Optique quantique électronique : effets à N corps à l'échelle de quelques particules – 1 shot reloaded
Dans la seconde moitié du 20ème siècle, des tests fondamentaux de la mécanique quantique liés à la statistique bosonique des photons ont pu être effectués en manipulant un à quelques photons dans les expériences de Hanbury-Brown et Twiss (HBT) ou Hong-Ou-Mandel, fondatrices de l'optique quantique. Depuis quelques années, de nombreux efforts ont été réalisés pour transposer les concepts de l’optique quantique à la propagation des électrons dans les nanoconducteurs. Le développement récent de sources permettant d’émettre à la demande un unique électron se propageant dans un conducteur balistique monomode jouant le rôle d’un guide d’onde pour électrons a naturellement conduit au développement des analogies entre électrons et photons.
Dans un précédent projet ANR, intitulé 1shot, nous avons réalisé quelques expériences pionnières de l'optique quantique électronique. En particulier, nous avons pu observer, avec des électrons uniques, des interférences à 2 électrons dans l’analogue électronique d’un dispositif HBT, démontrant ainsi notre capacité à produire à la demande des paires d’électrons indiscernables. Nous avons d'autre part introduit le formalisme de l'optique quantique électronique en adaptant les outils de l’optique quantique photonique à la description de la propagation des électrons.
Ce corpus expérimental et théorique a établi la possibilité de manipuler de façon cohérente des courants électriques à l’échelle de la particule unique ainsi que l’intérêt de la description à une particule empruntée à l’optique pour interpréter ces expériences. Toutefois, l’optique quantique électronique va au-delà de la simple reproduction des expériences de l'optique photonique. En effet les électrons diffèrent des photons, tout d’abord en raison de leur statistique fermionique, qui implique par exemple la présence d’une mer de Fermi dans un métal. Par ailleurs, les électrons sont des particules chargées, ils interagissent donc fortement entre eux et avec leur environnement. Une leçon cruciale résultant de notre travail est que l’interaction de Coulomb ne peut être ignorée, en particulier lorsque la cohérence des états électroniques joue un rôle central. La description à un corps sans interactions doit alors être remplacée par une description à N corps.
L’objectif de ce projet est d’explorer spécifiquement l’émergence de la physique à N corps en utilisant les concepts et les dispositifs de l’optique quantique électronique que nous avons développés. Ces outils sont particulièrement adéquats pour aborder la physique des interactions, et ce, avec un niveau de contrôle unique. En effet, l’émission d’un électron unique initialise un état simple et bien contrôlé parfaitement adapté pour étudier d’une part les scénarii de naissance et de mort de la quasiparticule de Landau et observer d’autre part l’émergence de la physique à N corps. Les interactions doivent également être prises en compte si l'on souhaite manipuler de l'information quantique en utilisant des superpositions cohérentes à quelques particules comme les paires d’électrons intriqués. Nous étudierons la génération de tels états ainsi que la manière dont leur cohérence est affectée par les interactions au cours de leur propagation. Nous étudierons également comment des corrélations à N corps peuvent être induites par les interactions elles-mêmes. Enfin, nous essaierons d’appliquer les concepts de l’optique quantique électronique dans un régime ou l’état fondamental est lui-même un état présentant de fortes corrélations. Dans une telle situation, les excitations élémentaires ne sont plus des électrons mais elles portent une charge fractionnaire et obéissent à une statistique fractionnaire. Ce régime est resté largement inexploré jusqu'ici, aucune manipulation à l'échelle de la quasiparticule unique n'a été réalisée et les déterminations des caractéristiques essentielles des quasiparticules sont toujours incertaines, celles de leur statistique en particulier.
Coordination du projet
Jean-marc Berroir (Laboratoire Pierre Aigrain)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
ENS Laboratoire Pierre Aigrain
CNRSDR12 _ CPT Centre National de la Recherche Scientifique Délégation Provence et Corse _ Centre de physique Théorique
ENS Lyon Laboratoire de Physique
Aide de l'ANR 466 718 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2014
- 48 Mois