Le « PLU patrimonial » : quels nouveaux outils réglementaires pour concilier pérennité du patrimoine bâti et développement urbain durable ? – PLUPATRIMONIAL
La planification urbaine (Plan local d'urbanisme) au service d'une action patrimoniale territorialisée
Analyse échantillonnée et qualitative d’un outil émergent du droit de l’urbanisme décentralisé (le PLU dit « patrimonial »), et positionnement de cet outil vis-à-vis des instruments dédiés à la protection des patrimoines principalement contrôlés par l’État. <br /><br />L’équipe a procédé à la radiographie de cet OJNI (objet juridique non identifié), apparu à partir des années 2000 dans plusieurs grandes villes, et questionné par l’évolution du droit du patrimoine imposé par la loi LCAP du 7 juillet 2016.
L’objectif du programme : évaluer la capacité du Plan local d’urbanisme (PLU) à identifier et protéger les patrimoines dans le cadre d’une politique patrimoniale décentralisée.
Mise en lumière par le ministère de la Culture dans le cadre de l’adoption de la loi LCAP, sur la base d’expériences de plusieurs collectivités, la notion de « PLU patrimonial » n’avait pour autant aucun statut théorique ni juridique. La recherche a dessiné les contours de cet outil, tel qu’il ressort des usages qui sont faits du PLU en matière d’identification, de protection, de mise en valeur des patrimoines : quels contenus, quelles capacités et limites en matière de patrimoines, quels rapports avec les outils dédiés à la protection patrimoniale (périmètres des monuments historiques, sites patrimoniaux remarquables - SPR, sites classés) ? A défaut d’avoir établi le portrait-robot de cet outil, nous avons établi une « photo de classe » permettant d’établir objectivement la valeur ajoutée du PLU patrimonial, mais aussi ses limites intrinsèques. <br /><br />L’équipe s’est ainsi intéressée aux stratégies patrimoniales des collectivités, en complémentarité ou en concurrence avec l’État ; elle a, ce faisant, observé si la mobilisation du PLU en faveur des patrimoines créait un nouveau de régime de patrimonialité ancré sur une typologie des patrimoines différente de celle retenue par l’État (au titre de ses législations historiques - 1913, 1930, 1962 - dédiées aux patrimoines nationaux). Notre recherche a été rattrapée par le renforcement des intercommunalités, alors que nous avions proposé un échantillonnage de communes urbaines ; cet échelon d’analyse a été conservé mais en tenant compte des premiers impacts des PLUi sur l’action patrimoniale. Les résultats obtenus montrent la présence récurrente d’un volet patrimonial dans les PLU mais selon des intensités très variables, car les outils disponibles restent largement à la discrétion des collectivités. Au nom de cette « libre administration », il paraît donc délicat d’imaginer une standardisation législative ou technique (grille de labellisation) du PLU patrimonial.
Afin de répondre aux problématiques soulevées par le projet, l’équipe de recherches a analysé la littérature scientifique consacrée aux rapports entre patrimoines et documents d’urbanisme. Elle a aussi procédé à l’examen d’un certain nombre de « terrains ». L’échantillon proposé à l’ANR était constitué des 20 plus grandes villes de France, auxquelles ont été ajoutées des communes plus petites afin d’ouvrir l’étude sur des territoires moins urbains confrontés à des enjeux patrimoniaux parfois très différents. Dans tous ces cas, nous avons évalué l’ambition patrimoniale de la collectivité à l’aide d’une grille d’analyse élaborée par l’équipe ; celle-ci comportait plus d’une soixantaine de critères et a permis de mesurer aussi finement que possible tant le discours porté par la collectivité en matière de patrimoines (typologie, méthodologie, rapport du patrimoine au projet urbain) que le niveau de protection accordé au patrimoine retenu. Sur une douzaine de villes, ce travail sur documents a été complété par des entretiens avec les acteurs (techniciens territoriaux, Architectes des Bâtiments de France, associations, etc.) ainsi que la consultation d’archives ou de la presse locale.
Par ailleurs, plusieurs membres de l’équipe ont été associés à des ateliers de travail organisés par les acteurs de l’urbanisme et du patrimoine (Club PLUi, Cerema, G8 Patrimoine, conseil scientifique de collectivité), permettant en quelque sorte un volet de recherche participative. Ce rapport avec la société civile a été maintenu tout au long du programme de recherches par l’organisation de COTECH (comités techniques : 5 en tout) organisés deux fois / an avec des professionnels de l’urbanisme et du patrimoine (Mission Val de Loire UNESCO, Petites Cités de Caractères, ABPM, Architectes du patrimoine...). Enfin un séminaire international a permis à l’équipe (et aux membres du COTECH intéressés) une analyse comparative du PLU patrimonial avec de nombreux pays étrangers.
