L'Humain Engagé par la Cobotisation dans les Transformations du Travail et des Organisations dans les usines du futur – HECTTOR

La critique socio-historique de Saraceno (2020) sur l'industrie du futur et la robotique collaborative décrit l'industrie comme une succession de révolutions, avec le cobot comme personnage central. Elle explore les controverses sur le statut des machines, repositionnant le développement de la cobotique dans son contexte historique. Deux études de cas sont examinées : un prototype pour une entreprise d’hygiène et la cobotisation dans une PME aéronautique (Bounouar et al., 2022). L'analyse du travail des opératrices de finition montre que leurs gestes nécessitent des savoir-faire perceptivo-cognitifs, posant des défis technologiques pour les cobots en termes de rapidité, sécurité et qualité. Trois pistes technologiques sont proposées : systèmes mécatroniques sur mesure, cobots avec effecteurs spécifiques et exosquelettes, bien que ces derniers puissent modifier le rapport à la matière. Bounouar et al. (2022) proposent une approche intégrant génie industriel et ergonomie pour concevoir des solutions cobotiques. Lafeuillade (2021) souligne le rôle crucial des cadres dans l'équilibre entre performance et adaptation aux changements, illustré par les nouvelles exigences numériques des certifications aéronautiques, impactant la qualité du travail et la culture d'entreprise.

L'exploration de la faisabilité de solutions cobotiques pour soutenir les gestes professionnels a été investiguée à travers deux cas d'étude : le développement d'un prototype pour une entreprise du secteur de l'hygiène et la cobotisation dans une PME sous-traitante de l'aéronautique. L'analyse de la pertinence et de la faisabilité du projet de cobotique dans la PME s'est appuyée sur la caractérisation du travail des opératrices de finition et sur une démarche de conception participative. Ces analyses ont montré que les gestes de finition mobilisent des savoirs et savoir-faire perceptivo-cognitifs élaborés à partir des expériences vécues et en couplage fin avec la matière travaillée. Cependant, cette exploration a révélé la complexité de soutien aux gestes et les limites technologiques actuelles des systèmes de robotique collaborative pour atteindre les objectifs de collaboration, de travail en santé et de performance industrielle.

Trois pistes d'assistances technologiques ont été envisagées : systèmes mécatroniques conçus sur mesure, systèmes cobotiques avec des effecteurs spécifiques et exosquelettes. Sur la base de ces travaux, une démarche de conduite de projet hybridant génie industriel et ergonomie a été proposée pour explorer la faisabilité et concevoir des solutions cobotiques.

Par ailleurs, le travail des cadres est en tension entre la préservation des équilibres de l'entreprise et les réponses aux injonctions du changement permanent à l'heure de l'industrie du futur. Les cadres jouent un rôle central dans le maintien de la performance de l'entreprise et de la santé au travail, cherchant un équilibre entre les savoirs et savoir-faire existants et leurs nécessaires évolutions. Les changements technologiques en cours transforment l'expérience sensible du travail, le geste professionnel et le rapport à la matière travaillée, gages de qualité et de santé, ainsi que l'histoire et la culture de l'entreprise. Par exemple, une récente évolution de la certification aéronautique de la PME a introduit de nouvelles exigences de traçabilité, obligeant à mettre en place des technologies numériques dans la gestion de la production, ce qui questionne le rapport entre procédés de fabrication et qualité du noyau céramique.

Ce travail en interdisciplinarité reste à poursuivre, il requiert la poursuite de travaux au-dela d’un projet unique et d’autres instruments de construction de cette interdisciplinarité (cf. développement de formation via des EUR).

Bounouar, M.; Béarée, R.; Siadat, A.; Benchekroun, T.-H. On the role of human operators in the design process of cobotic systems. Cognition, Technology and Work. 2021, 24 (1), 57-73.

Bounouar, M.; et al. Vers un cadre méthodologique de conception des systèmes humains-robots. 13ème Conférence internationale de modélisation, optimisation et simulation (MOSIM 2020) : « Nouvelles avancées et défis pour des industries durables et avisées. Agadir, Maroc. Nov 2020, 718-724.

