Emergence, conditions et gestion des entreprises à mission – PURPOSE

Le projet est structuré en trois étapes :
1- Construction d'un framework intégrateur de la littérature foisonnante sur des sujets connexes (Organisations hybrides, Investissement à impact, entreprises sociales, gouvernance responsable...). Ce framework vise à isoler les questions propres aux entreprises à mission innovantes et à permettre aux entrepreneurs de se situer dans le paysage général.

2- Etudes empiriques et modélisation :
- Etudes empiriques aux US où les statuts sont déjà plus anciens (2012) : analyse des enjeux des Social Purpose Corporations innovantes dans les Etats de Washington et Californie (campagne d'entretiens) et approche quantitative des nouveaux statuts.
- Etudes qualitatives et comparatives sur des cas d'entreprises à mission en France : modélisation de la mission, du raisonnement d'exploration et de conception mené, et du rôle des instances de contrôle (y compris du fonds d'impact investment partenaire du projet)
- Etude longitudinale d'une entreprise ayant adapté ses modes de gouvernance et d'évaluation depuis 2015 : performance et limites des outils mis en place.

3- Ateliers d'expérimentation et diffusion des bonnes pratiques :
Le projet a permis la constitution d'une communauté d'entreprises à mission au sein de laquelle des groupes de travail et des ateliers permettent la confirmation des hypothèses et l'expérimentation des modèles issus du 2-.
Ces ateliers visent à produire de la documentation à destination des entrepreneurs et dirigeants, ainsi que des législateurs.

Les travaux menés dans le cadre du projet PURPOSE ont permis de structurer trois grandes lignes de résultats :
1. La constitution d'un cadre d'analyse structuré de l'entreprise à mission permettant à la fois de comparer les différents modèles juridiques (benchmark) et d'aider les entrepreneurs et dirigeants à se repérer dans la diversité, mais aussi de structurer les domaines de validité des résultats de la littérature (accountability, latitude du dirigeant...) ainsi que les questions de recherche nouvelles que posent le cas des missions innovantes.

2. La modélisation de la mission comme le coeur d'une gouvernance permettant un contrôle «prospectif« ou contrôle «de l’inconnu« : l'enjeu de l’entreprise à mission innovante est de permettre le contrôle de la part de nouvelles voies exploratoires ouvertes pour répondre à la finalité proposée. Là où les méthodes classiques de mesures d’impact se concentrent sur le meilleur choix d’indicateurs parmi des critères connus, une mission innovante exige au contraire de contrôler régulièrement que de nouvelles connaissances ont été acquises et de nouvelles voies conceptuelles ouvertes. Le projet révèle ainsi la nécessité de penser conjointement la formulation de la mission et la constitution des outils de contrôle avec certaines hypothèses à valider sur le contenu nécessaire de la mission : engagements de préservation du «connu«, «prévoyance« vis-à-vis des risques futurs, et exploration d'un futur désirable encore partiellement «inconnu«.

3. Implications pour l'ingénierie de la mission : Lorsque l'exploration remet en question la base de critères sur lesquels est fondée l’engagement vis-à-vis de l’externe, assurer la légitimité ou « l’intégrité » des nouveaux critères d’évaluation exige le recours systématique à des instances de contrôle compétentes adossée à des outils permettant le contrôle de l'exploration dont l’enjeu est de valider la transformation des critères et de l’interprétation de la mission au cours du temps.

Le projet permet de constituer une base scientifique solide pour accompagner le déploiement en France et à l'étranger de modèles de gouvernance originaux, notamment autour de la «raison d'être« et de la mission.
Le soutien par l'ANR à la constitution d'une communauté d'entreprises à mission et d'évènements de diffusion et de vulgarisation a également permis d'apporter une expertise et un ensemble d'expériences en soutien du développement de la loi PACTE (article 61).
Du point de vue scientifique, le projet ouvre à l'exploration des formes originales d'actionnariat et d'investissement adossés à la mission : investisseurs à mission, mais aussi écosystèmes à mission avec l'implication d'acteurs au niveau sectoriel par exemple.
Enfin, le projet permet de structurer une première communauté scientifique autour des Purpose-Driven companies comme objet de recherche, avec un développement à suivre de l'intérêt des publications et évènements académiques.

Organisation de colloques scientifiques :
- 1st international workshop on Purpose-Driven Companies, Nov. 2017, MINES ParisTech. Ce séminaire a réuni les recherches de dix institutions de 6 pays européens et américains sur le sujet, et a confirme´ le potentiel d’une communauté académique sur ce sujet de recherche montant, et dont l’intérêt s’accroît dans les revues généralistes en Sciences de Gestion.

- Leixnering S., K. Levillain, B. Segrestin, J. Veldman : Professional Development Workshop «The Fall and Rise of the Corporation«, Academy of Management 2019, Boston.

Chapitres d'ouvrage :
Kevin Levillain, Simon C Parker, Rory Ridley-Duff, Blanche Segrestin, Jeroen Veldman, et al.. Protecting Long-Term Commitment: Legal and Organizational Means. Ciaran Driver & Grahame Thompson. Corporate Governance in Contention, Oxford University Press, 2018, 9780198805274. 

