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Evolution de l'autofécondation chez les hermaphrodites : le cas des animaux – ESHAP

Seul ou à deux : un choix de reproduction aux multiples enjeux chez les animaux hermaphroditesdites

Les organismes hermaphrodites ont, contrairement à ceux à sexes séparés, la possibilité d’utiliser leur propre sperme pour féconder leurs œufs (autofécondation). Cette stratégie de reproduction et ses enjeux évolutifs sont relativement bien connus chez les plantes, nous proposons d’étendre cette connaissance aux animaux.

De la fécondation croisée à l’autofécondation : une transition évolutive simple ?

Si les plantes sont les organismes hermaphrodites les plus connus, beaucoup d’animaux sont aussi hermaphrodites. L’hermaphrodisme autorise un individu à se reproduire de deux façons : seul (autofécondation), ou par la fécondation croisée (allofécondation). La stratégie choisie a de multiples conséquences : l’individu transmet mieux ses gènes par l’autofécondation mais ses descendants survivent moins bien. A l’échelle populationnelle, l’autofécondation permet à court terme d’augmenter la variabilité mais à long terme cette variabilité peut s’épuiser rapidement. Les escargots d’eau douce sont notre modèle pour étudier l’évolution de l’autofécondation chez les animaux. Nous étudions la distribution de l’autofécondation dans ce groupe, et testons plusieurs prédictions théoriques (i) que l’évolution favorise des stratégies extrêmes, très allofécondantes ou très autofécondantes, avec des transitions occasionnelles de la première à la seconde (ii) que l’autofécondation est un point de non-retour évolutif et (iii) qu’elle est favorisée dans des conditions où les individus trouvent difficilement un partenaire, car elle permet à un individu d’assurer sa reproduction de manière autonome.

Trois défis méthodologiques se posent dans notre étude. Le premier est d’explorer la diversité des taux d’autofécondation dans un groupe peu étudié pour l’instant. Les techniques de biologie moléculaire permettent de mesurer l’autofécondation à partir d’échantillons de populations naturelles, mais nécessitaient jusqu’ici un investissement préalable lourd pour chaque nouvelle espèce étudiée. Grâce aux nouvelles techniques de séquençage (technologie dd-RADseq) nous avons mis au point une méthode permettant d’étudier de nouvelles espèces sans mise au point préalable.
Un deuxième défi pour étudier l’autofécondation est que les plantes, modèles d’études traditionnels, ont des temps de génération trop longs pour observer l’évolution directement. Grâce à un modèle animal à temps de génération court (2 mois) nous avons testé les modèles théoriques par des protocoles d’évolution expérimentale sur des dizaines de générations.
Enfin, nous avons pu comparer les performances démographiques associées aux deux modes de reproduction grâce à un suivi de terrain au long-terme de deux espèces proches, l’une autofécondante l’autre allofécondante.

Nous observons en laboratoire le début d’une transition évolutive vers l’autofécondation: en vingt générations un comportement facilitant l’autofécondation évolue quand les partenaires sexuels sont rares. En outre l’autofécondation devient moins coûteuse grâce à l’élimination de mutations présentes au départ. Ces résultats soutiennent un scénario postulé mais jamais directement observé.
Par ailleurs, les populations autofécondantes sont capables de répondre à la sélection rapidement mais cette réponse s’arrête vite, ce qui confirme l’hypothèse théorique d’une effet négatif de l’autofécondation sur le potentiel évolutif à long terme.

Le projet apporte des connaissances fondamentales sur l’évolution de l’hermaphrodisme, des systèmes de reproduction, et de l’allocation au sexe. Collatéralement, il améliore nos connaissances sur des espèces à enjeu appliqué : Lymnaea stagnalis (sentinelle écotoxicologique en eau douce), Biomphalaria glabrata et Lymnaea columella (vecteurs de parasitoses humaines et du bétail).

