Role et régulation d'Arpp19, un acteur central de la division cellulaire – KiARP
Un acteur mystérieux au cœur de la division cellulaire : la protéine Arpp19
Le projet KiARP s’est intéressé aux circuits moléculaires qui déclenchent la transition G2/M du cycle cellulaire, leurs adaptations permettant une division soit mitotique soit méiotique et leur conservation entre espèces animales. Il s'appuyait sur la protéine Arpp19, dont la phosphorylation par les kinases PKA ou Greatwall inhibe ou déclenche l'entrée en division cellulaire en régulant indirectement la kinase universelle inductrice de la division, Cdk1.
Comment Arpp19 bloque-t-elle la division cellulaire ? Ce frein fonctionne-t-il chez toutes les espèces ?
La division des cellules est essentielle à la croissance et au développement de tous les êtres vivants. Elle dépend de la phosphorylation de centaines de protéines qui réorganisent la cellule. Ces phosphorylations sont toutes sous le contrôle d’un même facteur universel, la kinase Cdk1. Le projet KiARP s’intéresse à des mécanismes de la division cellulaire encore mal connus : les cascades moléculaires qui déclenchent l'activation de Cdk1 et la conservation de ces mécanismes entre différentes espèces et types cellulaires. Le projet KiARP adresse ces questions par le biais d'un nouveau régulateur de la division cellulaire, la protéine Arpp19. Cette protéine combine le yin et le yang de la division : phosphorylée par la kinase Greatwall, elle inhibe une phosphatase, PP2A-B55?, ce qui contribue à l’activation de Cdk1 et permet la division ; phosphorylée par une autre kinase, PKA, elle stoppe au contraire l’entrée en division. KiARP avait pour objectif d’élucider comment fonctionnait la forme négative d’Arpp19, en particulier chez les cellules reproductrices femelles, les ovocytes, et comment elle avait acquis cette fonction au cours de l’évolution.
Le projet KiARP a utilisé l’ovocyte d’un amphibien, le Xénope, d’un invertébré, la méduse Clytia, des extraits acellulaires et des cellules de souris. Ceci nous a permis d’étudier le rôle d’Arpp19 chez des espèces animales variées et dans différents types de divisions cellulaires, notamment celles, appelées méiotiques, qui sont spécifiques des cellules reproductrices. Pour élucider la fonction de frein de la division exercée par Arpp19, nous avons utilisé une vaste panoplie de techniques. Des approches de biologie cellulaire nous ont permis de manipuler les cellules par microinjections et d’analyser les conséquences de perturbations d’Arpp19 sur la division cellulaire par des techniques d’imagerie. Nous avons élaboré des outils moléculaires en produisant des protéines, Arpp19 ou ses partenaires, porteuses ou non de mutations, pour comprendre leurs interactions et leurs fonctions. Enfin, nous avons identifié des protéines interagissant avec Arpp19 ou des régions spécifiques de cette protéine, importantes pour son rôle dans la division cellulaire par des techniques de biochimie (purifications par chromatographie) ou de protéomique (spectrométrie de masse).
Nous avons élucidé quelles étaient les enzymes qui contrôlaient Arpp19 et lui conféraient sa fonction de frein de la division cellulaire. Nous avons aussi compris comment Arpp19 exerçait ce rôle : par des interactions de différentes régions à l’intérieur d’une même molécule d’Arpp19. Nos résultats enrichissent ainsi la connaissance fondamentale de la division cellulaire et lancent des pistes nouvelles pour la compréhension de processus pathologiques tels que la tumorigenèse ou l’infertilité féminine, en même temps qu’être la source potentielle et inattendue de nouveaux outils biotechnologiques.
Pour poursuivre la compréhension des rôles d'Arpp19 sur la division cellulaire, il faut envisager : (1) des analyses structurales comparées d’Arpp19 entre différentes espèces, comme Clytia et Xénope, afin de comprendre l’acquisition de nouvelles propriétés par Arpp19 au cours de l’évolution ; (2) l’étude de l’interaction intramoléculaire entre différents motifs de la protéine ; (3) l’étude de l’initiation de la répression de PP2A et de l’activation de Cdk1 dans le cadre de la reprise de la méiose de l’ovocyte. Il s’agira de s’inspirer des travaux récents de l’une des deux équipes du projet pour comprendre quelle est la balance utilisée entre deux inhibiteurs de PP2A-B55, Arpp19 et FAM122A, et quelle amorce de Cdk1 se substitue en méiose au rôle mitotique joué par la Cycline A-Cdk1.
À long terme, nos résultats devraient avoir des impacts sur des questions relatives à la santé humaine : (1) Infertilité humaine : nos études sur l’ovocyte révèlent les voies moléculaires présidant à la décision de l’ovocyte de reprendre les divisions méiotiques, naturellement stoppées en G2, et ensuite de réaliser ces divisions. Cette étape de l’ovogenèse qu’est la maturation méiotique joue un rôle-clé dans les origines de nombre d’infertilités humaines féminines, comme les POCS (polycystic ovary syndrome) et les POI (primary ovarian insufficiency). Nos études révèlent des candidats potentiels dont le dysfonctionnement peut être lié à l’origine de telles infertilités. (2) Cancer : nos études des acteurs-clés régulant la division cellulaire livrent également des acteurs potentiellement impliqués dans la tumorigenèse. Il est bien établi que la phosphatase PP2A est dérégulée dans de très nombreux types de cancer et considérée comme un suppresseur de tumeur. Comprendre sa régulation par des protéines comme Arpp19, elle-aussi dérégulée dans certains types de cancer, et la mécanique structurale présidant à ses propriétés catalytiques est particulièrement important pour comprendre comment ses altérations participent à la tumorigenèse. (3) Outils biotechnologiques : nos études sur la structure de la protéine Arpp19 ont révélé que de courtes séquences de la protéine étaient dotées de propriétés soit anti-mitotiques, soit inductrices de la division. Ces séquences peptidiques ont un potentiel biotechnologique qu’il conviendra d’exploiter.
