Transferts horizontaux d’éléments transposables: les clés d’une invasion réussie – TranspHorizon
Transferts horizontaux des éléments transposables: les clés d'une invasion réussie.
Les éléments transposables (ET) ont un impact majeur sur l’évolution des génomes, mais leur origine, leur diversité, et leur dynamique évolutive restent encore peu comprises. Le transfert horizontal d’ET semble être un mécanisme primordial du cycle de vie des ET. L’amplification des ET peut cependant être affectée par des systèmes de régulation de l’hôte, ou par les caractéristiques de la population. Ainsi nous cernons encore difficilement les facteurs qui conditionnent le succès d’un transfert.
Influences des paramètres géographique, phylogénétique et populationnel sur les transferts horizontaux d’éléments transposables- Approches théoriques et expérimentales
Ce projet a pour objectifs d’évaluer l’impact des distances géographiques et phylogénétiques sur le succès d’invasion des génomes par un élément transposable suite à un transfert, et d’identifier les paramètres influençant ce succès (taille des populations, dynamique du système de défense, âge), en prenant comme modèle les insectes et en particulier la drosophile. L’enjeu est de mieux comprendre l’influence de ces différents facteurs sur la probabilité de transfert horizontal d’une part et sur la dynamique d’amplification de l’élément transféré dans la nouvelle espèce.
Nous combinons des approches de terrain (collectes d’insectes sur différents sites géographiques répartis sur les différents continents), avec des approches expérimentales (Transgenèse et évolution expérimentale sur des populations de drosophiles en laboratoire), et des approches théoriques (modélisation de la dynamique d’amplification des éléments transposables dans les populations, incluant la mise en place de systèmes de régulation) et statistiques (ABC).
La collecte d’insectes est en cours. 18 génomes ont pour l’instant été séquencés et sont en cours d’assemblage. La méthode statistique envisagée a été utilisée et validée sur un autre jeu de données génomiques (génome de vertébrés sur NCBI). Pour les approches expérimentales, un préalable est l’identification d’éléments transposables actifs. Plusieurs éléments transposables de D. melanogaster et de D. ananassae ont ainsi pu être sélectionnés sur la base de leur activité en laboratoire (transpositions dans le génome de virus obtenus après infection d’individus), ou sur la base du polymorphisme d’insertion observés dans des populations naturelles. Ils sont en cours de clonage pour les introduire dans différentes espèces de drosophiles. Nous avons pour l’instant introduit un de ces éléments dans D. melanogaster et 3 populations expérimentales ont été initiées par introduction de quelques individus porteurs de l’élément dans une population naïve. Nous suivrons régulièrement dans ces populations l’évolution du nombre de copies et l’évolution du spectre des fréquences d’insertions. En parallèle nous avons développé un modèle de dynamique des éléments transposables dans les populations. Les copies s’amplifient avec un certain taux de transposition. Selon leur localisation, les insertions diminuent plus ou moins la fitness des individus qui les portent. L’insertion de copies dans certaines zones du génome a pour effet de diminuer le taux de transposition de l’ensemble des copies (silencing). Ce modèle a été implémenté dans un programme de simulation (python) qui nous permettra d’identifier les paramètres les plus pertinents dans l’amplification des éléments transposables.
La comparaison des génomes nous permettra d’estimer la fréquence des transferts horizontaux dans la nature. L’utilisation de génomes de nombreuses espèces choisies pour leur localisation géographique et leur distance phylogénétique nous permettra d’évaluer par une méthode statistique robuste l’influence de la distance géographique sur la probabilité de ces transferts horizontaux. Le suivi du devenir d’éléments transposables transférés expérimentalement dans différentes espèces plus ou moins apparentées nous renseignera sur l’importance de la distance phylogénétique sur le succès du transfert horizontal. Enfin les populations expérimentales et la confrontation des résultats au modèle théorique nous permettront de déterminer les paramètres populationnels qui influencent le plus la dynamique d’amplification des éléments transposables dans une nouvelle espèce.
