JCJC SVSE 4 - JCJC - SVSE 4 - Neurosciences

Implication de la microglie dans la modulation de l'inflammation dans le système nerveux central de la sangsue médicinale. – MIMIC

Etude des cellules microgliales dans un système nerveux en cours de réparation.

L’utilisation des cellules microgliales est essentielle à la réparation nerveuse chez le modèle Hirudo medicinalis (sangsue). Sa compréhension est indispensable pour préciser le processus de réparation du système nerveux lésé qui, de façon originale chez cet animal, est naturel et permet de récupérer des fonctions sensorielles et motrices à l’inverse des mammifères.

La sangsue médicinale: un système nerveux qui se répare naturellement et fonctionnellement.

Les cellules microgliales sont très rapidement mobilisées sur un site de lésion expérimentale du système nerveux à la fois chez les mammifères et chez la sangsue médicinale. Le programme développé ici chez la sangsue tente de caractériser les facteurs chimioattractants responsables de cette migration microgliale observée naturellement. Il a également pour objectif de définir les modalités de recrutement sur un plan cinétique et sur un plan moléculaire. En effet, la recherche des récepteurs pour chacun de ces facteurs chimioattractants à la surface des cellules microgliales permettra de comprendre comment elles réagissent aux signaux de chimiotactisme après la lésion. Ces récepteurs seront ainsi suivis par immunocytochimie avec des anticorps spécifiques afin de préciser le déplacement des cellules dépendantes de chaque chimiokine.<br />Enfin, les molécules responsables du recrutement microglial seront la cible de compétiteurs ou antagonistes (anticorps neutralisants par exemple) dans le but d’inhiber cette migration pour en mesurer l’impact sur les capacités de réparation du système nerveux.<br />Puisque la sangsue est capable de réparer fonctionnellement son système nerveux après une section, même complète de celui-ci, il est important de comprendre les raisons d’un tel phénomène afin de pouvoir le mettre en confrontation avec des cerveaux structuralement plus complexes et ainsi aider à mieux identifier les pistes thérapeutiques dans le traitement des maladies neurodégénératives.

La première approche porte sur notre capacité à extraire le système nerveux de la sangsue médicinale. Celui-ci est collecté sans la système sanguin (chose impossible chez les mammifères) pour ensuite être incubé in vitro afin de le léser expérimentalement. Les analyses des molécules produites au cours de la réponse à la lésion sont effectuées aux niveaux des gènes et des protéines.
Ensuite, le recrutement des cellules microgliales est suivi à l’intérieur des tissus lésés (in vivo et ex vivo) grâce à l’utilisation d’anticorps dirigés spécifiquement contre les molécules étudiées ou contre des marqueurs spécifiques de la microglie. L’observation in situ est complétée par des tests biologiques in vitro reposant sur la mobilité des cellules sur un support de gélose face à un gradient de facteurs chimiotactiques.
Enfin, la compréhension des interactions entre les cellules cibles et les facteurs chimioattractants est abordée par la recherche des récepteurs de ces facteurs à la surface des cellules. Ceci requiert de purifier les dits récepteurs par l’utilisation de colonne de chromatographie par immuno-affinité. Cette approche nécessite encore des mises au point régulières car elle repose sur des extraits protéiques issus du système nerveux entier ou d’une large population cellulaire. Or, la réponse est plus subtile car elle s’adresse à des sous-types microgliaux représentant un pourcentage faible des cellules nerveuses en général. Ces ajustements techniques s’opèrent par conséquent en fonction des spécificités physiologiques rencontrées pour chaque facteur chimioattractant vis-à-vis de chaque sous-population microgliale recrutée.

