Caractérisation de la production des composés thérapeutiques et du tramadol naturel par les arbustes Nauclea latifolia: voies de biosynthèse, impacts génétiques et environnementaux, et recherche de composés bioactifs analogues – NAUTRAM
En septembre 2013, nous avons rapporté dans Angew. Chem. Int. Ed. qu’un médicament antidouleur, le tramadol, obtenu par pure synthèse chimique et commercialisé depuis plus de trente ans, est présent comme produit naturel et en forte concentration dans les racines d’une plante africaine, la Nauclea latifolia (ou "pêcher africain"), un arbuste assez répondu en Afrique subsaharienne. A notre connaissance, c’est la première fois qu’un médicament de synthèse est isolé en forte concentration à partir de plantes. En 2014, une autre étude a proposé que le tramadol isolé des racines de Nauclea latifolia soit dû à une contamination anthropogénique. Néanmoins, cette étude était basée sur des preuves négatives : absence ou présence de tramadol à l’état de trace (<0,0002% poids/poids) ou des métabolites du tramadol dans quelques plantes. Ces traces seraient probablement dues à une utilisation abusive du tramadol dans le domaine vétérinaire, mais n’expliquent nullement la forte concentration que nous avons trouvée (2000 fois supérieur, soit 0,4% poids/poids). De plus, les échantillons des plantes que nous avons travaillés proviennent du parc naturel français de la Bénoué (Cameroun), un parc protégé et dans lequel, toute activité humaine ou vétérinaire est interdite.
Dans le projet NAUTRAM, nous proposons de caractériser la production du tramadol dans N. latifolia, afin : d’apporter des preuves sans équivoque de la voie de biosynthèse du tramadol et de ses métabolites proches ; d’étudier l’activité pharmacologique des produits isolés et de leur analogues, d’établir des cultures cellulaire qui permettra de générer des « plantes à traire ». Pour atteindre ces objectifs, nous devons s’attaquer aux questions suivantes :
- Comment et dans quelles parties de Nauclea le tramadol est-il biosynthétisé ?
- Quelle est la variation de l’expression du tramadol entre la douzaine d’espèces de Nauclea ?
- Quelle est l’influence des saisons, de la géographie et des microorganismes phagophytes sur l’expression du tramadol et ses dérivés ?
- Quelles sont les autres substances bioactives exprimées par cette plante médicinale ?
L’étude de la voie de biosynthèse, la variation géno-/phénotypique et les molécules associées permettra d’établir l’édifice pour une approche innovante de production du tramadol par biotechnologie. L’impact sociétal est très considérable : (1) définir la voie de biosynthèse permettra une éventuelle manipulation génétique de la production de tramadol ; (2) nous mettrons les bases scientifiques et technologiques pour un développement en agronomie et biotechnologie ; (3) isolement et identification d’autres composés qui pourraient être plus actifs que le tramadol lui-même. L’impact économique est très important, puisque le tramadol représente un marché mondial de vente colossal, qui se situe à environ 11 milliards de US$ par an.
Le projet NATTRAM, dans ses différentes facettes, conjugue un ensemble de compétences complémentaires et pluridisciplinaires. Trois des quatre partenaires ont uni leurs forces dans la découverte du tramadol naturel et ont valorisé leurs travaux par trois publications de très fort impact (Angew. Chem. Int. Ed; PNAS; Chem. Commun.). La quatrième partenaire a joint le consortium pour apporter son expertise dans le domaine de la culture cellulaire végétale et de la biosynthèse de composés naturels. Le soutien de ce projet consoliderait un réseau collaboratif, permettant non seulement de développer une recherche fondamentale d'excellence avec à la clé un impact socioéconomique direct. Additionnement, il permettra à ce que la force motive de recherche sur cette problématique reste en France.
Coordination du projet
Richard ROBINS (CNRS)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
CNRS-DR17 CNRS
UGA Université Grenoble-Alpes
INSERM UMR 1087 / CNRS UMR 6291 l’institut du thorax
UPJV Universite de Picardie Jules Verne
Aide de l'ANR 532 239 euros
Début et durée du projet scientifique :
September 2016
- 48 Mois