Chirurgie du cholestéatome assistée par microrobotique – muRoCS
Chirurgie du Cholesteatome Assistée par MicroRobotique
Le cholestéatome, une masse épidermique dans l'oreille moyenne, résulte souvent d'otites chroniques ou de perforations tympaniques. Touchant 1 personne sur 10 000/an, il envahit progressivement, impactant nerf facial et structures internes. Son traitement chirurgical vise l'ablation totale des tissus pathologiques. La détection des résidus, durant l'intervention, est cruciale pour éviter les récidives fréquentes (10-50%). Il est impératif de développer des traitements peu invasifs et efficaces.
Chirurgie Exhaustive du Cholestéatome par une Approche Mini-Invasive
Le traitement du cholestéatome est exclusivement chirurgical, visant à retirer intégralement les tissus pathologiques. Le repérage des résidus se fait lors de l'intervention, généralement à l'aide d'un microscope chirurgical ou d'un endoscope. Une ablation complète est cruciale, car une élimination partielle entraîne une récidive dans 10% à 50% des cas. Il existe donc un besoin réel d’amélioration de la détection cholestéatomateuse peropératoire et de son traitement, d’autant plus au regard des complications potentielles graves.<br />Le projet µRoCS propose un système robotique intégré novateur composé d'un microrobot chirurgical flexible développé sur un robot principal existant. Ce microrobot offre une grande précision pour atteindre des zones spécifiques de l'oreille moyenne et éliminer efficacement le cholestéatome, notamment derrière l'os mastoïdien et entre le tympan et la chaîne ossiculaire.<br />Le microrobot est conçu avec un canal opérateur millimétrique permettant le passage d'instruments d'investigation et d'intervention. Sa partie distale est équipée d'un système d'imagerie médicale multimodale fibré, combinant la fluorescence hyperspectrale et la tomographie par cohérence optique (OCT). Cette combinaison associée à des méthodes d’apprentissage automatique permet une classification en temps réel des cellules pathologiques résiduelles et des tissus sains. Les zones de cholestéatome sont traitées par un laser chirurgical fibré, avec un contrôle précis assuré par le microrobot. Ainsi, ce système offre une solution avancée pour la détection et le traitement du cholestéatome, améliorant l'efficacité chirurgicale tout en minimisant les risques.
Au sein du Centre Hospitalier Universitaire de Besançon, l'étude «Concerto« a exploré la caractérisation optique du cholestéatome via la spectroscopie de fluorescence et la tomographie en cohérence optique (OCT). Un système OCT commercial associé à une imagerie hyperspectrale de fluorescence a permis l'acquisition simultanée des signatures tissulaires. Les données obtenues sur des biopsies de l'oreille moyenne ont été traitées par analyse en composantes principales et classification par apprentissage automatique pour distinguer les tissus normaux des cholestéatomateux. L'objectif ultime est d'intégrer ce système multimodal dans un micro-robot millimétrique. L'étude a également développé des micro-sondes optiques combinant OCT (900 nm) et fluorescence (405 nm) grâce à des lentilles commerciales à gradient d'indice et à des micro-axicons fabriqués sur mesure par gravure assistée par laser femtoseconde.
Une étude comparative des solutions robotisées (comanipulation et téléopération) avec la méthode manuelle traditionnelle a été menée. Les participants devaient effectuer un exercice de pointage de cibles à l'aide de l'extrémité de l'endoscope. Cette campagne a impliqué la création d'une maquette simulant l'intérieur de l'oreille moyenne et la mise en place d'un dispositif pour mesurer le temps et enregistrer la position. Les critères évalués étaient le temps d'exécution, la précision du pointage et les collisions avec les parois du canal auditif. Douze sujets ont participé. Par ailleurs, une méthode d'assistance au positionnement initial a été évaluée via une campagne d'essai avec le système macro-micro existant. Cette méthode combine la commande traditionnelle (comanipulation ou téléopération) pour les mouvements linéaires et un contrôle visuel pour l'orientation de l'extrémité du robot. Enfin, l'évaluation de l'automatisation du balayage laser a été réalisée à l'aide du système robotique. Un dispositif spécifique a été assemblé, incluant un laser intégré, une maquette de cholestéatome résiduel et une vision endoscopique simulant une intervention réelle.
