DS0203 - Transformations et inter-conversions énergétiques

construction d'une souche d'E. coli à cellulosomes pour la conversion de la cellulose en butanol – cellutanol

Vers une production de butanol cellulosique par la bactérie Escherichia coli.

Le projet cellutanol visait à la construction d’une souche prototype d’E. coli capable de convertir la cellulose, biopolymère le plus abondant sur terre en butanol, permettant ainsi d’abaisser le coût de production de cet alcool primaire, qui constitue un biocarburant plus performant que l’éthanol.

Objectif final du projet Cellutanol : la construction d’une souche prototype d’E. coli capable de convertir la cellulose en butanol.

Le coût actuel de production du butanol par voie pétrochimique est trop élevé pour permettre son utilisation en tant que biocarburant. Dans ce contexte le projet cellutanol a été proposé afin de produire cet alcool par voie biologique et réduire ainsi son coût de production. L’organisme choisi, Escherichia coli, est une bactérie non pathogène, facile à manipuler et à modifier. Cependant, ce microorganisme n’est à l’état sauvage pas capable de croître sur cellulose ni de produire du butanol. Le projet visait donc à implanter par génie génétique dans cette bactérie tous les gènes nécessaires pour la réalisation de ce double objectif. Il s’agit de gènes codant : 1) des cellulases libres ou des complexes cellulolytiques (cellulosomes) nécessaires à la dépolymérisation de la cellulose et qui devront être sécrétés par la bactérie afin d’atteindre leur substrat, 2) des enzymes permettant l’assimilation du principal produit de dégradation de la cellulose (le cellobiose), 3) les enzymes de la voie de conversion de l’acétyl-CoA en butanol de C. acetobutylicum et 4) de l’élimination des autres voies métaboliques conduisant à la production de produits non désirés comme le lactate.

La bactérie Escherichia coli n’est ni cellulolytique ni solvantogène. L’implantation de ces deux phénotypes requiert donc une ingénierie de grande ampleur. En effet un nombre de gènes important a dû être introduit chez la bactérie au moyen de vecteurs plasmidiques, ou directement par intégration dans son chromosome. Par ailleurs un certain nombre de gènes chromosomiques ont dû être inactivés, afin d’éviter la consommation de carbone pour la production de produits parasites autres que le butanol (succinate..). La vitesse de croissance de cette souche étant couplée aux vitesses de consommation de glucose et de production de butanol, une stratégie d’évolution dirigée in vivo a été réalisée et a conduit à la sélection de clones évolués produisant du butanol à une concentration plus élevée. Le reséquençage complet du génome de ces mutants a conduit à l’identification des cibles génétiques responsables du phénotype amélioré. Par ailleurs, afin d’augmenter les capacités de la bactérie à sécréter des protéines hétérologues (cellulases) il a également été tenté d’améliorer par génie génétique sa machinerie de sécrétion et de modifier entre autres les constituants de sa membrane externe.

Si l’objectif ultime du projet Cellutanol, la création d’une bactérie convertissant la cellulose en butanol, n’a pu être atteint, le CNRS a construit une souche métabolisant rapidement le cellobiose et croissant sur cellulose amorphe. L’INSA a implanté une voie optimisée de production du butanol et la sélection de clones évolués plus performants. Enfin, une souche d’E. coli dont l’enveloppe peut être fonctionnalisée à façon a été développée par le partenaire CNRS, et fait l’objet d’un contrat avec la société Diamidex. L’INSA va débuter une collaboration avec l’Université Rice (Houston, USA).
Les résultats obtenus par les deux partenaires ont permis de révéler des goulets d’étranglement inattendus, comme l’interconnexion de certaines voies métaboliques ou la difficulté à faire sécréter des cellulases par Escherichia coli. Les résultats ont aussi permis de préciser le rôle de diverses enzymes métaboliques, celui de LamB dans l’import du cellobiose, ou l’exposition massive en surface d’une protéine d’assemblage de cellulosomes, autorisant la fonctionnalisation de l’enveloppe de la bactérie avec des applications potentielles dans divers secteurs.

Le développement d’une nouvelle souche d’E. coli pour le screening et l’évolution dirigée in vivo de Ferrédoxine NAD(P)+ Réductases constitue un outil performant pour mieux comprendre les relations séquence-structure-fonction de ces enzymes, mais également peut permettre un screening plus large de librairie de gènes codant des ferrédoxines NAD(P)+ réductases, ou des ferrédoxines (partenaires de ces enzymes). Ces approches seront développées en collaboration avec l’Université Rice aux USA.

