Lutter contre l'épidémie mondiale de tuberculose: Exploiter la variation cellule à cellule afin d’entraver la persistance adaptative – PersisTB
La tuberculose est l’infection humaine la plus létale et une des plus graves menaces globales à notre santé, causant presque 2 millions de morts chaque année. A cause de sa modalité de transmission par aérosol, chacun est vulnérable à cette maladie, qui atteint principalement les poumons mais peut aussi toucher d’autres parties du corps. Mycobacterium tuberculosis est capable d’établir un rapport solide avec son hôte, souvent résultant en formes subcliniques qui peuvent durer pour toute la vie. On estime qu’une personne sur trois soit porteuse de tuberculose latente et à risque de réactivation. La tuberculose latente est difficile à distinguer d’une guérison, soit celle-ci spontanée ou après traitement, et elle cache des réservoirs de bacilles inactifs dont la physiologie reste une énigme. Les techniques de dépistage existantes ne permettent qu’une détermination indirecte de l’infection, sans information ni sur le degré de développement de la maladie ni sur la probabilité de sa progression. Une compréhension plus profonde de la physiologie de la mycobactérie et de ses mécanismes de survie est indispensable pour identifier des biomarqueurs prédictifs et des nouvelles stratégies d’attaque, afin d’améliorer le contrôle de la tuberculose sur une échelle globale.
Il est bien connu que des cellules clonales cultivées sous conditions stables montrent des différences remarquables de comportement, ce qui est aussi connu comme hétérogénéité phénotypique. Alors qu’une partie de cette hétérogénéité vient du caractère intrinsèquement aléatoire des processus intracellulaires, la plupart de la variabilité entre cellules est conséquence de mécanismes déterministes. L’environnement a un effet important sur le spectre phénotypique des cellules individuelles, ce qui peut résulter en variations favorables. Nous avons découvert que M. tuberculosis montre, à l’équilibre, de l’hétérogénéité phénotypique par rapport au potentiel de croissance et d’activité métabolique, et que cette variabilité augmente quand les cellules sont sujettes à des perturbations environnementales, comme privation de nutriments, agents antimicrobiens et milieu hôte. Nous faisons l’hypothèse que la capacité de M. tuberculosis de couvrir un large spectre phénotypique soit associée à sa tendance à persister en présence de fluctuations environnementales. Le fait d’avoir une plus grande variation entre cellules améliore la probabilité d’adaptation sous des conditions environnementales défavorables.
Notre groupe étudie l’hétérogénéité phénotypique mycobactérienne dans son sens le plus large, couvrant ses bases moléculaires, ses implications pour la viabilité bactérienne, jusqu’aux moyens de la supprimer. La combinaison de marquage fluorescent des bactéries, microscopie microfluidique en temps réel et analyse multiparamétrique nous permet une compréhension quantitative et prédictive du comportement des cellules individuelles dans le temps, sous des conditions environnementales strictement contrôlées. Par l’étude des mycobactéries au niveau de cellules individuelles et sous-populations, notre but est de séparer du bruit stochastique les variations phénotypiques génuines et leur corrélation avec la viabilité bactérienne. Nous essayons de clarifier les bases moléculaires de l’hétérogénéité phénotypique et ses implications pour la pathogenèse et l’adaptabilité, en accordant une attention particulière aux réservoirs bactériens inactifs et à leurs marqueurs de persistance. Enfin, nous faisons l’hypothèse qu’un réglage fin de l’hétérogénéité phénotypique, et en particulier une réduction de la variabilité entre cellules, pourra nous aider à affaiblir les bacilles et à surmonter l’obstacle de la tuberculose persistante. Le projet PersisTB pourra déclencher un changement de paradigme sur la persistance de la tuberculose, en offrant une perspective originale sur la physiologie mycobactérienne, et en comblant le fossé entre la recherche fondamentale et les stratégies de contrôle.
Coordination du projet
Giulia MANINA (INSTITUT PASTEUR )
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Partenariat
IP-G5 IMI INSTITUT PASTEUR
Aide de l'ANR 239 160 euros
Début et durée du projet scientifique :
May 2018
- 36 Mois