Nos résultats ont été publiés dans des journaux à fort impact (Nature Communications, Cell Reports, un article en révision dans Development), et déposés dans des archives ouvertes, ce qui leur assure un maximum de diffusion. Nous avons aussi resitué nos résultats dans le contexte de la division cellulaire, dont la vision globale se trouve ainsi enrichie, par la publication de 6 articles de revues, dont l’un de vulgarisation. Enfin, nous avons exposé nos découvertes par des présentations orales ou affichées lors de conférences internationales.
La division cellulaire est essentielle à la croissance et au développement des organismes vivants. Elle dépend de la phosphorylation de centaines de protéines qui réorganisent la cellule. Ces phosphorylations résultent des activités de nombreuses kinases et phosphatases dont la régulation est sous le contrôle d'un tandem antagoniste, la kinase mitotique Cdk1 (ou MPF pour M-phase promoting Factor) et la phosphatase PP2A-B55delta. Le projet KiPARP s’intéresse à des mécanismes de la division cellulaire qui restent encore mal connus : la voie de signalisation qui déclenche l'activation du MPF, les rétrocontrôles positifs assurant une activation totale et brutale du MPF, la conservation de ces mécanismes entre différentes espèces et types cellulaires, les modifications qui ont converti une division mitotique en une division méiotique. Le projet KiPARP adresse ces questions fondamentales par le biais d'un nouveau régulateur de la division cellulaire, la protéine Arpp19.
Lors de l’entrée en division, Arpp19 est phosphorylée par la kinase Greatwall sur la S67, ce qui lui confère une puissante activité inhibitrice de PP2A-B55delta. Cet évènement contribue à l’activation de Cdk1, via le contrôle par phosphorylation de ses régulateurs, les kinases Wee1/Myt1 et la phosphatase Cdc25. Il stabilise aussi la phosphorylation des protéines substrats de Cdk1 qui orchestrent la division. Arpp19 a aussi le potentiel d'être phosphorylée par une autre kinase, PKA. Chez les vertébrés, les ovocytes sont arrêtés en prophase de première division méiotique par une forte activité de PKA. Cet arrêt est levé par une hormone qui inhibe PKA et lance une voie de signalisation conduisant à l’activation de Cdk1 et à la division méiotique. Chez le Xénope, Arpp19 est phosphorylée par PKA sur la S109 en prophase et bloque ainsi l’activation de Cdk1 dans les ovocytes. Après stimulation hormonale, la déphosphorylation de la S109 d’Arpp19 est nécessaire pour initier une cascade de signalisation qui aboutit à la phosphorylation d’Arpp19 par Greatwall. Ceci inactive PP2A-B55delta et assure l’activation de Cdk1. Arpp19 agit donc comme un rhéostat de la décision cellulaire vis-à-vis de la division : selon sa phosphorylation par PKA ou Greatwall, elle inhibe ou active Cdk1.
Le projet KiPARP vise à comprendre les bases moléculaires qui déterminent la cellule à entrer ou non dans la division en abordant les mécanismes qui convertissent Arpp19 d’un inhibiteur à un activateur de la division. Pour cela, nous allons : (1) élucider les mécanismes d'inhibition de la division méiotique assurés par Arpp19 sous sa forme phosphorylée par PKA et ceux lancés par sa déphosphorylation, (2) analyser la forme active d’Arpp19 qui participe directement au mécanisme d’activation de Cdk1 et (3) déterminer si les mécanismes de régulation de la division méiotique par ce nouvel acteur sont conservés dans les ovocytes à travers le règne animal, mais aussi lors de la mitose. Le projet KiPARP utilisera principalement l’ovocyte de Xénope et des extraits acellulaires comme modèles d’étude. Les résultats obtenus dans ces modèles de division méiotique et mitotique seront éprouvés dans d’autres organismes physiologiques : ovocytes de mammifères (souris et homme) et d’invertébrés (méduse), lignées cellulaires murines. KiPARP repose sur l'identification de nouveaux acteurs moléculaires par des approches de biochimie et biologie moléculaire couplées à des études fonctionnelles sur cellules uniques par des expériences de perte et gain de fonction dans les différents modèles étudiés. Les deux partenaires du projet KiPARP ont une longue et solide expertise du domaine de la division cellulaire et présentent une excellente complémentarité tant dans leurs modèles d’étude que dans leurs approches expérimentales. Le projet KiPARP enrichira ainsi la connaissance fondamentale de processus physiologiques cruciaux pour la reproduction et la division cellulaire, mais aussi pathologiques tels que la tumorigenèse
Coordination du projet
Catherine JESSUS (Laboratoire de Biologie du Développement)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
LBD Laboratoire de Biologie du Développement
CRBM Centre de Recherche en Biologie cellulaire de Montpellier
Aide de l'ANR 375 148 euros
Début et durée du projet scientifique :
mars 2019
- 42 Mois