Tolérance des lésions de l'ADN – ForkRepair
Les mutations génétiques : comment elles sont générées ? peut-on diminuer leur fréquence ?
Les mutations génétiques s’induisent lors de la réplication du génome ; il existe plusieurs mécanismes, certains sont mutagènes d’autres sont fidèles ; comment ces mécanismes sont-ils contrôlés ?
Comment réduire l’impact des mutations induites par les génotoxiques ?
Le génome de tout organisme vivant est continuellement endommagé par des agents endogènes (mécanismes oxydatifs,…) ou par des agents exogènes chimiques (fumée de cigarette,….) ou physique (rayonnement solaire). Les mutations sont des changements irréversibles du message génétique qui s’induisent lors de la réplication d’un génome contenant des dommages (ou lésions). Ces mutations sont à l’origine du déclenchement de la majorité des Cancer. Pourtant lors de la réplication du génome endommagé, à côté des mécanismes d’induction des mutations, il existe des mécanismes fidèles, dit de « contournement des dommages ». Ces mécanismes fidèles, comme ils ne laissent pas de « trace génétique », sont plus difficiles à étudier par manque d’une méthodologie d’étude appropriée. L’enjeu de notre projet est de mettre en œuvre une telle méthodologie pour suivre le devenir des lésions du génome et pour comprendre comment s’opère le partage des tâches entre les mécanismes mutagènes et les mécanismes fidèles. L’ultime but serait de pouvoir contrôler cet équilibre afin de réduire l’impact négatif des mutations.
La méthodologie, que nous développons, consiste à greffer une lésion unique, chimiquement bien définie, dans un endroit précis d’un génome. Dans un premier temps, nous avons opté pour la bactérie E. coli comme modèle d’étude. L’implantation d’une lésion unique sur le chromosome d’E. coli se fait par l’intermédiaire d’un système enzymatique, dit de recombinaison site-spécifique, emprunté à un phage. Le devenir de cette lésion unique au cours de la réplication du génome de la bactérie sera suivi au moyen d’un « marqueur génétique » qui permet de distinguer la réplication potentiellement mutagène de la réplication par contournement du dommage. Nous espérons ainsi découvrir les contrôles génétiques qui permettent à la cellule d’utiliser l’une des voies plutôt que l’autre.
Nous venons de montrer que la technique de greffage d’une lésion unique dans le génome d’une bactérie fonctionne. Ceci est en soi un résultat important car il ouvre la voie de l’étude de ce mécanisme de contournement des dommages qui est un mécanisme très important parce que fidèle. Nous pensons qu’il s’agit d’un verrou technologique qui vient de sauter ; ce verrou permet l’étude des mécanismes de contournement chez la bactérie, mais permet aussi d’envisager dans un avenir proche la transposition de cette technique à des cellules humaines.
La mise au point du greffage d’une lésion unique dans le génome d’un organisme vivant permettra l’étude de sa réplication. En effet, lorsque la machinerie de réplication rencontrera la lésion unique, elle va être transitoirement bloqué, de la même manière qu’un train qui rencontre un obstacle sur la voie. C’est pour la première fois que nous pourrons examiner les mécanismes de contournement de cet obstacle car nous sommes en mesure de « regarder » ce qui se passe à la position précise du blocage. L’étude d’une fourche de réplication bloquée en temps réel est un phénomène important car c’est au cours de son déblocage que la cellule induit ou n’induit pas une mutation. On comprendra aisément l’importance de l’étude de ce mécanisme du fait que les mutations sont responsables de l’induction des Cancers.
Nous avons publié un premier article qui décrit la faisabilité de la nouvelle méthodologie chez la bactérie E. coli. Il s’agit là d’une expérience de « preuve-de-concept » qui ouvre la voie à de nombreuses études.