La conception mécatronique de robots déformables s'applique à d'autres zones anatomiques. Le modèle géométrico-statique du robot à tubes concentriques et du poignet à découpe asymétrique, actionné par tendon, permet d'atteindre des zones difficiles d’accès de l'oreille moyenne. Un prototype compact, léger, à actionnement piézoélectrique, assure précision et courses suffisantes pour ces tâches. La validation du laser d’ablation fibré a été effectuée sur un démonstrateur sur table, attestant de son intégration dans le robot hybride à tubes concentriques. Les tests du bouchon pour maintenir la fibre et le tendon ont prouvé la supériorité de la gravure humide assistée par laser femtoseconde (FLICE) sur verre, lequel résiste aux hautes températures pendant l’ablation laser. Les essais d'ablation laser, suivis par OCT, ont permis de prédire le volume à enlever selon la puissance et la durée des impulsions.
Dans l’étude comparative entre les approches robotisées et la chirurgie manuelle otologique, les solutions robotisées ont montré une meilleure précision malgré une durée opératoire plus longue. La téléopération a légèrement amélioré le confort opératoire avec une programmation pour éviter les collisions. La méthode hybride d'assistance au positionnement initial, combinant commande traditionnelle et contrôle visuel, a été réussie, dépassant en convergence et précision les approches uniquement comanipulées ou téléopérées. L'évaluation de l'automatisation du balayage laser a été concluante, atteignant une couverture de 96% du cholestéatome résiduel avec une précision de suivi élevée.
L’étude clinique a rassemblé 38 échantillons de 23 patients, générant 3787 spectres de fluorescence. Une analyse approfondie a permis d'atteindre une précision de 93,9 %, une sensibilité de 96,0 % et une spécificité de 90,9 % dans la détection du cholestéatome par rapport aux autres tissus. Les micro-lentilles axicon développées produisent un faisceau de Bessel de plus de 3,5 mm pour un diamètre de 5,5 µm. Avec un diamètre de 500 µm, elles s'intègrent dans un microrobot, assurant une imagerie OCT sans perte de résolution sur une large zone d'investigation. La qualité de la pointe atteint un niveau inégalé à ce jour, suggérant leur applicabilité au-delà du projet.
La gerbille a été sélectionnée pour son potentiel de développer spontanément un cholestéatome similaire à l'homme. Un protocole Apafis a été rédigé et validé par le Comité d’Ethique de l’Institut Pasteur pour conduire les expériences conformément à la réglementation. Des difficultés sont apparues lors des interventions chirurgicales, notamment l'absence de pièce buccale adaptée à l'anesthésie par inhalation pour cette espèce. Des ajustements
précis ont été entrepris pour concevoir, tester et valider une pièce buccale spécifique, surmontant ainsi les différences anatomiques avec d'autres rongeurs.
Le projet µRoCS a réalisé des avancées notables dans la détection et l'ablation laser du cholestéatome par un robot continu. L'interface de commande des robots porteurs et endoscopiques par téléopération ou comanipulation a été développée. Le protocole chirurgical à deux accès minimalement invasifs a été bien accueilli comme une alternative viable.
L'étude COnCERTO a confirmé l'efficacité de la spectroscopie d'autofluorescence combinée à l'apprentissage automatique pour caractériser le cholestéatome. L'utilisation peropératoire d'un dispositif basé sur ce modèle pourrait améliorer sa détection, faciliter sa résection et potentiellement réduire les récidives. Un système autonome et portable de détection en temps réel du cholestéatome a été développé, utilisant des spectres de fluorescence et une classification par analyse discriminante. Ce système millimétrique peut être intégré au robot chirurgical de l'Institut de l’audition pour l'essai clinique sur l’animal.
Le robot à déformation continue et à actionnement hybride convient à l'exploration de l'oreille moyenne. Bien qu'il soit possible d'intégrer des outils laser (pour la détection ou l'ablation), un équilibre doit être trouvé pour éviter une rigidité excessive qui rendrait la manipulation délicate et pourrait entraîner la rupture du tendon par une force excessive.
Ce projet a démontré que l'évolution vers la chirurgie otologique par une approche microrobotique offre des perspectives prometteuses pour l'avenir de la chirurgie de l'oreille moyenne, et pourrait même s'étendre à toutes les interventions dans l'oreille interne.
Le projet µRoCS s'est avéré fructueux avec la parution de six articles dans des revues internationales renommées telles que Optics Express, IEEE Robotics and Automation Letters et Frontiers in Robotics dont trois publications multipartenaires. Le projet a aussi permis de présenter quatre communications lors de conférences internationales. À l'heure actuelle, les équipes sont activement engagées dans la rédaction de trois articles supplémentaires dans des revues internationales.
