Bien qu’apparemment simple, la transparence est une stratégie de coloration complexe. Très peu d’études y sont consacrées, quasi toutes concernant les organismes aquatiques où la transparence est fréquente. La transparence est rare en milieu terrestre – à l’exception des ailes d’insectes – et quasi inexplorée. Les rares études suggèrent des solutions structurales diverses, des propriétés physiques méconnues, des fonctions et une évolution non étudiées. Compenser le manque de connaissance sur la transparence terrestre passe par réconcilier la transparence comme phénomène physique et les organismes biologiques dans leur contexte écologique et évolutif. A la frontière entre physique et biologie, notre projet vise à (i) caractériser la diversité des solutions structurales et leurs propriétés optiques, thermiques, d’hydrophobie associées, (ii) de tester les fonctions de la transparence pour le camouflage et la communication, (iii) déchiffrer les processus guidant son évolution. Nous travaillerons sur les Lépidoptères, un groupe très intéressant et diversifié, où nombre d’espèces ont abandonné les écailles – innovation multifonctionnelle (coloration, thermorégulation, vol, imperméabilité) typique du groupe – pour la transparence, posant question sur les stratégies développées pour assurer ces fonctions vitales.
Objectif 1. On caractérisera (i) la diversité structurale par imagerie photonique, MEB et MET, (ii) les propriétés optiques de transmission et réflexion par diffusométrie et spectrométrie UV-vis, (iii) les propriétés thermiques et d'hydrophobie par spectrométrie IR et mesures d'angle de contact. Ces mesures physiques aideront à évaluer les compromis entre propriétés, la robustesse des effets globaux aux variations structurales, et à identifier les éléments clés responsables des différentes fonctions.
Objectif 2. On testera le rôle de la transparence dans le camouflage et la communication. Contrastant avec la vision classique de la transparence comme servant exclusivement au camouflage, on change de paradigme et on propose un rôle simultané de camouflage et de communication via des signaux privés d’iridescence et de polarisation. (i) On déterminera la détectabilité relative de proies transparentes par des expériences de prédation en laboratoire, la survie relative de proies artificielles différant par leurs patches transparents et opaques par des expériences de suivi de terrain, et on examinera des aspects cognitifs avec un jeu vidéo. (ii) Par imagerie, diffusométrie et spectrométrie, on quantifiera l’iridescence et la polarisation.
Objectif 3. On examinera les effets macro-évolutifs de la transparence. Par des analyses comparatives, (i) on reconstruira l’évolution de la transparence pour comprendre les conditions de son émergence et les relations structure-fonctions, et (ii) on testera si la transparence - qui peut produire des signaux très divers au-delà d’une apparence commune – promeut la spéciation et coévolue avec la vision.
En unissant des disciplines séparées, le projet fournira des avancées significatives qui combleront le crucial manque actuel d’études : la physique donnera des mesures quantitatives fiables pour tester en biologie des hypothèses éco-évolutives qui fournira un cadre à la physique pour comprendre la multifonctionnalité, l’invisibilité, et la robustesse des propriétés au désordre, des questions prometteuses en recherche fondamentale et appliquée. La faisabilité du projet est garantie par les expertises complémentaires des partenaires : D. Gomez et M Elias, biologistes expertes de communication, vision, écologie des communautés et phylogénie, et S. Berthier et C. Andraud, physiciens experts en optique et en physique des surfaces. Ce projet original et nouveau garantit des résultats à haute plus-value, qu’on diffusera aux chercheurs, aux étudiants ainsi qu'au grand public grâce à un panel d'actions large.
Madame Doris GOMEZ (Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
CEFE Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive
ISYEB Institut de Systématique et d'Evolution de la Biodiversité
CRC Centre de Recherche sur la Conservation
INSP Institut des NanoSciences de Paris
Aide de l'ANR 482 407 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2016
- 48 Mois