La formation des galaxies vue à haute résolution avec VLT/MUSE – FOGHAR
Une histoire des galaxies au cours des dix derniers milliards d’années
Le projet FOGHAR a consisté à exploiter les données du temps garanti du spectrographe à intégrale de champ MUSE opérationnel sur le Very Large Telescope depuis l’été 2014, pour affiner notre compréhension des processus de formation et d’évolution des galaxies, en bénéficiant de la sensibilité, de la résolution spatiale et de la résolution angulaire de cet instrument innovant.
Retracer la formation et l’évolution des galaxies en relation avec leur environnement
L’enjeu est de comprendre comment la matière baryonique s’assemble au cours du temps pour former les galaxies, à quel rythme les étoiles s’y forment, et comment les galaxies échangent du gaz avec leur environnement. Dans cette perspective, trois questions ont fait l’objet d’intenses investigations : i) l’étude des émetteurs de la raie Lyman alpha à 121.6 nm, décalée dans le visible ou l’infra-rouge proche, qui sont des galaxies dans leurs premiers âges (1-2 milliards d’années) ; ii) la dynamique des galaxies dites de redshifts intermédiaires, observées sur une période de 5-10 milliards d’années, au moment où se forme le type morphologique, et où ont lieu l’essentiel de la formation d’étoiles et de l’enrichissement en éléments lourds ; et enfin iii) les échanges de gaz des galaxies avec leur environnement en observant les absorbants dans ligne de visée des quasars. Il s’agit d’écrire une histoire cohérente de la formation des galaxies, en la comparant avec les efforts théoriques de modélisation et de simulation numériques, et notamment d’établir si les galaxies au redshift z>6 sont bien responsables de la réionisation du milieu intergalactique, et de comprendre ce qui déclenche le pic de formation stellaire à z=1.5.
Les grands relevés de galaxies destinés à fournir des réponses à ces questions souffrent de divers problèmes : il faut en effet sélectionner les galaxies sur des images obtenues au préalable avant d’effectuer des observations spectroscopiques qui fournissent d’importantes informations comme leur distance, leur dynamique, ou leur composition chimique. Le spectroscope à intégrale de champ MUSE, construit par un consortium européen conduit par la France, a été installé en 2014 au Very Large Telescope de l’Observatoire européen astral (ESO) pour effectuer des observations spectroscopiques sans présélection préalable. MUSE bénéficie d’un grand champ de vue, d’une excellente résolution spectrale et spatiale (aidée par l’optique adaptative depuis 2017) et d’une sensibilité sans précédent. Le projet FOGHAR a mené à bien des relevés profonds aux performances inégalées pendant des dizaines de nuits d’observation.
Les équipes du projet FOGHAR ont pu découvrir une grande population d’émetteurs Lyman alpha restés invisibles jusqu’alors, et pouvant produire assez d’UV pour expliquer la réionisation. Le projet a permis d’autres premières : le meilleur modèle de masse d’amas, la mesure du gradient de métallicité et de la dynamique du gaz ionisé et des étoiles dans un échantillon significatif de galaxies de redshifts intermédiaires, la façon dont la matière s’est assemblée dans les galaxies et comment celles-ci ont fusionné, et quelle quantité de gaz elles ont échangée avec leur environnement. Ces travaux pionniers vont se poursuivre dans les années à venir.
Les résultats de FOGHAR serviront à lancer des campagnes de suivi des champs profonds et des sources intéressantes avec d'autres instruments de pointe (VLT/KMOS pour l'IR proche, ALMA pour le submillimétrique), et à préparer les observations de certains champs profonds avec JWST/NIRSpec. Les campagnes d'observations de champs profonds se poursuivront jusqu'en 2021
L’équipe du projet FOGHAR a produit 32 articles scientifiques dans des revues à comité de lecture, et une quarantaine de communications internationales. Les résultats ont donné lieu à 7 communiqués de presse. Un film de 35 min « MUSE the Cosmic Time Machine » a été réalisé, et de nombreuses conférences ont été proposées au grand public.
Le projet FOGHAR (ANR-13-BS05-0010) est un projet de recherche fondamentale coordonné par le Centre de Recherche Astrophysique de Lyon (UMR 5574). Il associe l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie de Toulouse (UMR 5277). Le projet a commencé le 1er janvier 2014 et a duré 60 mois. Il a bénéficié d’une aide ANR de 591 760 € pour un coût total global de l’ordre de 3.7 M€.