Ce projet a permis de caractériser plusieurs molécules chimioattractantes essentiellement produites par des neurones lésés pour attirer des cellules microgliales sur le site de lésion. Cette mobilité est suivie au cours du temps et montre que l’activation microgliale s’opère rapidement et se prolonge dans les 3 jours qui suivent la lésion expérimentale. Actuellement, deux récepteurs pour un facteur chimioattractant (HmC1q) ont été précisés et permettent de mieux comprendre comment des sous-populations de cellules microgliales se mettent en mouvement vers la lésion sous l’effet de cette molécule. Ayant isolé certains facteurs chimioattractants, nous avons entrepris maintenant de les faire produire en grande quantité (formes recombinantes) pour développer nos études in vitro. En effet, hormis la compréhension des modalités de recrutement microglial au cours d’une réponse à la lésion, nous aimerions comprendre pourquoi ces cellules sont attirées sur le site de blessure. Pour tenter d’explorer leurs différentes fonctions, nous avons amorcé leur activation in vitro par des facteurs chimioattractants recombinants. Les résultats sont en cours d’analyse. Cela nous permettra de mesurer notamment l’importance du recrutement de ces cellules microgliales en analysant les molécules qu’elles secrètent, véritable signature moléculaire de la microglie adressée à l’environnement cellulaire dont les neurones lésés. La valorisation des résultats a débuté par la parution de deux publications internationales, la présentation de trois conférences internationales et l’installation de collaborations avec des neurobiologistes experts de la moelle épinière du rat et avec des cliniciens en neurochirurgie.

Focalisé sur une approche scientifique fondamentale, les résultats obtenus chez la sangsue doivent être étayés et précisés. En revanche, l’obtention de connaissances sur l’impact de la microglie activée au cours d’un phénomène de réparation nerveuse nous permet déjà d’élargir notre vision aux processus opérés lors de pathologies neurodégénératives chez les mammifères. Ainsi, des molécules issues de la sangsue sont déjà testées sur des modèles de lésion de la moelle épinière chez le rat. Des résultats préliminaires montrent un effet bénéfique significatif laissant penser que des molécules de sangsue semblent activer des mécanismes de signalisation propices à la réparation nerveuse.

Les résultats montrant l’importance du facteur HmC1q ont été publiés en 2012 (1). L’ensemble de nos avancées et de notre approche expérimentale ont été publiés dans une revue de synthèse en 2013 (2). Afin de sensibiliser les neurobiologistes à notre modèle et confronter nos résultats, les travaux réalisés dans le cadre de ce projet sont régulièrement présentés dans des congrès internationaux dont les actes sont publiés (3-5). Les collaborations initiées pour l’utilisation de molécules de sangsue sur la moelle épinière de rat sont là aussi valorisées (3) et feront l’objet très prochainement de publications internationales.
1. M. Tahtouh, A. Garçon-Bocquet, F. Croq, J. Vizioli, P.E. Sautière, C. Van Camp, M. Salzet, P. Nagnan-le Meillour, J. Pestel, C. Lefebvre. Interaction of HmC1q with leech microglial cells: involvement of C1qBP-related molecule in the induction of cell chemotaxis. Journal of Neuroinflammation 02/2012; 9:37.
2. F. Le Marrec-Croq, F. Drago, J. Vizioli, P.E. Sautière, and C. Lefebvre. The Leech Nervous System: A Valuable Model to Study the Microglia Involvement in Regenerative Processes. Clinical and Developmental Immunology 07/2013, in press ID 274019, dx.doi.org/10.1155/2013/274019.
3. I. Fournier, J. Franck, F. Croq, D. Cizkova, C. Lefebvre, J. Vizioli, P.E. Sautière, M. Salzet. Maldi imaging mass spectrometry: a novel technology for studying neurosciences. Glia 06/2013; 61(S1):S49-S216.
4. F. Drago, A. Accorsi, P.E. Sautière, F. Croq, C. Lefebvre, C. Van Camp, J. Vizioli. Characterization and modulation of HmIba1 as an activation marker for microglia in the invertebrate model, the leech Hirudo medicinalis. Glia 06/2013; 61(S1):S49-S216.
5. C. Lefebvre, A. Bocquet-Garçon, J. Vizioli, C. Van Camp, P.E. Sautière, F. Drago, M. Salzet, F. Croq. Microglia activation in the leech Hirudo medicinalis: HmC1q promotes the microglial accumulation through the distinct recognition of gC1qR and cC1qR receptors. Glia 06/2013; 61(S1):S49-S216.1.

