MOde LOcking et Solitons dans les SEmiconducteurs – MOLOSSE
Des ondes solitaires qui se forment quand la lumière ne s'ajuste pas à la boîte
Les ondes solitaires sont un sujet d'étonnement et de recherche depuis la première observation (en 1834) d'une curieuse vague se détachant de la proue d'un bateau pour se propager sans déformation pendant plusieurs kilomètres dans un canal. L'argument central de ce projet est l'analyse d'ondes solitaires dans un système optique dissipatif.
Une nouvelle approche pour la formation de solitons optiques dans des lasers à semiconducteurs
Les sources laser à semiconducteur sont souvent utilisées dans des régimes impulsionnels dans lesquels elles émettent des trains d'impulsions et ces régimes sont d'intérêt technologique mais aussi fondamental. Dans certaines conditions chacune des ces impulsions lumineuses peut être décrite comme une «onde solitaire« ou «soliton«, un surprenant paquet d'ondes qui ne se déforme pas, ni ne se disperse ou s'attenue pendant la propagation. L'approche habituelle pour la génération des ces paquets d'ondes dans des lasers est d'empêcher l'émission continue de lumière en utilisant un composant qui absorbe la lumière sauf si celle-ci est suffisemment intense pour le rendre temporairement transparent. De cette façon une impulsion intense concentrant suffisemment d'énergie pourra émerger du laser alors qu'une onde continue dans laquelle l'énergie est distribuée dans tout l'espace ne pourra pas. Dans ce projet nous nous sommes lancés dans une approche alternative pour la nucléation d'ondes solitaires optiques, nous appuyant sur un phénomène dynamique radicalement différent.
La lumière laser est caractérisée par une fréquence et une phase bien définies. Cett phase, choisie aléatoirement par le système laser lorsqu'il est démarré, est idéalement constante dans le temps. En réalité cette phase dérive aléatoirement sous l'effet de bruit d'origine technologique et/ou fondamentale et les «meilleurs« lasers sont souvent ceux dont la phase dérive le moins. Afin de contourner ce processus de diffusion de la phase une approche commune consiste à piloter un laser imparfait avec un faisceau laser très pur provenant d'un autre laser aux performances supérieures. En pratique cela revient à utiliser un métronome optique pour forcer un laser de faible qualité à tenir le rythme. Dans ce projet nous avons utilisé un faisceau laser externe pour forcer un laser à émettre sur une fréquence optique très éloignée de la fréquence naturelle de ce laser. Ceci revient à contraindre la lumière laser à s'adapter à un substrat périodique dans le temps et l'espace mais dont la période n'est pas commensurée avec celle de l'onde laser. Comme en physique de l'état solide, le système se libère tôt ou tard de cette contrainte en formant des dislocations. Dans ce cas, la phase du laser est uniformément accrochée à celle du forçage sauf là où se trouve la dislocation et cette dislocation est constituée par un glissement relatif de la phase, spatialement localisé.
Nous avons préparé un laser dont les caractéristiques physiques permettent l'obersvation en temprs réel de la dynamique de la lumière et dont l'extension spatiale soit suffisante pour observer la localisation de la lumière. Nous avons forcé ce laser avec un faisceau cohérent et nous avons étudié les instabilités au bord du domaine d'accrochage de la phase. Ces mesures ont donné lieu à l'observation d'une extraordinaire zoologie de régimes dynamiques incluant des instabilités modulationnelles et en onde plane, la coexistence de régions spatiales chaotiques et accrochées, la propagation des fronts connectant ces régions ainsi que des structures localisées. Parmi ces observations nous avons dédié une attention particulière à l'émergence d'ondes hautement localisées possédant toutes les caractéristiques des ondes solitaires. Dans ce régime nous avons mesuré la phase relative du faisceau laser par rapport à celle du forçage externe et nous avons montré que ces ondes solitaires consistent fondamentalement en des rotations de phase et possèdent donc une charge chirale.
La chiralité peut en principe être positive ou négative suivant le sens de rotation. Ici, l'observation d'une unique charge chirale doit encore être comprise et s'il semble qu'elle soit reliée à la non-instantanéité du milieu semiconducteur ce lien doit encore être totalement éclairci. Par ailleurs, la dynamique considérée étant fondamentalement basée sur la phase du champ électromagnétique, ces résultats pourraient ouvrir de nouvelles perspectives pour le traitement de l'information dans les cadre des communications optiques cohérentes.
