Blanc SIMI 7 - Blanc - SIMI 7 - Chimie moléculaire, organique, de coordination, catalyse et chimie biologique

Utilisation de conditions superacides pour la mise en évidence d’intermédiaires réactionnels inédits en glycochimie – OXYCARB

Percer le mystère d’une réaction chimique

Les sucres jouent un rôle central dans la chimie et la biologie du vivant. Au plan technologique, ils présentent également un fort potentiel, ouvrant des applications allant du domaine médical à la chimie verte. La compréhension du rôle biologique de ces molécules et la connaissance fine de leur chimie constituent ainsi des enjeux de connaissance importants.

Mettre en évidence et étudier des espèces chimiques ioniques inédites en chimie des sucres grâce aux milieux superacides

La réaction dite de glycosylation permet l’activation des sucres et constitue ainsi un préalable à la création de composés chimiques « sucrés » ayant de nouvelles fonctions. Cette réaction, indispensable à la vie, a été étudiée et exploitée chimiquement depuis plus d’un siècle. De façon surprenante, les détails de son mécanisme ne sont pas parfaitement connus à ce jour. L’existence de cations dits « glycosyles », considérés comme des intermédiaires réactionnels clés, restait notamment à démontrer. C’est l’objectif du projet Oxycarb. Il réunit dans ce but des chercheurs de l’Institut de Chimie des Milieux et des Matériaux de Poitiers (IC2MP UMR-CNRS 7285) et du Center for cooperative research in biosciences (Bilbao- Espagne).

La principale difficulté à la mise en évidence des cations glycosyles est leur très faible durée d’existence (demi-vie estimée à une picoseconde en milieu organique). Pour contourner cet obstacle, nous avons utilisé des conditions dites « superacides » pour générer, stabiliser et étudier la réaction de glycosylation et ses intermédiaires par résonance magnétique nucléaire (RMN) à basse température et par des méthodes de chimie théorique, deux techniques classiquement utilisées en chimie organique (collaboration avec le partenaire espagnol J. Jimenez-Barbero, CICbiogune Bilbao). L’utilisation des milieux superacides, qui sont des acides plus forts que l’acide sulfurique pur, permet en effet de réaliser des réactions chimiques n’ayant pas leur équivalent en milieu organique classique. Ces milieux particuliers permettent de générer des espèces chimiques qui seraient instables et furtives en milieu organique classique mais qui présentent une certaine stabilité et durée de vie ici. Grâce à cette chimie, qui a valu à son inventeur, G.A. Olah, le prix Nobel de chimie en 1994, de nombreuses espèces chimiques auparavant considérées comme théoriques ont pu avoir une existence réelle ce qui a éclairé les mécanismes de chimie organique enseignés actuellement aux étudiants. Cette approche n’avait jamais été appliquée aux sucres à notre connaissance.

Elle a permis, pour la première fois au monde, de mettre en évidence plusieurs de ces ions impliqués dans les réactions de glycosylation, leur donnant enfin une existence réelle. Ces résultats devraient avoir un impact technologique certain sur la réaction de glycosylation, la réaction majeure dans le domaine des sucres et de la biomasse. Plusieurs équipes internationales nous ont depuis contacté pour établir des collaborations futures.

Nous nous efforçons maintenant de démontrer la généralité de cette méthodologie superacide en chimie des sucres et de l'appliquer à un grand nombre de sucres et dérivés de stéréochimie variées portant des groupes protecteurs courants afin de mettre en évidence et d'analyser un nombre croissant d’espèces furtives qui étaient jusque là considérées comme théoriques.

Notamment l'aspect participation de groupe voisin en position 2 sera particulièrement étudié. On peut s'attendre avec le superacide à des surprises, c'est à dire à observer des groupements qui vont participer en milieu superacide alors que ces groupements ont été identifiés comme non participants en glycosylation classique.

Dans un deuxième temps, le piégeage nucléophile de ces espèces furtives générées sera étudié afin d'élucider l'aspect conformationnel de la glycosylation. Vu la haute réactivité de ces espèces, on peut aussi envisager l'utilisation de faibles nucléophiles pour conduire à des glycoconjugués inédits inaccessibles par d'autres méthodes.

Ce travail a donné lieu à la publication d’un article dans la revue Nature Chemistry (2016, 8, 186-191), un média de tout premier ordre dans le domaine des sciences chimiques. Cet article a aussi fait l’objet d’un News & Views dans le même numéro du journal Nature Chemistry (2016, 8, 99-100) et est mentionné en titre sur la couverture du journal (Carbohydrate chemistry : cations caught in the act). Ces résultats ont aussi été mis en avant sur le site du CNRS (http://www.cnrs.fr/inc/communication/direct_labos/bleriot.htm) et de l’ANR (http://www.agence-nationale-recherche.fr/informations/actualites/detail/chimie-les-partenaires-du-projet-oxycarb-mettent-en-evidence-une-espece-chimique-jusquici-jamais-observee/).
Enfin, un congrès autour de ce résultat a été organisé à Poitiers le 14 Décembre 2015 (http://glycosylcationday.conference.univ-poitiers.fr) soutenu par la Région Poitou Charentes.

La réaction centrale en glycochimie est la formation de la liaison glycosidique ou glycosylation. De façon surprenante, les détails de cette réaction fondamentale sont seulement partiellement maitrisés au niveau atomique. Par exemple, l’ion oxycarbenium de glycosyle, considéré par beaucoup comme l’espèce clé dans la réaction de glycosylation, reste à ce jour une espèce hypothétique. La participation de groupe voisin est aussi une réaction largement répandue en glycochimie. Le mécanisme de cette réaction faisant appel à des esters vicinaux passe par l’intermédiaire d’un ion dioxalenium cyclique. Malgré de nombreuses excellentes contributions dans le domaine de la glycochimie, ces deux espèces, l’ion oxycarbénium et l’ion dioxolénium, restent à ce jour à mettre en évidence expérimentalement. En conséquence, leur observation directe par des méthodes spectroscopiques constituerait une avancée certaine dans le domaine de la glycochimie. En combinant la chimie des sucres et la chimie en milieu superacide et à l’aide de techniques RMN puissantes assistées par des méthodes de chimie théorique, nous espérons visualiser de telles espèces et analyser leur conformation pour la première fois, ceci pour plusieurs sucres. En cas de succès, cette approche devrait permettre d’établir l’itinéraire pseudorotationnel de certains donneurs de glycosyle lors de la glycosylation en prenant des instantanés de la réaction de glycosylation. De plus les données récoltées au cours de ce projet devraient faciliter la rationalisation de l’issue stéréochimique de plusieurs réactions de glycosylation. Enfin le piégeage de ces espèces à l’aide de différents nucléophiles pourrait s’avérer très intéressant dans le domaine de la glycosylation proprement dite.

Coordination du projet

Yves BLERIOT (Institut de Chimie des Milieux et des Matériaux de Poitiers (UMR 7285)) – yves.bleriot@univ-poitiers.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

ICMMP - Université de Poitiers Institut de Chimie des Milieux et des Matériaux de Poitiers (UMR 7285)

Aide de l'ANR 209 080 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2012 - 36 Mois

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