Huit articles scientifiques ont été publiés sur ce projet, tous en anglais dans des revues internationales renommées. La production de plus fort impact est certainement un article de Current Biology, où, pour la première fois, nous validons directement l’hypothèse du « cul-de-sac » évolutif (l’autofécondation réduit la capacité d’une population à s’adapter). Nous avons aussi communiqué nos travaux par des conférences pour le grand public ou les lycéens, et une intervention télévisée.

Ce projet vise à étudier l'évolution de l'autofécondation chez les hermaphrodites animaux et ses conséquences évolutives. Une limite importante à la théorie existante sur l'évolution des systèmes de reproduction est d'avoir été testée quasi-exclusivement sur les plantes à fleurs. Ceci pose un problème de généralité (à quel point les conclusions obtenues sont-elles valides uniquement dans ce groupe ?) et de faisabilité (la plupart des plantes ne sont pas propices à des expérimentations durant de nombreuses générations, y compris de l'évolution expérimentale). Pour ces raisons il nous semble urgent de développer des modèles animaux. Nous nous concentrerons sur un groupe d'escargots d'eau douce (les basommatophores) présentant des systèmes de reproduction très divers et toutes les qulaités requises pour aborder des questions jusqu'ici non résolues sur l'évolution de l'autofécondation.

Nous nous intéresserons aux transitions évolutives entre allo- et autofécondation, comment et quand elles se produisent, et quelles sont leurs conséquences. Nous testerons en particularité l'idée répandue que l'autofécondation est une impasse évolutive, et ceci de deux façons. Premièrement, nous évaluerons la fréquence et l'unidirectionnalité des transitions allofécondation-autofécondation dans la phylogénie; deuxièmement, nous testerons empiriquement les étapes clés du scénario le plus plausible pour expliquer le passage de l'allofécondation préférentielle à l'autofécondation préférentielle (mais pas l'inverse). Ce scénario a pour composantes principales (i) des contraintes sur la disponibilité en partenaires ou en pollen aboutissant à une sélection pour l'autofécondation en tant qu'assurance de reproduction. (ii) l'existence d'états intermédiaires avec une allofécondation préférentielle, mais un recours retardé et facultatif à l'autofécondation en cas d'échec. (iii) la purge des allèles délétères qui aboutit à une fuite en avant coévolutive où la faible dépression sélectionne pour l'autofécondation et vice-versa. (iv) la perte de potentiel adaptatif chez les taxons autofécondants, entraînant une extinction plus rapide chez ces derniers. Tous ces aspects seront testés empiriquement en observant l'évolution de lignées expérimentales soumises à de fréquentes contraintes (absence de partenaires), et en comparant la réponse à la sélection en nature et au laboratoire entre des espèces allofécondantes et autofécondantes apparentées et vivant dans le même environnement. Nous comparerons également la capacité de colonisation de nouveaux sites (vides) par des espèces autofécondantes et allofécondantes proches coexistant dans le même environnement, en se fondant sur une étude à long terme des métapopulations sur le terrain.

Notre projet est très ambitieux (i) en termes de quantité de données à acquérir pour de nombreuses espèces jusqu'ici non étudiées (ii) par le nombre et la taille des approches expérimentales proposées (ii) par l'étendue du jeu de données de terrain. Il s'appuie sur un consortium hautement qualifié, où les partenaires ont déjà deux à deux l'expérience de travailler ensemble, et bénéficient de compétences très complémentaires. Parmi les percées attendues, on compte la première étude d'évolution expérimentale du système de reproduction; et la première évaluation sérieuse de la fréquence des régimes mixtes chez les animaux, et de pourquoi cette fréquence serait moins élevée que chez les plantes. Tout ceci servira notre ambition d'installer les animaux, et les basommatophores en particulier, comme des modèles incontournables pour l'étude des systèmes de reproduction.

Coordination du projet

Patrice DAVID (Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive) – patrice.david@cefe.cnrs.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

U3E Unité Expérimentale d'Ecologie et d'Ecotoxicologie Aquatique
ESE Ecoogie et Santé des Ecosystèmes
CRIOBE Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l'Environnement
CBGP Centre de Biologie et Gestion des Populations
CEFE Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive

Aide de l'ANR 299 969 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2012 - 42 Mois

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