Caractérisation de la zone de transition entre le socle et la couverture des bassins sédimentaires profonds pour l'exploitation géothermiques en Alsace – CANTARE-Alsace
La zone de transition entre le socle et la couverture sédimentaire du Fossé Rhénan est-elle capable d’une production géothermique viable ?
Le développement de l’exploitation de la géothermie profond dans le Fossé Rhénan pour la production de chaleur industrielle ou d’électricité passe par une connaissance accrue du sous-sol qui permettra un choix mieux guidé par la diminution du risque de non-viabilité de la ressource et une maîtrise améliorée des techniques d’exploitation.
Améliorer la connaissance de la transition socle-couverture et de ces hétérogénéités
Cette zone de transition se situe en moyenne à des profondeurs où la température dans le Fossé Rhénan atteint des valeurs entre 120 et 200°C, exploitable pour la production de chaleur industrielle ou l’électricité. Récemment, plusieurs projets industriels ont pris pour cible cette zone de transition communément admise comme perméable. Cependant, la réalité est plus complexe et le potentiel géothermique de cette zone est fortement influencé par d’importantes hétérogénéités qu’elles soient lithologiques ou structurales. La caractérisation de cette zone de transition et de ces hétérogénéités est l’un des challenges important pour le développement de l’exploitation des ressources géothermiques dans les contextes de bassins d’effondrement, c’est-à-dire une grande partie du territoire métropolitain français.
La démarche utilisée dans ce projet consiste à caractériser la zone de transition entre le socle et la couverture sédimentaire par plusieurs approches : analyse structurale du réseau de fracture dans lequel circulent les fluides profonds, étude des interactions entre ces fluides et la roche encaissante afin de déterminer leur origine et leur âge, caractérisation des propriétés réservoir et investigation géophysique afin d’imager cette zone.
Ces quatre approches se font sur des objets communs, analogues en surface de ce qui existe en profondeur sous le Fossé Rhénan. Il s’agit de carrières dans le massif des Vosges en bordure du Fossé, mais également de site d’études présentant des forages plus ou moins profonds ayant recoupés cette même interface mais qui n’aura pas subi l’altération superficielle.
Le projet a apporté de réelles avancées dans la connaissance des processus de circulation dans la zone de transition socle/couverture largement affectée par une fracturation ancienne, hercynienne, reprise par la tectonique rhénane d’ouverture du fossé. L’altération de certains minéraux apportent une source de calcium qui précipite dans les fractures et les ferment à la circulation. D’un autre côté, la dissolution d’autres minéraux permet leur ouverture. Les mesures physiques des roches montrent une variation à travers la zone de transition. Les grès permo-triasiques sont peu poreux et la perméabilité est essentiellement concentrée dans les fractures. Tandis que le socle granitique est quasiment imperméable mais possède des propriétés mécaniques plus élevées, ce qui lui permet de se fracturer plus facilement sous la contrainte.
Le projet a permis d’apporter des connaissances directement utilisables par les industriels dans l’exploitation de la géothermie profonde du Fossé Rhénan. Certaines questions restent en suspens et d’autres ont été soulevées par le projet. Leurs réponses permettraient de limiter encore le risque de développement industriel de projet d’exploitation de la géothermie profonde dans des contextes de rift similaires tels que la Vallée du Rhône, la Limagne ou tout autre fossé en Europe.
Dans le cadre du projet, une belle production scientifique a pu avoir lieu avec plus de 60 communications dont 25 articles scientifiques à comité de lecture.
Depuis longtemps dédiées aux régions volcaniques actives, la production d’électricité géothermique se développe maintenant dans les zones non volcaniques telles que les bassins sédimentaires profonds (3000-5000 m) : en effet, différentes opérations ont été réalisées dans le Fossé Rhénan pour exploiter les ressources géothermiques afin de produire de l’électricité, de la chaleur industrielle et également de la cogénération (électricité+chaleur). La France et l’Europe peuvent compter sur de vastes ressources de ce type en domaine sédimentaire et de socle, très répandu sur tout le continent. Cependant, il n’est pas trivial et surtout coûteux de caractériser et de confirmer la ressource dans ce type de contexte. De plus, ces environnements profonds sont par ailleurs méconnus. Dans certaines régions, les anciennes explorations pétrolières apportent des éléments de connaissance, comme dans le Fossé Rhénan, mais les cibles visées étaient beaucoup moins profondes. Une meilleure connaissance de la géologie profonde est maintenant indispensable pour faire décroitre les risques liés à une exploitation géothermique rentable. De nouvelles données et de nouveau modèle conceptuel sont maintenant nécessaires pour développer de nouvelles méthodes d’exploration et comprendre l’évolution à long terme du réservoir des systèmes géothermiques profonds.
Afin d’aider à surmonter ce manque, le projet CANTARE-Alsace vise à caractériser la zone de transition entre le socle et la couverture sédimentaire des bassins profonds. L’objectif de ce projet n’est pas seulement de déterminer le potentiel géothermique de cette zone de transition et ainsi d’optimiser la cible d’une opération géothermique, mais aussi d’apporter de nouveaux modèles conceptuels qui serviront de base à l’exploration et le développement de futurs projets industriels.
Ce projet est basé sur quatre approches permettant une caractérisation globale de la zone de transition entre le socle et la couverture sédimentaire :
- Une analyse structurale permettant de caractériser le réseau de fracture du bassin et l’évolution des failles majeures en relation avec les différentes phases tectoniques. Ces données seront interpréter en termes d’histoire géologique en relation avec les paléo-circulations des fluides.
- Une étude des interactions eau-roche impliquant une étude minéralogique détaillée combinée à une étude géochimique et isotopique, de la microthermométrie des inclusions fluides et des datations afin d’identifier et de caractériser les différentes générations de fluides, ainsi que d’avancer dans la compréhension des paléo-circulations des fluides.
- Une investigation pétrophysique afin de carter l’évolution de la perméabilité, de la vitesse des ondes soniques et de la conductivité électrique au travers de la zone de transition par la réalisation d’expérimentation sur les échantillons en conditions in situ.
- Une étude géophysique permettant d’acquérir des données acoustiques et de résistivité avec lesquelles seront développé des modèles numériques et d’inversion pour mieux imager sous la couverture sédimentaire et en faisant un focus sur l’anisotropie.
Ce projet associera les compétences de deux organismes de recherche publics (BRGM et deux laboratoires de l’Université de Strasbourg, IPGS et LyGHeS) et une compagnie privée (ES-G) afin de permettre d’apporter de nouvelles connaissances pour le développement de la géothermie profonde en France Métropolitaine.
Coordination du projet
Chrystel DEZAYES (Bureau de Recherches Géologiques et Minères)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
ES-G Electricité de Strasbourg - Géothermie
BRGM Bureau de Recherches Géologiques et Minères
IPGS Institut de Physique du Globe de Strasbourg
CNRS-LHYGES CNRS DR ALSACE
Aide de l'ANR 806 268 euros
Début et durée du projet scientifique :
October 2015
- 48 Mois