Les résultats obtenus lors du projet Cellutanol ont fait l’objet de 6 publications (3 dans Biotehnology for biofuels, 1 dans Scientific report, 1 dans FEBS letters, 1 dans FEBS Journal), dont une publication multi-partenaires (dans Biotechnology for biofuels). La soumission de 4 nouvelles publications d’ici fin 2019 est également prévue.
D’autre part, l’INSA a déposé un brevet européen en 2015 (EP15306225), tandis que le CNRS a déposé une demande de brevet européen en novembre 2018.

Le projet Cellutanol a pour objectif final de construire, en quatre ans, un colibacille capable de convertir directement la cellulose cristalline en butanol à un rendement élevé, et exploitable pour la production de biocarburant de 3ème génération, le butanol possédant un meilleur indice d’octane que l’éthanol. Il repose sur les expertises complémentaires de deux groupes académiques en matières de cellulolyse (Partenaire 1, CNRS, Marseille) et de biologie synthétique couplée à l’ingénierie métabolique (Partenaire 2, INSA, Toulouse). L’originalité de ce projet réside dans le choix de l’hôte qui n’est ni cellulolytique ni producteur de butanol. En effet la plupart des projets concurrents visent à exploiter un producteur naturel de butanol comme Clostridium acetobutylicum pour fermenter des hydrolysats de biomasse végétale obtenus grâce à un cocktail commercial d’enzymes de Trichoderma reesei. Bien que des progrès aient été accomplis au cours de la dernière décade (diminution de la synthèse de coproduits, amélioration des cocktails commerciaux), ces procédés restent loin d’être économiquement viables. Le Partenaire 2 a récemment construit et breveté une souche d’E. coli, exprimant une voie métabolique hétérologue nouvelle permettant de produire en culture discontinue 9,5 g/L butanol et 0,9 g/L d’éthanol à partir de glucose à un rendement de 0,3 g de butanol/g de glucose, soit 73 % du rendement théorique maximal. Pour réduire drastiquement les coûts, le projet propose i) d’améliorer le rendement, le titre et la productivité de cette souche et ii) d’y introduire un système cellulolytique efficace pour une conversion directe de la cellulose en butanol dans un procédé de type Consolidated BioProcessing. L’introduction simultanée des deux phénotypes (cellulolyse et production de butanol) chez cette bactérie n’a jamais été réalisée et requiert un travail d’ingénierie à grande échelle. Cependant E. coli est la mieux caractérisée des bactéries, croît rapidement, et peut être facilement modifiée grâce aux nombreux outils génétiques disponibles. De plus, à notre connaissance la construction d’une souche cellulolytique d’E. coli surproductrice de butanol n’a pas fait l’objet de brevets.
Le projet implique i) la production d’un système cellulolytique optimisé axé sur les cellulosomes artificiels mis au point par le Partenaire 1 dans la souche modifiée déjà construite par le Partenaire 2, ii) l’augmentation du rendement de conversion glucose/butanol par l’inactivation d’autres voies compétitrices (en plus de celles déjà supprimées) récemment découvertes, et iii) l’amélioration de la tolérance au butanol afin de pouvoir produire du butanol en continu à un titre final supérieur à 10 g/l. Chez la nouvelle souche homo-butanologene d’E. coli croissance et consommation de glucose sont couplées à la production de butanol ce qui permettra de développer une stratégie d’évolution in vivo pour améliorer ses performances en termes de titre final, tolérance au butanol et productivité. Lorsque le phénotype amélioré aura été obtenu, un ou plusieurs clones évolués seront isolés, caractérisés et leur génome sera séquencé. Cette stratégie permettra d’identifier et caractériser les cibles génétiques de l’évolution, et la contribution de chaque mutation dans le phénotype amélioré sera évaluée et brevetée. Enfin, pour atteindre une production extracellulaire des cellulosomes suffisante pour générer un phénotype cellulolytique, cinq stratégies différentes pour la sécrétion/exposition pouvant éventuellement être combinées sont envisagées.

La phase finale prévoit la combinaison des deux phénotypes par intégration de tous les gènes hétérologues nécessaires à la cellulolyse dans le chromosome de la souche surproductrice de butanol. Le résultat final escompté sera une souche prototype d’E. coli sécrétant un système cellulolytique performant, et ayant une productivité et une tolérance au butanol élevées mais ne synthétisant pratiquement aucun autre produit.

Coordination du projet

Henri Pierre Fierobe (Centre National de la Recherche Scientifique délégation Provence et Corse _ Laboratoire de Chimie Bactérienne)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LISBP Laboratoire d'Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés
CNRS DR12_LCB Centre National de la Recherche Scientifique délégation Provence et Corse _ Laboratoire de Chimie Bactérienne

Aide de l'ANR 456 654 euros
Début et durée du projet scientifique : novembre 2014 - 48 Mois

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