Le cholestéatome est une excroissance de peau qui apparaît dans l’oreille moyenne. Il est souvent dû à des infections répétées dont le nombre de cas par an est estimé à 1 cas pour 10 000 personnes. Le cholestéatome croît avec le temps et remplit les espaces vides de la cavité autour des osselets et attaque les osselets et la mastoïde, le nerf facial, etc. Il est souvent infecté conduisant à un drainage chronique de l’oreille et peut être responsable des pertes auditives, de méningite, d’abcès cérébral, etc. Par conséquent, il y a un réel besoin de traitement minimalement invasif et efficace de cette pathologie.
Le projet µRoCS s’inscrit dans le Défi 4 : Vie, Santé et Bien-Être, de l’appel ANR-PRC. Il traitera de la mise en œuvre d’un nouveau protocole chirurgicale des maladies de l'oreille moyenne et plus particulièrement du cholestéatome. Il relève clairement la recherche fondamentale en robotique, microrobotique, méthodes de diagnostic différentiel et les interventions guidées par l'imagerie. En clair, il s’agit de développer une approche interdisciplinaire et originale des pathologies récurrentes de l’oreille moyenne.
Les objectifs cliniques de µRoCS sont la réduction drastique des procédures chirurgicales actuelles très invasives (ouverture de la mastoïde). Il s’agit également de traiter efficacement le problème de récidive du cholestéatome (10% à 50%) qui nécessitent une 2e intervention dans les 18 mois suivants. Pour ce faire, µRoCS propose un nouveau système robotique hautement intégré qui consiste en le système robotique robOtol (développé initialement par une partie du consortium et marqué CE depuis 2016) et un instrument chirurgical fondé sur un système microrobotique dextre et flexible original porté par le premier. Le microrobot permettra d’atteindre avec une grande précision tous les endroits de l’oreille moyenne grâce à sa grande maniabilité et réséquer efficacement le cholestéatome, en particulier dans la zone située derrière l'os mastoïdien (cavité épitympanique) et entre le tympan et la chaine ossiculaire. Idéalement, le système proposé traversera le conduit auditif et pénètrera dans l'oreille moyenne par une petite incision sous le tympan et la paroi du conduit auditif ou via un petit tunnel opérateur réalisé à travers l'os mastoïdien, tout en évitant le nerf facial.
Par ailleurs, grâce à la technologie choisie lors de la conception du microrobot (robot continu à base de tubes concentriques), ce dernier dispose d’un canal opérateur d’environ 1mm de diamètre permettant le passage d’un ensemble de moyens d’investigation et d’intervention. Ainsi, la partie distale du microrobot sera équipée d’un moyen d’imagerie médicale multimodale fibrée. Il consistera en un dispositif optique couplant un dispositif de fluorescence hyperspéctrale et de tomographie par cohérence optique (OCT). Cette combinaison permettra au clinicien de différencier, en temps-réel, les cellules pathologiques résiduelles (responsables de la récurrence du cholestéatome), la kératine et les tissus sains. La classification s’effectuera grâce à des modèles de classification robustes et temps-réel. Ainsi, les zones de cholestéatome seront traitées par un laser chirurgicale fibré qui passera aussi via le canal opérateur dont dispose le microrobot. Les coordonnées de chaque position « pathologique » seront utilisées comme consignes dans une boucle de commande de type asservissement visuel permettant de contrôler avec une grande précision la position de la partie distale du système robOtol (porteur du laser) lors de la résection par laser (vaporisation des cellules cholestéatomateuses résiduelles).
En résumé, µRoCS en complète rupture avec les pratiques actuelles dans le traitement des pathologies de l’oreille moyenne, a un fort potentiel innovation clinique, scientifique et technique. Il conduira à des percées significatives dans le domaine de la chirurgie mini-invasive assistée robotique.
Coordination du projet
Laurent Tavernier (CTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE BESANCON- Service d'ORL)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
CHRUB CTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE BESANCON- Service d'ORL
INSERM REHABILITATION CHIRURGICALE MINI-INVASIVE ROBOTISEE DE L'AUDITION (INSERM)
FEMTO-ST Franche-Comté Electronique Mécanique Thermique et Optique- Sciences et Technologies
ISIR Institut des Systèmes Intelligents et Robotiques
Aide de l'ANR 686 810 euros
Début et durée du projet scientifique :
janvier 2018
- 48 Mois