi que les divisions ovocytaires sont défaillants, impactant la fécondité du gamète. Au-delà de la Reproduction, ce nouveau mécanisme pourrait apporter un éclairage nouveau à de nombreuses anomalies liées à des défauts de forces cytoplasmiques corrélant avec des défauts d’architecture des condensats, observés dans les cancers et les maladies neurodégénératives.
Il est important de noter que ce projet a initié une solide collaboration entre les deux partenaires, qui s'est étendue au-delà des objectifs initiaux de la proposition, ce qui est précisément ce que nous présentons dans ce mémoire scientifique.
Nous avons publié 6 articles originaux depuis le début du projet (Almonacid Dev Cell 2019 ; Colin J Cell Biol 2020 ; Bennabi Nat Commun 2020 ; Crozet Dev 2021 ; Letort J Cell Sci 2022 ; Al Jord Nat Commun 2022), dans lequel l’ANR est remercié. Deux articles sont issus de la collaboration entre les deux partenaires du projet (Almonacid Dev Cell 2019 ; Bennabi Nat Commun 2020).
Ce projet interdisciplinaire explore de manière inédite les mécanismes et la signification biologique du centrage du noyau dans l’ovocyte de souris. La position du noyau au sein des cellules peut jouer le rôle de morphogène et une position anormale peut être cause de maladie. Dans les ovocytes murins ou humains, la position centrale du noyau corrèle avec la bonne qualité gamétique. Nous avons découvert un mécanisme de centrage du noyau d’ovocyte de souris par un gradient de pression issu de vésicules d‘actine nucléées par la Formine 2. Nos données préliminaires suggèrent qu’architecture nucléaire et expression des gènes corrèle avec positionnement du noyau ovocytaire. Qu’elle est la signification biologique du centrage nucléaire des ovocytes de mammifères en fin de croissance folliculaire ? L’utilisation d’un test de centrage dans les ovocytes invalidés pour la Formine 2 permettra d’étudier architecture nucléaire et transcriptome en fonction de la position nucléaire (centrale ou non). Nous étendrons cette hypothèse par un crible d’autres régulateurs de l’actine cytoplasmique potentiellement impliqués dans le centrage du noyau. Ce projet permettra non seulement de découvrir les mécanismes contrôlant le centrage du noyau mais aussi l’influence de ces mécanismes sur l’expression des gènes de l’ovocyte de souris. Les ovocytes sont manipulés de manière routinière dans tous les protocoles de Procréation Médicalement Assistée. De plus, les femmes sous traitement type chimiothérapie ou hyper-sensibles aux traitements hormonaux ont recours à la maturation in vitro des ovocytes pour procréer. Le critère non invasif de position centrale du noyau ovocytaire corrèle avec un meilleur taux de succès des divisions méiotiques. Notre projet apportera donc aussi beaucoup à la santé publique.
Coordination du projet
Marie-Hélène VERLHAC (Equipe Divisions asymétriques ovocytaires (Centre interdisciplinaire de recherche en biologie))
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
CIRB Equipe Divisions asymétriques ovocytaires (Centre interdisciplinaire de recherche en biologie)
IBENS Institut de biologie de l'Ecole Normale Supérieure
Aide de l'ANR 510 000 euros
Début et durée du projet scientifique :
février 2019
- 36 Mois