Bounouar, M.; et al. User-centered design of a collaborative robotic system for an industrial recycling operation. 1st International Conference on Innovative Research in Applied Science, Engineering and Technology (IRASET'2020). Meknes, Morocco. Apr 2020, 1-6,

Lafeuillade, A.-C.; Buchmann, W.; Barcellini, F.; Benchekroun, T.-H. Intégrer un robot collaboratif sur un poste de travail ? Intérêts et vigilances de dirigeants de 5 PME françaises. 4ème congrès francophone sur les TMS. Monastir, Tunisie. Nov 2022.

La transition vers des usines du futur engage à une nécessaire réflexion sur les transformations du travail et sur la place des opérateurs alors engagés dans un « agir » en coopération avec un ensemble de nouveaux dispositifs, dont les cobots. Dans ce contexte, l’objectif du projet HECTTOR de recherche collaborative (PRC) alliant SHS (sociologie, anthropologie, ergonomie) et SPI (Génie Industriel) vise à produire des connaissances permettant de soutenir les mutations des organisations productives à moyen et long terme en s’intéressant plus particulièrement :
• aux transformations du travail (de production, de maintenance, d’ingénierie et de management) en lien avec l’introduction de cobots et ceci dans les PMEs qui est un notre sens un espace encore trop peu étudié ;
• à la place du travail (d’ingénierie, de production, de maintenance, de management) dans ces projets de transformations ;
• à la production de modèles et de méthodes permettant de soutenir le conception de situations de travail collaboratif « humains-robots » favorisant le travail « en santé », la performance, et le développement de compétences.
Penser le futur des industries et agir sur leur développement nécessite de comprendre ce qui est « déjà la » et d’accompagner la transition vers ce qui « pourrait être » : les trois premières tâches de notre projet renvoient à trois analyses complémentaires (un diagnostic politique, social et technologique, un diagnostic organisationnel, un diagnostic portant sur la collaboration effective humains-cobots) qui serviront de socle à l’élaboration de démarches permettant d'agir sur la conduite des transitions vers des industrie du futur en donnant une place à la diversité d’acteurs impliqués et au question du travail « bien fait ».
Ainsi, les retombées et les impacts du projet renverront à différents enjeux:
• des enjeux politiques et sociaux. Notre travail pourra aider à penser de manière holistique et systémique les questions de santé/sécurité/développement et de management des transitions vers les industriels du futur.
• des enjeux de santé/sécurité au travail et de gestion des compétences à travers l’investigation du rôle effectif de la cobotisation dans le travail dans la réduction/augmentation de certaines pathologies du travail (TMS, RPS), le développement des compétences et l’enrichissement du travail : les cobots et la conduite de leur introduction pouvant favoriser un travail « bien fait » et en santé ou au contraire le rigidifier.
• des enjeux de management/conduite des transitions permettant de créer les conditions de réalisations d’un travail soutenable et d'organisations plus agiles. Notre travail permettra de comprendre et d’agir sur la place faites à l’humain dans la conduite des évolutions de l’organisation de leur travail. Dans quelles mesures ces modèles de management de la transition peuvent-ils : intégrer les humains dans les processus de prise de décision et de conception, leur permettre de développer un travail de qualité, qui fasse sens pour eux, et de créer les conditions d’un travail soutenable ?
• des enjeux technologiques liées en particulier aux possibilités d’adaptation dynamique des outils de conception (simulation) production et des cobots à la diversité des situations rencontrées par les opérateurs dans le cours de leur action et par les entreprises dans leurs perspectives d’évolutions. Cela implique d’intégrer les enjeux humains, santé/sécurité et organisationnels des les phase amont de conception ou de mutation des systèmes de production.
Les résultats de la recherche seront valorisés par des publications dans les disciplines respectives des partenaires et par une publication collective qui fera suite à un séminaire permettant une restitution publique devant un public académique et industriel qui permettra de toucher un public large, notamment PME. Cette publication collective fera état des résultats mais aussi des enjeux méthodologiques liés aux croisements des disciplines SHS et SPI.