DS0201 -

Etude expérimentale des structures dissipatives en turbulence – EXPLOIT

A la recherche des singularités en turbulence

Le projet EXPLOIT concerne l’étude spatio-temporelle des structures dissipatives en turbulence dans une nouvelle expérience compacte de taille métrique mettant en œuvre des mesures de vitesse résolues en temps et en espace à l’état de l’art.

Etude expérimentale des structures dissipatives dans un écoulement turbulent

Le projet concerne la compréhension des phénomènes de dissipation en turbulence et la possibilité qu‘ils soient en partie reliés à d’éventuelles singularités. Ces phénomènes, encore mal compris au niveau théorique, ont des conséquences directes quant à la production ou la consommation d’énergie, en particulier dans la problématique de la trainée des objets en mouvement dans un fluide.<br />Le projet EXPLOIT vise à obtenir des mesures de dissipation dans un écoulement turbulent modèle, en utilisant des techniques d’analyses multi-échelles ainsi que des outils performants de visualisation (mesure de vitesse résolues en temps et en espace, par suivi de particules ou par images tomographiques de particules) dans une nouvelle expérience de turbulence de taille métrique.<br />Ce projet permet d’avancer dans la compréhension de la dissipation de l’énergie dans les écoulements turbulents (intermittence, structure multi-fractale). Il donne des informations sur la topologie et la fréquence d’éventuelles singularités, et fait le lien entre leur existence et l’irréversibilité observées des trajectoires lagrangiennes.

Une nouvelle grande expérience de von Karman (LVK, 1m de diamètre), reproduction à l’échelle 5 de la petite expérience de von Karman (SVK) a été conçue et réalisée. Le dispositif consiste en un cylindre rempli d'eau ou de mélanges eau-glycérol, agité mécaniquement par une paire de turbines coaxiales tournant en sens inverse.
Le montage optique comprenait un système de PIV à haute fréquence de répétition : un laser rapide (10 kHz) et 4 caméras rapides de grande sensibilité. L'ensemencement a été optimisé pour augmenter la concentration de particules dans les images et les trajectoires reconstruites en PTV.
Pour l'analyse des données, deux méthodes complémentaires ont été utilisées: (i) Tomo-PIV pour étudier la topologie des iso-surfaces comme la vorticité et (ii) Shake-the-box (STB) [Schanz13] qui donne les trajectoires lagrangiennes en suivant les particules individuelles. Les deux méthodes permettent d'atteindre des densités élevées de traceurs, jusqu’à 0,05 particules par pixel. Les performances de STB ont permis de détecter et reconstruire un total de 50000 trajectoires de particules par run. L'analyse STB a été optimisée pour donner le meilleur compromis entre résolution spatiale, mesure du bruit et précision.

Les résultats majeurs du projet concernent la première caractérisation des événements précurseurs des singularités, la mise en évidence de leur lien avec la reconnexion de vortex de Burgers, et la preuve de leur importance dans l’irréversibilité des trajectoires lagrangiennes.

Perspectives : ce projet se concentrait sur la physique de la dissipation en turbulence à l’échelle de Kolmogorov. La suite logique est de descendre encore en échelle spatiale, pour explorer la physique sub-Kolmogorov. Cela fait l’objet d’un nouveau projet ANR BANG déposé en 2022.

La production scientifique est importante sur la durée du projet. On peut ainsi compter 16 articles dans des revues à comité de lecture, 7 communications à des conférences ainsi que plusieurs séminaires invités.

Les écoulements de fluides visqueux sont omniprésents dans la nature et ont des conséquences dans de nombreux domaines de la physique, des sciences de l’ingénieur, de l’astrophysique, de la géophysique ou de l’aéronautique. Tout étudiant en sciences a appris que, si l’on mélange assez fort un fluide visqueux, il devient turbulent et présente un spectre d’énergie caractéristique du transfert d’énergie entre les échelles, au sein duquel toute l’énergie injectée à grande échelle est transférée et dissipée à petite échelle.

Par contre, ce n’est que depuis les travaux de Landau et Kolmogorov en 1962 qu’on a compris que la caractérisation des propriétés de la dissipation est cruciale, non seulement pour comprendre les questions fondamentales telles l’intermittence-qui peut corriger l’exposant du spectre d’énergie-, mais également pour relever des défis pratiques tels que la réduction de trainée ou la modélisation numérique des écoulements turbulents.

Le phénomène de trainée est lié à la dissipation induite par le mouvement d’un objet (comme une voiture ou un bateau) dans un fluide et est beaucoup plus fort en régime turbulent qu’en régime laminaire. Avec la fin de l’ère d’une énergie peu chère et sans limitation, il devient très important de construire des voitures, des bateaux ou des avions plus efficaces et d’essayer de diminuer leur consommation. Les progrès technologiques récents sur la trainée ont donné des résultats intéressants, mais sans réelle compréhension de l’origine de ce phénomène, ni de ses loi d’échelles.

Depuis quelques années, les mathématiciens qui travaillent sur les équations régissant les fluides ont proposé de relier ces propriétés de dissipation à la présence de singularités dans l’écoulement turbulent, sans pour autant réussir à fournir une classification des structures dissipatives associées, ou de leurs propriétés, laissant encore un vaste fossé entre le phénomène physique de la trainée et son explication théorique.

Le projet EXPLOIT est un projet de recherche fondamentale visant à combler une partie de ce fossé via des mesures expérimentales d'un écoulement turbulent modèle, en utilisant des techniques d’analyses multi-échelles ainsi que des outils performants de visualisation (mesure de vitesse par suivi de particules ou par images tomographiques de particules) dans une expérience de turbulence de taille métrique. Le projet EXPLOIT s’inscrit tout à fait dans le Défi 2 : une énergie propre, sure et efficace, Axe 1 : recherche exploratoire et concepts en rupture et repose sur :

i) la construction d’une nouvelle expérience dédiée, dont les dimensions et la conception seront adaptées à la mise en place d’une instrumentation à haute résolution spatiale et temporelle;
ii) la détection expérimentale des structures dissipatives en les suivant dans l’espace des échelles pour obtenir leur dynamique et leurs propriétés statistiques ;
iii) l’exploration de leur universalité, en variant les paramètres de contrôle de l’expérience (nombre de Reynolds) ainsi que les conditions de forçage.

En cas de succès, le projet EXPLOIT pourrait conduire à une avancée dans la compréhension de l’origine de la trainée et donner de nouvelles idées pour sa minimisation, contribuant ainsi à une réduction de la facture énergétique et donc de la pollution atmosphérique.

Coordination du projet

Francois Daviaud (Service de Physique de l'Etat Condensé)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

SPEC Service de Physique de l'Etat Condensé
LML Laboratoire de Mécanique de Lille

Aide de l'ANR 445 665 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2016 - 48 Mois

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