Kevin Levillain, Blanche Segrestin, Armand Hatchuel. Profit- with-Purpose Corporations An Innovation in Corporate Law to Meet Contemporary Corporate Social Responsibility Challenges. A. McWilliams, D. Rupp, D. Siegel, G. Stahl & D. Waldman. Oxford Handbook of Corporate Social Responsibility: Psychological and Organizational Perspectives, Oxford University Press, inPress.

Articles de conférence :
Jérémy Lévêque, Kevin Levillain, Blanche Segrestin. Réalisation de l'impact ou génération d’alternatives ? Une étude des méthodes d'évaluation de l'investissement à impact.. RIODD 2018 - Pour durer ou pour changer, Oct 2018, Grenoble, France.

Jérémy Lévêque, Kevin Levillain, Blanche Segrestin. Is a Shift Always a Drift? Governing Hybrid Organizations with Innovative Purpose. EURAM 2019 - Exploring the Future of Management: Facts, Fashion and Fado, Jun 2019, Lisbonne, Portugal.

Kevin Levillain, Blanche Segrestin. From Primacy to Commitment: Revising corporate governance theories to account for recent legal innovations in the US. EURAM, Jun 2018, Reykjavik, Iceland.

Ce projet de recherche vise à étudier le mouvement émergent des entreprises à mission, afin de caractériser les conditions de leur soutenabilité ainsi que les méthodes et les instruments permettant leur gestion efficace. Malgré la profusion d'initiatives privées et publiques visant à prendre en compte l'impact économique, social et environnemental croissant des activités des entreprises, des recherches récentes mettent en évidence les limites des approches actuelles et montrent que leurs résultats sont insuffisants vis-à-vis des enjeux sociaux et environnementaux. Cependant, un nombre croissant d'entreprises et des changements juridiques dans plusieurs pays tracent une nouvelle voie : celle des "entreprises à mission", un modèle d'entreprise qui exige l’engagement des actionnaires et des dirigeants envers une mission à but social ou environnemental, au sein des structures à but lucratif classiques.
Ces formes ayant émergé relativement récemment, peu de travaux permettent aujourd’hui de caractériser leur modèle gestionnaire innovant. Celui-ci pourrait pourtant avoir des impacts majeurs, à la fois théoriques et pratiques, sur la manière dont les entreprises affectent la société. En particulier, si les entreprises peuvent s'engager à développer des capacités en rupture (par exemple, développer de nouvelles alternatives pour lutter contre la pauvreté, ou pour assurer la transition énergétique, etc.), ce modèle d’entreprise à mission pourrait être d'autant plus utile et intéressant. Il reste cependant à examiner si, et comment, ces nouvelles formes d'engagement peuvent être mises en œuvre, et quels sont leurs effets réels. En particulier, le fait de se fixer des missions innovantes soulève de nouvelles interrogations, par exemple en exigeant de développer de nouveaux principes de reddition de comptes ou d'évaluation.

L'objectif du projet est donc d'investiguer le potentiel et les conditions d'existence des entreprises à mission, afin de soutenir leur développement, d'évaluer et d'améliorer leur impact, et d'assurer leur soutenabilité. L’enjeu de la recherche est double : d’une part, développer un cadre théorique ancré empiriquement, qui permette de rendre compte de la diversité du phénomène et d’évaluer le potentiel des entreprises à mission ; d’autre part, contribuer à la conception de nouvelles méthodes et outils pour aider les entreprises visant un impact particulier - parfois innovant – à engager une transition vers un modèle « à mission ». Notre cadre de recherche repose donc sur trois étapes :
1) mener une analyse empirique systématique et approfondie sur les entreprises à mission qui existent aujourd’hui, en recueillant simultanément des données qualitatives et quantitatives ;
2) conduire une modélisation avancée de la mission dans ces entreprises, afin d’étudier les conditions d'un engagement sur des objectifs spécifiques, voire innovants ;
3) en déduire des recommandations pour la conception de règles de gouvernance et de principes de gestion et de contrôle permettant de piloter des entreprises à mission.

Les impacts sociétaux et managériaux visés par ce projet sont : 1- une clarification des potentiels, des limites et des risques induits pour les entreprises qui souhaitent s’engager envers une mission ; 2- la création de méthodes et d'outils pour soutenir les entreprises à mission, par exemple dans la définition de leur mission, ou au niveau de leur gouvernance ; 3- de nouvelles données pour les pouvoirs publics qui manquent de recul sur ces innovations juridiques, et une analyse rigoureuse du potentiel de ces formes pour d’autres Etats. L'impact académique visé, au-delà de la valorisation et de la publication des éléments théoriques, est la structuration d’une communauté scientifique dédiée à ces questions au niveau mondial, par exemple à travers l'organisation d’échanges internationaux et de conférences entre des équipes de recherche multidisciplinaires qui travaillent aujourd’hui de façon séparée.