1° - L’expansion du volet patrimonial au sein des PLU
Bien que n’ayant pas de statut législatif spécifique, le PLU patrimonial confirme son potentiel technique et politique ; les collectivités intègrent de plus en plus souvent les patrimoines dans le PLU, mais dans le cadre d’une grande liberté méthodologique, qui se lit tant dans la désignation des patrimoines que dans l’ajustement du niveau de protection réglementaire.
2° - La variété - et l’inégalité - territoriales des PLU en matière patrimoniale
D’un territoire à un autre, d’un temps donné à un autre, le PLU est un outil « caméléon » qui change de couleur patrimoniale, en particulier selon la taille de la commune et les moyens qu’elle mobilise (finances, ingénierie, partenariats). S’ajoute à cela le portage politique - ou non - par les élus. Il résulte de cette diversité de PLU des effets inégalitaires pour les habitants, dont les patrimoines locaux peuvent être protégés dans une commune et pas dans la voisine.
3° - Le positionnement du PLU patrimonial en complémentarité fréquente mais variée avec les outils dédiés de protection
Le PLU patrimonial fait désormais partie de l’offre juridique en matière de protection des patrimoines, mais selon des schémas différents selon les jeux d’acteurs :
- Le PLU zone tampon d’un SPR : le PLU permet de ceinturer le SPR d’une protection de seconde zone adaptée à des patrimoines moins remarquables mais typiques de la ville ;
- Le PLU anticipateur : dans l’attente d’un outil dédié comme le SPR, la collectivité prépare une 1ère phase d’action patrimoniale en dotant son PLU d’un volet sur les patrimoines ;
- Le PLU concurrent : en confiant la protection des patrimoines au seul PLU, la commune contient (ou refuse) l’État sur son territoire ;
- Le PLU « décodeur » des outils de protection dépourvus de règlement (site classé, périmètre MH) ; en les éclairant par des règles patrimoniales, le PLU peut aider à leur compréhension et à celle des autorisations délivrées par l’État.
Continuer la valorisation des résultats du programme en 2020
Nous diffusons les résultats du programme PLU patrimonial à une période marquée par de fortes attentes des acteurs quant à la connaissance fine de cet outil. Cela s’explique en particulier par le resserrement par le ministère de la Culture de la protection dédiée des patrimoines basée sur le nouvel outil SPR. Cette posture ministérielle crée des attentes fortes - et probablement disproportionnées - vis-à-vis du PLU patrimonial. Les publications et vidéo issues du programme permettent d’alimenter la réflexion stratégique et opérationnelle des collectivités dans le champ patrimonial. Cette valorisation à destination des acteurs s’avère d’autant plus importante que 2020 sera l’année du renouvellement des conseils municipaux (et communautaires des EPCI) ; on annonce un remplacement de la moitié des élus actuels. Il sera donc utile pour les élu(e)s entrants de se former globalement à l’urbanisme, compétence territoriale de base, et en particulier au levier que peut offrir la planification urbaine en matière de patrimoines.
Poursuivre les recherches sur les liens entre planification urbaine et patrimoines sous l’angle de l’intercommunalité et de l’urbanisme de projet
Néanmoins l’histoire du PLU patrimonial ne s’arrête pas là, et il serait pertinent d’en analyser le 2d épisode, principalement sous l’angle de 2 questions : d’une part quel sera le degré d’assimilation (ou de dissolution) des PLU patrimoniaux dans les nouveaux PLUi ? Comment des PLU patrimoniaux communaux vont-ils intégrer des PLUi ? D’autre part, dans quelle mesure le PLU patrimonial survivra-t-il au développement de « l’urbanisme de projet », dont l’un des marqueurs passe par l’allègement réglementaire, et ce alors que le PLU patrimonial se caractérise justement par une certaine précision normative ? La question se pose d’une manière aigüe dans les centres-villes et centres-bourgs frappés par une forte vacance des logements et des commerces.
L’équipe a publié plusieurs articles scientifiques dans des revues référencées ; elle a participé à des colloques nationaux ou internationaux, ainsi qu’à des ateliers professionnels (Club PLUi). En juin 2019, nous avons également organisé un colloque de clôture réunissant 170 participants, principalement acteurs de l’urbanisme et du patrimoine. A cette occasion, leur a été présentée la chaine vidéo « PLU patrimonial » (sur Canal U : www.canal-u.tv/producteurs/plu_patrimonial) : elle comporte de très nombreuses ressources vidéo, dont un film de synthèse en 32 minutes ; ce livrable vidéo est particulièrement adapté à une diffusion auprès des élus, par le biais des CAUE par exemple, ou des associations de protection du patrimoine. La chaine offre également une collection d’une vingtaine de capsules, destinées à approfondir certains points scientifiques. Enfin y sont visionnables toutes les communications du colloque de clôture, celles du séminaire international, 4 ballades urbaines et de nombreux entretiens d’acteurs.