La microglie est un composant intrinsèque du système nerveux central (SNC). Au cours d’évènements pathologiques du SNC chez les mammifères, les processus inflammatoires impliquent la microglie résidente et l'infiltration des cellules immunitaires périphériques dont des macrophages. Puisqu'elles sont impliquées comme senseurs des changements pathologiques du SNC, les cytokines produites par les cellules microgliales représentent des marqueurs intéressants de l'activation cellulaire et contribuent aux processus réactifs (Ransohoff et al., 2007). Les fonctions de la microglie semblent être complexes puisqu'elles montrent des effets neuroprotecteurs et neurotoxiques. Pendant longtemps, les chercheurs se sont concentrés sur la compréhension des mécanismes d'activation microgliale au cours d’états neuropathologiques in vivo et in vitro. Mais le point critique est de distinguer les cellules microgliales activées de l'infiltration des macrophages périphériques, étape qui est nécessaire pour comprendre les évènements successifs se produisant dans des situations pathologiques du SNC (Prinz et Mildner, 2011). Dans le projet présenté, la sangsue médicinale est utilisée pour préciser les processus d'activation concernant seulement les cellules microgliales résidentes. Depuis de nombreuses années, la sangsue a été étudiée pour sa capacité à réparer naturellement sa chaîne nerveuse, blessure déclenchée par un écrasement ou une coupure complète (Coggeshall et Fawcett, 1964 ; Jansen et Nicholls, 1972 ; von Bernhardi et Muller, 1995). Ce modèle expérimental offre des opportunités originales d'étudier les bases moléculaires et cellulaires intervenant dans les processus de réparation du SNC et permettant la récupération fonctionnelle. De manière intéressante, quand la chaîne nerveuse de sangsue est lésée, les cellules microgliales résidentes migrent et s'accumulent à l'emplacement de la lésion (Morgese et al., 1983). D'une manière primordiale, ce phénomène est connu pour être essentiel à la repousse axonale et n'exige aucune infiltration de cellules sanguine comme nous le décrirons dans la proposition (Ngu et al., 2007). L'étude se concentrera sur (i) la caractérisation complète des facteurs chimiotactiques de sangsue, déjà décrits comme responsable du recrutement microglial (HmIL-16 et HmC1q), (ii) l'identification des cellules nerveuses produisant ces molécules, (iii) la cinétique d'action des différents chimioattractants sur la microglie, (iv) et l'étude des différentes sous-populations microgliales en identifiant les récepteurs spécifiques des cytokines respectives. Ce programme vise à mieux comprendre les mécanismes de recrutement microglial afin d'explorer dans des études ultérieures l'interaction entre les neurones et les différents sous-types microgliaux, étape nécessaire pour appréhender la régulation de l'inflammation menant à la réparation du SNC chez la sangsue.

Références
Coggeshall RE, Fawcett DW (1964) The Fine Structure of the Central Nervous System of the Leech, Hirudo Medicinalis. J Neurophysiol 27:229-289.
Jansen JK, Nicholls JG (1972) Regeneration and changes in synaptic connections between individual nerve cells in the central nervous system of the leech. Proc Natl Acad Sci U S A 69:636-639.
Morgese VJ, Elliott EJ, Muller KJ (1983) Microglial movement to sites of nerve lesion in the leech CNS. Brain Res 272:166-170.
Ngu EM, Sahley CL, Muller KJ (2007) Reduced axon sprouting after treatment that diminishes microglia accumulation at lesions in the leech CNS. J Comp Neurol 503:101-109.
Prinz M, Mildner A (2011) Microglia in the CNS: Immigrants from another world. Glia 59:177-187.
Ransohoff RM, Liu L, Cardona AE (2007) Chemokines and chemokine receptors: multipurpose players in neuroinflammation. Int Rev Neurobiol 82:187-204.
von Bernhardi R, Muller KJ (1995) Repair of the central nervous system: lessons from lesions in leeches. J Neurobiol 27:353-366.

Coordination du projet

Christophe LEFEBVRE (UNIVERSITE DE LILLE I [SCIENCES ET TECHNOLOGIES]) – christophe.lefebvre@univ-lille1.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

EA 4550 EAM UNIVERSITE DE LILLE I [SCIENCES ET TECHNOLOGIES]

Aide de l'ANR 248 768 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2011 - 36 Mois

Liens utiles

Explorez notre base de projets financés

 

 

L’ANR met à disposition ses jeux de données sur les projets, cliquez ici pour en savoir plus.

Inscrivez-vous à notre newsletter
pour recevoir nos actualités
S'inscrire à notre newsletter