Ces résultats ont été décrits pendant plusieurs conférences et workshop internationaux. Le projet a produit un total de huit articles dans des revues internationales avec comité de lecture, dédiés à l'analyse des ondes solitaires et des états localisés dans des systèmes spatialement étendus ou à rétroaction retardée. Trois d'entre eux sont spécifiquement consacrés à ces ondes solitaires particulières et d'autres résultats satellites du projet en particulier sur les phénomènes extrêmes, leur analyse statistique et leur anticipation. Sur ce sujet, le projet à initié une série de workshop sur les phénomènes d'ondes anormales (http://w-awe.org), dédiés à explorer l'interface entre la physique optique et hydrodynamique dans le contexte des phénomènes extrêmes.
L'étude des lasers à semiconducteur fonctionnant en régime de blocage de mode ("mode locking") s'est considérablement développée durant les dernières années, tant dans des systèmes à cavité étendue que dans des systèmes monolithiques. Le plus souvent, ces systèmes (qui admettent une symétrie de phase) sont basés sur la présence d'un élément absorbant saturable et les impulsions résultant du blocage de mode sont alors souvent décrites en termes de solitons dissipatifs.
Parallèlement, l'étude des structures spatiales localisées en optique aussi appelées "solitons de cavité" a atteint une certaine maturité, passant très rapidement de systèmes modèles (vapeurs de sodium, valves à cristaux liquides) vers des systèmes rapides et de dimensions microscopiques comme les microcavités à semiconducteur avec injection optique.
Aujourd'hui, il est ainsi possible de nucléer ces "solitons transverses dissipatifs" optiques comme des pixels indépendants les uns des autres dans des temps caractéristiques de l'ordre de la nanoseconde ou de les déplacer dans l'espace à des vitesses de l'ordre du micromètre par nanoseconde. Pourtant, en dépit des progrès accomplis, ces structures ne restent pour l'instant que localisées le long des dimensions transverses à la propagation du champ électrique et sont le plus souvent décrites dans la limite de champ uniforme le long de la dimension de propagation. Il s'agit donc de structures localisées essentiellement vis à vis du phénomène de diffraction.
De façon remarquablement complémentaire, des solitons de cavité temporels ont récemment été observés dans une cavité constituée d'un anneau de fibre optique nonlinéaire soumis à l'application d'un faisceau cohérent. Comme dans le cas transverse, les structures observées sont des impulsions bistables et indépendantes les unes des autres, contrôlables individuellement. Chaque impulsion se propageant dans une cavité en anneau, elle se répète bien sur avec une période correspondant au temps qui lui est nécessaire pour parcourir la cavité. L'analogie avec le fonctionnement d'un laser dans un régime de blocage de modes est évidente, mais il faut souligner que, contrairement à un laser à mode bloqué passif, ce système n'admet pas de symétrie de phase. Ces solitons de cavité temporels sont donc détectés sous forme de trains d'impulsions toutes identiques les unes aux autres, sur un fond d'intensité constant, séparées d'intervalles de temps arbitraires, chaque train d'impulsions se répetant avec la périodicité définie par la cavité optique. Dans le cas temporel, les solitons de cavité sont donc localisés vis-à-vis du phénomène de dispersion.
Dans ce projet, nous souhaitons montrer l'existence de solitons de cavité temporels dans une cavité à semiconducteur annulaire et les relier au phénomène de blocage de modes dans les lasers. Ainsi, nous mettrons à profit les avancées réalisées dans les systèmes à fibre et nous les déploierons dans des systèmes à semiconducteurs, qui ont déjà montré leurs potentialités dans le domaine transverse et dont la robustesse est un atout évident pour d'éventuelles applications. L'un des avantages des systèmes envisagés dans ce cadre est celui d'utiliser (comme celà a été fait avec succès pour les études transverses) la faculté qu'ont les matériaux semiconducteurs d'amplifier par émission stimulée la radiation qui s'y propage, ce qui diminue très fortement les puissances optiques requises. Le point de vue adopté, résolument transversal, nous permettra d'étudier les phénomènes observés tant d'un point de vue fondamental qu'applicatif. Ainsi, nous analyserons la formation de solitons de cavité temporels en tant que structures localisées (qui sont des unités d'information) mais nous porterons aussi une attention particuliere aux aspects statistiques des régimes observés, mettant l'accent sur l'apparition et le contrôle d'évènements extrêmes.
Coordination du projet
Stéphane Barland (Institut Non Linéaire de Nice Sophia Antipolis)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
INLN Institut Non Linéaire de Nice Sophia Antipolis
Aide de l'ANR 250 512 euros
Début et durée du projet scientifique :
September 2012
- 42 Mois