Globalisation du référentiel racial (Europe/Amériques, XXe et XXIe siècles) – Golbal-Race
Au sortir de la seconde guerre mondiale, la communauté internationale s'est engagée dans une stratégie volontariste contre le racisme qui s'est appuyée sur la réaffirmation du principe fondamental de l'égalité sans distinction de race et d'origine ethnique. Dans le même temps, la réfutation des théories scientifiques de la race devait aboutir à la disqualification définitive de cette catégorie dans son application aux populations humaines. On a alors pu penser que l'idée même de race allait progressivement disparaître des travaux scientifiques, des textes juridiques et discours politiques. Près de 70 ans après la mise en œuvre de cette stratégie de proscription, on doit convenir que non seulement l'aveuglement à la race (colorblindness) n'a pas été adopté par tous les pays, mais que les catégories raciales sont toujours utilisées de manière banale et courante pour décrire les populations dans de nombreux pays du monde.
L'extension des politiques « race-consclous » et la diffusion corrélée des catégories ethniques et raciales reflètent les changements dans l'appréhension de la race et du racisme depuis 1945. Il serait en effet trompeur de considérer que la race et l'ethnicité dont il est question au début du XX.le siècle recouvrent les mêmes définitions et contenu que ceux qui se sont cristallisés à la fin du XIXe siècle. S'éloignant d'une définition essentialiste et biologique, la race et l'ethnicité sont désormais conçues comme une construction sociale, combinant assignation identitaire et auto-identification. Si la race et l'origine ethnique ont été redéfinies au cours des 70 dernières années, le racisme a également subi une profonde évolution. Le racisme flagrant basé sur une idéologie de la hiérarchie des races a laissé place à une forme plus subtile et voilée de racisme, alimentée par la circulation des stéréotypes culturels et les préjugés. Le «nouveau racisme» qui a été théorisé à la fin des années 1970 est sans doute plus diffus que le racisme classique, les discriminations ethniques et raciales n'en sont pas moins très répandues. La racialisation connait ces dernières années une nouvelle dynamique.
L'émergence de nouvelles théories sur le «racisme sans race», ou même le «racisme sans racistes » compliquent encore plus le tableau d'ensemble.
Que savons-nous des changements suivis par la qualification de la race et de racisme dans leurs différents contextes de production et d'utilisation : les discours publics, les représentations sociales, les politiques et les lois antidiscrimination, la recherche scientifique (sciences sociales, sciences de la nature) et les classifications statistiques ? Comment les organisations internationales ont recadré leurs approches de la race et du racisme ?
Notre projet multidisciplinaire associant la démographie, la science politique, les sciences juridiques, la sociologie et l'histoire est consacré à l'investigation de ces questions dans une perspective de comparaison internationale. Nous les déplierons en trois terrains d'études articulés qui s'attacheront à identifier les différentes séquences temporelles qui se sont succédées depuis 1945. Le premier terrain portera sur les révisions théoriques et conceptuelles des notions de race et les formes de racisme. Nous nous attacherons à cartographier et analyser les changements dans la conceptualisation de la race et du racisme par domaine d'utilisation (politique, juridique, scientifique et statistique) et à restituer les débats théoriques sur le contexte " post-racial " dans une perspective comparative internationale. Le deuxième terrain d'étude porte sur les arènes internationales et la diffusion de nonnes juridiques, politiques, statistiques et intellectuelles concernant la race. Le troisième module étudie l'influence des normes diffusées par les organismes internationaux sur les cadrages nationaux de la race et du racisme, en se centrant sur les classifications statistiques ethniques et raciales et les débats autour de leur production.
Coordination du projet
Patrick SIMON (Institut National d'Etudes Démographiques)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
FNSP CERI Fondation nationale des sciences politiques
INED Institut National d'Etudes Démographiques
Aide de l'ANR 226 891 euros
Début et durée du projet scientifique :
novembre 2015
- 42 Mois