A l'ère de la cosmologie de précision, nous avons encore besoin de comprendre comment le gaz intergalactique coule dans ls halos de galaxies, comment il se transforme en étoiles, et comment les étoiles éjectent gaz, métaux et énergie dans le milieu interstellaire et/ou intergalactique (IGM). De façon idéale, ces processus doivent être suivis depuis les premières galaxies et la phase de réionisation entre les redshifts 15 et 7, puis au moment de l'assemblage des blocs constitutifs, quand l'univers avait typiquement 1-2 Gans, jusqu'à la formation de la séquence de Hubble des types morphologiques vue dans l'univers local.
MUSE, un instrument de 2nde génération pour le VLT, sondera l'univers profond comme jamais auparavant. Grâce à sa sensibilité et ses capacités multiplex, ce spectrographe géant 3D révolutionnaire permettra de contraindre les scénarios de formation des galaxies avec une précision sans précédent. MUSE commencera ses opérations en 2013, assisté par une optique adaptative à partir de mi-2015. MUSE obtiendra 90 000 spectres par pose, à une résolution moyenne R=3000 dans tout le domaine spectral visible 4800-9300 Å, dans un champ de 1 arcmin2, avec une excellente transparence et stabilité globale qui facilitera les longues intégrations.
Parce qu'aucun instrument semblable n'existe actuellement avec de telles capacités multiplex et une telle sensibilité à ce niveau de résolution spatiale et spectrale, nous espérons faire des progrès majeurs dans la connaissance des processus de formation des galaxies le long des axes suivants : la caractérisation de la fin de la réionisation (6<z<6.7), le recensement des objets formant des étoiles et de l'assemblage de la masse des galaxies à 2.8<z<6 à travers l'étude des émetteurs Lya et des galaxies à discontinuité de Lyman, la détection éventuelle d'un milieu intergalactique et de flots de gaz à z=3 (et peut-être au-delà) à travers la radiation de refroidissement et/ou de fluorescence, la formation de la séquence de Hubble à travers la dynamique du gaz et des métaux à z<1.5, et l'étude des processus de rétroaction à travers l'observation des raies d'absorption dans le milieu situé sur la ligne de visée de QSOs brillants.<br />
Le consortium européen MUSE a obtenu 255 nuits de temps garanti (GTO), à conduire au rythme de 20 nuis d'observation par semestre, sur une période typique de 6 ans. La plupart du GTO sera dédiée à une stratégie "emboîtée" de relevés étendus, moyennement profonds, et profonds. Cette proposition est soumise par le Science Team français du consortium MUSE, pour exploiter ces relevés extragalactiques et placer de nouvelles contraintes sur des questions fondamentales liées à la formation des galaxies. Le GTO MUSE sera exploité conjointement par les instituts du consortium, ce qui conduira à un processus de collaboration/compétition. Etant donné l'investissement fait par la France pour MUSE, cette proposition est d'une importance majeure pour maintenir un leadership des équipes françaises, et garantir un retour scientifique proportionné.
Le programme scientifique de ce projet ANR est organisé en plusieurs lots de tâches (WP). WP0 est le WP de supervision. WP1 est le lot initial, qui traite de la gestion des données, depuis l'acquisition jusqu'aux catalogues exploitables. WP2, 3, et 4 traitent respectivement des galaxies à grand redshift, des galaxies de redshift intermédiaire, et de l'IGM. WP5 développera des outils théoriques et conduira la synthèse finale. WP6 accompagnera le projet du début à la fin, surtout avec un film, des expositions et des conférences pour le grand public et les lycéens. Ce projet est programmé pour la période 2014-2017. Les ressources requises sont deux positions post-doctorales de 3 ans, essentielles pour le succès des WP2, 3 et 4, des équipements informatiques, des frais de mission, et des prestations externes. Le coût associé s'élève à 591 760 € (560 000 € plus 4% de frais de gestion).
Coordination du projet
Bruno GUIDERDONI (Centre de Recherche Astrophysique de Lyon)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
CRAL Centre de Recherche Astrophysique de Lyon
IRAP Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie
Aide de l'ANR 591 760 euros
Début et durée du projet scientifique :
décembre 2013
- 48 Mois