Exploration des premières innovations zootechniques dans les sociétés du sud-ouest asiatique (5e-1er millénaires av. J.-C.) – EVOSHEEP
L'objectif scientifique et technique du projet est de confronter des disciplines et des méthodes différentes pour comprendre l'émergence des races agronomiques. L’approche archéozoologique se base sur l’étude des faunes de sites du Proche Orient, (Syrie, Liban), d’Anatolie (Turquie), du Moyen Orient (Iran) et du Sud Caucase (Arménie, Azerbaïdjan) datés de la fin du Néolithique à la fin de l' Âge du Bronze. Le projet bénéficie de la mise en commun par les archéozoologues du consortium de données en partie inédites. L’objectif est d’apprécier la place du mouton dans les économies d’élevage et de repérer les modifications des gabarits ovins selon les périodes et les régions. L'approche archéo-historique s’appuie sur la documentation iconographique et épigraphique mésopotamienne pour rassembler les informations sur les élevages et sur les caractéristiques physiques des ovins afin d’identifier les différentes variétés de moutons et de dater leur présence. Les méthodes en morphométrie géométrique (GMM) sont utilisées de manière exploratoire sur certains os (os pétreux, talus et humérus) pour tenter de discriminer les formes sauvages et les populations d’ovins domestiques. Les analyses génétiques ont pour objectif d’identifier des gènes clés dans le processus de domestication des ovins et des régions génomiques associées à des traits phénotypiques d’importance évolutive et économique (toison, cornes, couleur, queue grasse). Les analyses génomiques et protéomiques ont permis de valider des identifications taxomiques basées sur l’anatomie osseuse. Le cadre chrono-culturel a été consolidé au moyen d’une série d’analyses 14C. Un référentiel ostéologique moderne a été constitué avec des moutons de races connues au Liban, en Turquie, en Iran et en Ethiopie pour les développements méthodologiques en morphométrie. Enfin, une base de données en ligne et à capacité évolutive, à vocation à libre accès, a été développée pour emmagasiner les données archéozoologiques et biométriques brutes, ainsi que les données issues des textes et des images. Elle est accompagnée d’une application interactive pour l’exploration statistique et l’interprétation des données.
L’expansion de l’élevage moutonnier est datée dans le nord de la Mésopotamie du IVe millénaire av. J.-C. dans un contexte de pré-urbanisation. Dès le 3e millénaire av. J.-C., il existe un brassage des moutons avec des importations de différentes régions. La diversification des toisons, des couleurs de pelage et des queues grasses est attestée dès 2500 av.J.-C. Les innovations zootechniques intègrent la pratique du retrempage (reproduction de brebis domestiques avec des mouflons sauvages) dont l’ancienneté n’était pas connue jusqu’à présent. Les races agronomiques, apparues bien après la dispersion des ovins par l’homme hors du centre de domestication au Proche-Orient, suivent une trajectoire évolutive qui leur est propree, comme le révèlent les caractéristiques morphométriques différentes des races orientales et des races africaines du corpus. Les régions génomiques clés associées à des traits phénotypiques d’importance évolutive et économique (toison, cornes, couleur, queue grasse) ont été mises en évidence. Trente-cinq nouveaux génomes complets de moutons des périodes Néolithiques et de l’âge du Bronze ont pu être générés, ce qui représente une quantité exceptionnelle pour des régions particulièrement arides et peu propices à la préservation d’ADN ancien. Enfin, de nouveaux référentiels biométriques sur des races indigènes orientales et africaines plus adéquats que les races européennes ont été constitués au cours du projet.
Le projet a permis de générer un grand nombre de données archéozoologiques, en morphométrie géométrique et en génomique. Les protocoles de morphométrie géométrique développés et validés dans le cadre d'EVOSHEEP pourront être réutilisés dans d'autres études archéozoologiques et dans la biométrie animale en général. De même, le référentiel de races modernes et les données métriques des moutons seront à la disposition de la communauté des archéozoologues.
La série exceptionnelle de modèles 3D réalisés pour les analyses GMM pourra être valorisée pour des recherches complémentaires. Déjà les recherches en GMM sur le talus ont inspiré un projet de thèse ambitieux en Sciences Fondamentales et Appliquées à l’université Côte d’Azur (M. Cornelli, CEPAM ; tutrice M. Vuillien, CEPAM) en codirection avec l’université Lyon 2 (E. Vila, Archéorient). La thèse a pour objectif de développer des solutions de « Machine Learning » pour capitaliser sur les capacités fines de catégorisation de l’intelligence artificielle dans le traitement des problématiques archéozoologiques (reconnaissance de forme des os de caprinés).
La base de données réalisée dans le cadre du projet EvoSheep, associée à une application Shiny et conçue pour pouvoir évoluer, offre une plateforme attractive à d’autres archéozoologues pour explorer, analyser et interpréter leurs données de manière approfondie. Elle va accueillir très prochainement une nouvelle section « Plant remains » (archéobotanique) qui va s’élaborer dans le cadre de l’ANR SWEED (PI M. Tengberg, AASPE et partenaire Archéorient-J. Chahoud).
Les résultats des recherches EvoSheep ont fait l’objet de cinq publications dans des revues internationales à comité de lecture et d’un chapitre d’ouvrage, de deux sessions et de dix-sept communications dans des colloques internationaux, de quatre articles IST (information scientifique et technique), de trois workshops et de trois séminaires.
EVOSHEEP se propose d’étudier comment les sociétés du Proche et Moyen Orient ont développé l'élevage ovin et comment ce dernier a influencé leur histoire. Notre projet s’appuie sur une approche pluridisciplinaire croisant les faisceaux de preuves provenant de sources de l'archéozoologie, de l'épigraphie, de l'iconographie et de la paléo-génétique à partir de séries archéologiques disponibles à grande échelle temporelle (6000-1000 BC) et géographique (Proche et Moyen-Orient, Caucase). Cette approche sur l’ancien sera complétée par des travaux sur des races de moutons actuelles du Liban, d’Iran, et d'Ethiopie. L’originalité d’EVOSHEEP est de croiser des approches morphométriques et génétiques sur les races anciennes et modernes afin de tenter de coupler phénotype et génotype pour retrouver le processus d'émergence des races de moutons dans le contexte de la complexification des sociétés du Proche et Moyen-Orient.
Coordination du projet
Emmanuelle VILA (Archéorient - Environnements et sociétés de l'Orient ancien)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
Smurfit Institute of Genetics
AMIS Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse
Archéozoologie - CNRS Archéozoologie, archéobotanique
Archéorient - CNRS Archéorient - Environnements et sociétés de l'Orient ancien
LECA - UGA Laboratoire d'écologie alpine
Aide de l'ANR 558 608 euros
Début et durée du projet scientifique :
March 2018
- 48 Mois