L’équipe a également produit un livret intitulé « Éclairages pour l’action », imprimé à 2500 exemplaires (tout comme un “4 pages” de synthèse) et distribué aux acteurs du patrimoine et de l’urbanisme à travers toute la France ; les deux sont téléchargeables gratuitement sur la chaîne Canal-U et le site Internet du projet. Par ailleurs, un ouvrage sortira en 2020 chez L’Harmattan (collection « Droit du patrimoine culturel et naturel ») et permettra de valoriser une dizaine de monographies territoriales et d’analyses transversales. Enfin, un dernier livrable non prévu au départ est en construction : un serious game sur les liens juridiques entre urbanisme et patrimoine, en maturation jusqu’en 2020 dans le cadre d’un projet financé par Angers Technopole ; il pourra servir la médiation citoyenne, par exemple lors des procédures de concertation imposées lors de l’élaboration des PLU(i) ou des sites patrimoniaux remarquables.
Patrimonialisation des espaces urbains et promotion de la ville durable sont des processus à la fois convergents et contradictoires. La durabilité urbaine renvoie non seulement à des enjeux environnementaux cruciaux, mais également à l’inscription de la matérialité urbaine dans le temps, en intégrant pleinement les dimensions patrimoniale et mémorielle. Cependant, les objectifs et normes en matière énergétique, les enjeux de réduction des déplacements et de densification, peuvent, en contexte urbain notamment, entrer en contradiction avec la conservation et la transmission des héritages culturels et naturels.. Dans le même temps, les logiques de sobriété énergétique, avec la mise en exergue de la notion « d’énergie grise » contenue dans le bâti existant, et les formes d’attachement aux constructions rendues obsolètes par les mutations technologiques et économiques, ont tendance à converger.
Par ses interrogations croisées entre attachement aux patrimoines et exigences de durabilité, ce projet de recherche s’inscrit dans le défi 6, relatif aux systèmes urbains durables. Il s’agit d’interroger les capacités de notre société contemporaine à assurer la « pérennité globale du patrimoine bâti (comme) enjeu majeur du développement durable ». Cette recherche interroge, sous l’angle de l’évolution accélérée des réglementations, les manières dont notre société contemporaine tend à penser l’articulation entre les nouvelles exigences énergétiques et environnementales d’une part et le traitement des héritages urbains patrimonialisés d’autre part.
Alors que de nombreux travaux s’attachent à la représentation des patrimoines et à l’analyse des projets urbains, l’étude des règles de droit, de leurs modalités d’application et de leurs effets est souvent négligée. Notre projet a pour objectif de contribuer à une meilleure intelligence des effets d’un cadre juridique en pleine mutation et à la production de réglementations innovantes et appropriables par les acteurs de la fabrique urbaine, afin d’intégrer la patrimonialisation des espaces dans la construction de la ville durable.
Le programme PLUPATRIMONIAL a pour objectif premier et fondamental de faire l’analyse d’un instrument déjà opérationnel mais à peine étudié, le « PLU patrimonial », et d’en évaluer les résultats en matière de protection et gestion des patrimoines. Ce type d’analyse est d’autant plus urgent que le PLU pourrait se substituer à certains outils de protection existants et devenir central en matière de protection, comme le prévoient les discussions préparatoires à la future loi sur les patrimoines : le PLU peut-il devenir l’outil nécessaire et suffisant de protection et de gestion des espaces patrimonialisés ?
Nous avons décomposé ce questionnement en quatre grands enjeux, tout à la fois scientifiques et sociaux :
-reconstituer et interpréter la montée en puissance de la notion de PLU patrimonial
-caractériser ce que l’on peut qualifier aujourd’hui de « PLU patrimonial »
-évaluer le degré de différenciation entre villes des politiques patrimoniales à travers l’analyse des PLU
-tenter de répondre à la question de savoir si le « PLU patrimonial » est un outil de protection nécessaire et suffisant au regard de la demande sociale de patrimoine.
Pour ce faire, nous avons constitué un consortium de 4 équipes (deux en droit et deux en sciences sociales de l’urbain) et de 13 chercheurs qui ont déjà l’habitude, pour la plupart, de croiser leurs analyses des enjeux patrimoniaux contemporains. L’analyse portera pour l’essentiel sur une quinzaine de cas d’étude, à travers les PLU mis en place ou en cours de renouvellement, les procédures adoptées pour cela et les points de vue des différents acteurs impliqués dans ces procédures.
Un large partenariat avec des institutions patrimoniales et urbaines, assigne à cette recherche de forts enjeux de mise à disposition des principaux résultats aux professionnels, élus et associatifs concernés.
Coordination du projet
Arnaud de Lajartre (Centre Jean Bodin)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
équipe DCT Equipe Droit, contrat et territoire
CITERES UMR CITERES
CJB Centre Jean Bodin
EVS UMR CNRS 5600 environnement,ville, société
Aide de l'ANR 272 979 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2015
- 36 Mois
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