Zhang H.-H., Peccoud J., Xu M.-R.-X., Zhang X-.G.,Gilbert C. Horizontal transfer and evolution of transposable elements in vertebrates. 2020. Nature Communications. 11:1362. doi.org/10.1038/s41467-020-15149-4
Les éléments transposables (ET) sont des séquences ADN universelles, mobiles et répétées, qui ont un impact majeur sur l’évolution des génomes. Cependant, leur origine, diversité, et leur dynamique évolutive restent encore peu comprises. Le transfert horizontal d’ET (HTT – entre espèces ne se croisant pas) apparaît comme un mécanisme primordial du cycle de vie des ET. Encore faut-il qu’il soit suivi d’une amplification efficace des éléments, qui peut être empêchée par des systèmes de régulation ou d’autres facteurs spécifiques de l’hôte. Nos travaux récents ont montré que (i) Les HTT entre insectes sont bien plus fréquents que ce que l’on pensait, ii) l’invasion des populations après transfert s’avère efficace, mais est fortement affectée par des interactions entre copies. En fait, les facteurs qui conditionnent le succès d’un transfert restent mal compris. Le projet TranspHorizon a pour objectif d’évaluer cinq types de facteurs qui pourraient favoriser soit les transferts, soit l’amplification post-transfert:
1- Distances géographique et phylogénétique
Les espèces en sympatrie sont plus susceptibles d’être connectées écologiquement que les espèces éloignées. Ainsi, on s’attend à un nombre plus élevé de transfert lorsque la distance géographique entre populations diminue. De même, la proximité phylogénétique de deux espèces devrait s’accompagner d’une meilleure compatibilité entre ET et cellules hôtes réceptrices, et donc d’une meilleure chance de succès.
2- Caractéristiques de la population hôte
Le contenu en ET varie entre les espèces, tant en quantité (fraction du génome) qu’en qualité (proportion relative des différentes familles). Cette diversité pourrait s’expliquer, en partie, par la démographie et les traits d’histoire de vie des populations (par exemple la taille des populations ou le temps de génération).
3- Caractéristiques des ET
Les différents ET se distinguent par leur mode de transposition mais aussi par leur dépendance pour des facteurs de l’hôte, leur capacité à transférer d’une cellule à l’autre, et leur propension à s’insérer dans des régions spécifiques du génome (tels que les clusters de piRNA). Toutes ces différences ont certainement un impact sur le succès du transfert horizontal.
4- Autres éléments et endosymbiontes
La dynamique, l’activité et les interactions parmi les familles d’ET sont souvent comparées à celles des espèces au sein des écosystèmes. Il a été montré que de fortes interactions existent entre copies autonomes et non-autonomes d’une même famille. Cependant, peu de données existent concernant les effets de la présence d’ET non apparentés, ou encore d’autres d’entités génétiques parasites, telles que les bactéries Wolbachia par exemple.
5- Emergence des voies de régulation
Les clusters de piARN sont des locus génomiques riches en ET, qui répriment la transposition via la production de petits ARNs. Ces clusters dont la composition varie entre populations, correspondent à des pièges a transposons: l’insertion d’une copie dans un cluster peut permettre la production de petits ARNs et enclencher la régulation. Le temps nécessaire à l’établissement de la régulation doit donc dépendre de la probabilité de s’insérer dans ces régions, du taux de transposition et de la taille relative des clusters par rapport à la taille des génomes.
Pour répondre à ces questions, ce projet combinera différentes approches (écologie, échantillonnage de terrain, biologie moléculaire, séquençage de génomes, bioinformatique, mathématiques, et évolution expérimentale), et s’organisera en deux parties complémentaires. Dans la partie 1, nous testerons si les distances géographique ou phylogénétique influencent la probabilité de transfert entre insectes. Dans la partie 2, nous caractériserons de manière théorique et empirique la dynamique d’amplification post-transfert (nombre de copies, fréquences d’insertions, émergence des voies de régulations) pour différents éléments et dans des conditions variées de populations.
Coordination du projet
Aurélie HUA-VAN (Évolution, génomes, comportement et écologie)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
EGCE Évolution, génomes, comportement et écologie
Aide de l'ANR 361 376 euros
Début et durée du projet scientifique :
December 2018
- 48 Mois