Les changements environnementaux sont globaux, et c’est donc globalement qu’ils impactent la dynamique et la santé des écosystèmes et des personnes. Le réchauffement climatique et l’urbanisation sont incontestablement les changements globaux les plus influents de par leur impact direct sur les biotopes. Cependant, ils altèrent aussi les patterns géographiques d’éclairement et de température auxquels les espèces étaient jusques là adaptées. Les changements environnementaux peuvent ainsi imposer aux espèces de redéfinir de nouveaux emplois du temps à travers lesquels elles pourront exploiter les nouvelles opportunités et mitiger les risques délétères de leur nouveau scenario environnemental. Ainsi, plutôt que de considérer les pressions de sélection qui s’exercent sur les mécanismes directs de résistance/tolérance physiologique aux changements environnementaux, nous nous focaliserons sur la dimension temporelle indirecte permettant l’adaptation des populations à leur nouvel environnement. Nous développerons nos hypothèses de travail dans le cadre de l’émergence et la réémergence, en Europe et partout dans le monde, des maladies à transmission vectorielle et à leur risque pandémique associé. Pour ce faire, nous travaillerons sur le cas concret de l’émergence et la ré-emergence du paludisme au Burkina Faso, dans des espaces et à des moments jusqu’ici préservés.
En Afrique, l’adaptation des vecteurs majeurs du paludisme aux nouveaux périmètres agricoles irrigués, aux grandes villes polluées et aux insecticides couramment utilisés a permis une avancée significative des fronts de colonisation de ces moustiques. En soutenant une hypothèse résolument chronobiologique et une approche comparative, nous avons pour but de déterminer dans quelle mesure de nouveaux emplois du temps exprimés à l’échelle d’un individu ou d’une population, présentent une valeur adaptative dans le contexte des changements globaux. En utilisant des approches synergiques et complémentaires d’écologie comportementale, de physiologie évolutive, de physiologie moléculaire et de biologie moléculaire fonctionnelle, nous caractériserons les rythmes biologiques des populations d’Anopheles gambiae s.l. aux fronts de colonisation en considérant les variables environnementales auxquelles elles sont soumises dans leurs nouveaux territoires. Ainsi, notre projet a pour objectif (1) d’identifier dans quelle mesure les rythmes biologiques des moustiques sont altérés lorsque soumis aux changement environnementaux (2) de déterminer si ces modifications impactent la capacité vectorielle des moustiques à travers la mesure des coûts ou bénéfices associés (3) de mesurer dans quelle mesure les interactions Anopheles-Plasmodium influent sur les changements de rythme, et (4) de déterminer les bases physiologiques et moléculaires des rythmicités altérées. Cette approche multidisciplinaire et intégrative génèrera des données originales et nouvelles permettant de mieux appréhender le potentiel d’adaptation extraordinaire des populations d’Anopheles à leur nouvel environnement, à la base de leur caractère invasif. Au niveau appliqué, nous génèrerons des données spécifiques d’une niche spatiale et temporelle associée, permettant d’améliorer les modèles épidémiologiques prédictifs actuels dans le contexte des changements globaux. Notre approche permettra de mettre en relief la nécessité de prendre en compte le rôle fondamental des rythmes biologiques dans l’adaptation des vecteurs a leur environnement changeant. A travers notre approche pluridisciplinaire, nous serons en mesure de proposer de nouvelles cibles physiologiques, moléculaires ou comportementales à considérer pour l’implémentation de méthodes de lutte alternative. Nos données, notre approche et les protocoles associés seront transposables à l’étude de virtuellement tous les vecteurs de maladie, et dans tous les contextes environnementaux.
Madame Karine MOULINE (Institut de Recherche pour le Développement)
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IRD - LOCEAN Institut de Recherche pour le développement
IRSS/DRO Institut de Recherche en Sciences de la Santé, Direction Régionale de l'Ouest
Neuro-PSI Institut de Neurosciences Paris-Saclay - CNRS
IRBI-CNRS Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte-Centre National de la Recherche Scientifique
IRD-MIVEGEC Institut de Recherche pour le Développement
Aide de l'ANR 503 240 euros
Début et durée du projet scientifique :
janvier 2017
- 48 Mois