Vincent Pagès1, Gerard Mazón1, Karel Naiman1 , Gaëlle Philippin1 and Robert P Fuchs1* Monitoring bypass of single replication-blocking lesions by Damage Avoidance in the E. coli chromosome, 2012 Nucleic Acids res, Vol. 40, No. 18 doi:10.1093/nar/gks675
un nouvel article montrant que la TLS est prioritaire sur le Damage Avoidance est actuellement soumis à Nature Communications
But : En condition physiologique normale le blocage d’une fourche de réplication est un évènement relativement fréquent lié à la présence soit de lésion spontanée ou induite par des agents exogènes. Malgré cela, la structure d’une fourche de réplication bloquée in vivo n’est pas connue à cause de l’absence de méthodologie appropriée. Le but de ce projet est d’analyser les voies métaboliques, appelées « voies de tolérance des lésions » qui permettent aux cellules de faire face à la présence de fourches bloquées. Notre projet vise à développer une approche qui permet l’introduction d’une lésion unique dans le génome d’une cellule vivante pour étudier les mécanismes de tolérance d’un point de vue génétique et moléculaire. Notre approche est basée sur l’utilisation du système de recombinaison site-spécifique du phage lambda pour l’insertion d’une lésion unique dans le génome d’une cellule. Nous pourrons ainsi étudier la structure et la dynamique d’une fourche de réplication transitoirement bloquée. Des expériences pilotes réalisées chez E. coli ont démontré la faisabilité de l’approche expérimentale.
Fondements : Toutes les cellules possèdent des stratégies qui leur permettent de redémarrer une fourche de réplication transitoirement arrêtée au niveau d’une lésion que sont la synthèse translésionelle (TLS) et les mécanismes de contournement des dommages (Damage Avoidance : DA). Les mécanismes de TLS, à l’origine des mutations ponctuelles, résultent de la copie de matrices d’ADN endommagées par des ADN polymérases spécialisées. Au contraire, les mécanismes de contournement des lésions, qui s’apparentent aux mécanismes de recombinaison homologues, sont fidèles. Si aucun de ces mécanismes n’est fonctionnel, la fourche peut s’effondrer et la mort cellulaire en résulter (Fork Collapse : FC). Il est donc essentiel de comprendre ces processus et leur contrôle génétique afin de pouvoir éventuellement moduler l’équilibre entre TLS mutagène et contournement fidèle.
Programme de travail : Grâce à l’utilisation de plasmides portant des lésions uniques, notre laboratoire a contribué à la découverte de la complexité des mécanismes de TLS. Par contre, à cause de leur taille limitée, les lésions sur plasmide n’engendrent pas de blocage de la fourche et ne permettent pas l’étude des mécanismes de contournement. En effet, dans les systèmes plasmidiques, l’hélicase réplicative est capable de dérouler entièrement les brins parentaux malgré la présence d’une lésion bloquante. L’absence de connaissances précises sur la structure et la dynamique d’une fourche de réplication bloquée à l’échelle des génomes tient au fait que jusqu’à présent toutes les études impliquent des lésions distribuées au hasard rendant impossible l’étude précise d’une fourche bloquée donnée. La localisation d’une lésion unique va nous permettre d’aborder ces études selon les trois directions suivantes :
1. Analyse génétique et étude de la partition entre TLS et contournement des dommages (DA) et effondrement de la fourche (Fork Collapse : FC) pour différents type de lésions.
2. Analyse moléculaire de la fourche de réplication transitoirement bloquée : caractérisation de la région d’ADN simple brin formée en aval de la lésion : taille, persistance, influence de la nature chimique et de la position de la lésion (« leading » versus « lagging »).
3. Développement de cette méthodologie dans les cellules humaines en culture pour l’étude des mécanismes de tolérance des lésions de l’ADN chez les eucaryotes.
Le blocage de la fourche de réplication est un intermédiaire-clé dans la réponse aux dommages de l’ADN (DNA Damage Response : DDR). La Réponse aux Dommages de l’ADN est impliquée dans de nombreuses pathologies humaines. Notre projet non seulement fera progresser les connaissances du fonctionnement cellulaire mais sera potentiellement à l’origine de la découverte de nouvelles cibles pharmacologiques.
Coordination du projet
Robert FUCHS (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE PROVENCE CORSE)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
CNRS DR12 _ IGC CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE PROVENCE CORSE
Aide de l'ANR 350 000 euros
Début et durée du projet scientifique :
- 48 Mois