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Rôle et évolution d’un possible déterminant majeur du sexe chez les Salmonidés. – SDS

Le gène déterminant le sexe chez la truite : une innovation évolutive surprenante ?

Chez les vertébrés il existe une remarquable diversité des systèmes de déterminisme du sexe. Des chercheurs de l’Inra ont découvert qu’un gène, jusqu’ici seulement connu pour son implication dans la réponse immunitaire, est le déterminant majeur du sexe chez la truite.

Le déterminisme du sexe chez les salmonidés

Dans le cas d’un déterminisme du sexe strictement génétique, on appelle ‘déterminant majeur du sexe’ le gène qui déclenche le processus de différenciation des gonades de l’embryon et les oriente vers la formation d’ovaires ou de testicules. En dépit d’efforts de recherche considérables, très peu de gènes déterminants majeurs du sexe ont pu être caractérisés chez les vertébrés. Chez les salmonidés, famille de poissons ayant une forte valeur aquacole et patrimoniale, on savait seulement que le système de détermination du sexe était de type XX/XY comme chez les mammifères.

Ce gène, sdY («sexually dimorphic on the Y chromosome»), n’est détectable que dans le génome des mâles, donc porté par le chromosome Y, et il est le premier à s’exprimer spécifiquement dans les gonades mâles chez l’embryon de truite. Par inactivation ciblée de sdY chez des mâles génétiques (XY) de truite arc-en-ciel, les chercheurs ont pu obtenir des individus de sexe femelle. A l’inverse, la surexpression de ce gène chez des femelles génétiques (XX) a produit des mâles. Ce gène est donc bien nécessaire à la différenciation mâle; il est également suffisant pour permettre la différenciation mâle « dans un fond génétique femelle ». Le gène sdY vient donc compléter la très courte liste des gènes connus chez les vertébrés comme déterminant le sexe.

Un point extrêmement original pour les chercheurs concerne l’identité de ce gène sdY. Alors que tous les déterminants majeurs du sexe connus jusqu'ici sont issus de la duplication et de la spécialisation de gènes initialement acteurs de la différenciation de la gonade, le gène sdY code pour une protéine impliquée dans un processus de régulation de la réponse immunitaire. Cela suggère qu’un tel processus serait impliqué dans le déterminisme du sexe ou bien que ce gène a évolué pour acquérir une nouvelle fonction.

Ces résultats ouvrent maintenant des possibilités de sexage génétique chez la truite et plus généralement chez les salmonidés puisque les chercheurs ont aussi montré que ce gène est conservé chez nombre d’espèces de cette famille. Cet outil de sexage génétique devrait être particulièrement utile dans la gestion et la préservation des populations sauvages de salmonidés, et dans le développement des techniques de contrôle du sexe en pisciculture. Il pourra aussi servir pour le suivi de la qualité des milieux aquatiques par la mise en évidence de phénomènes de masculinisation ou de féminisation induite par des polluants présents dans l’eau et de leur impact sur les populations naturelles de salmonidés.

Yano A, Guyomard R, Nicol B, Jouanno E, Quillet E, Klopp C, Cabau C, Bouchez O, Fostier A, Guiguen Y. 2012. An immune-related gene evolved into the master sex-determining gene in rainbow trout, Oncorhynchus mykiss. Current Biology. 22(15):1423-8.
Yano A, Nicol B, Jouanno E, Quillet E, Fostier A, Guyomard R, Guiguen Y. 2013. The sexually dimorphic on the Y-chromosome gene (sdY) is a conserved male-specific Y-chromosome sequence in many salmonids. Evolutionary Applications, 6(3):486-96.

Les poissons présentent une étonnante diversité des systèmes de déterminisme du sexe, allant de déterminismes strictement génétiques à des systèmes fortement influencés par l’environnement. Chez les espèces possédant un déterminisme génétique monofactoriel, le déterminant majeur présent sur le chromosome sexuel est le gène responsable de l’initiation du processus de différenciation gonadique aboutissant à la formation des gonades mâles et femelles. Chez les poissons, en dépit d’efforts de recherche considérables, seul un déterminant majeur a été caractérisé chez le medaka, mais ce gène déterminant majeur n’est retrouvé que chez quelques espèces du même genre. Pour expliquer ce manque de connaissance sur les déterminants majeurs du sexe chez les poissons, l’hypothèse la plus probable suggère que les chromosomes sexuels des poissons, du fait de leur origine récente, aient émergé indépendamment dans différentes lignées, conduisant ainsi à une importante diversité des déterminants majeurs du sexe. Chez les salmonidés, famille importante d’un point de vue aquacole et environnemental, le système de détermination du sexe est de type XX/XY. Nous ont récemment identifié un gène que nous avons nommé SDY (Sexually Dimorphic on the Y) s’exprimant spécifiquement dans les gonades mâles embryonnaires de truite arc-en-ciel et strictement lié génétiquement au chromosome Y chez la truite arc-en-ciel et la truite commune, qui appartiennent à deux genres différents de salmonidés. Nos résultats suggèrent très fortement que SDY est le déterminant majeur du sexe chez ces deux espèces et peut-être d’autres salmonidés. Ce projet a donc pour principaux objectifs de (1) caractériser la fonction de SDY chez la truite arc-en-ciel, en vérifiant s’il s’agit bien d’un déterminant sexuel majeur et (2) étudier son évolution génomique et fonctionnelle au sein des salmonidés. Pour répondre à la première question, la différenciation de la gonade sera analysée chez des truites arc-en-ciel males inactivées pour SDY et des truites femelles sur-exprimant ce gène. La fonction biologique et les mécanismes d’action de la protéine SDY seront approfondis à travers sa caractérisation biochimique et la recherche des protéines partenaires avec la technique de double hybride. Les transcriptomes de lignées cellulaires transfectées avec SDY seront également analysés afin d’identifier les gènes régulés par SDY. Pour répondre à la seconde question, des cDNA homologues de SDY seront d’abord recherchés chez l’ombre commun et le lavaret, deux salmonidés éloignés de la truite arc-en-ciel, par séquençage NGS de transcrits de gonades en différenciation. Cette approche sera ensuite appliquée au brochet, espèce proche des salmonidés, pour rechercher l’existence d’homologues de SDY à l’extérieur de la famille des salmonidés. Les groupes de liaison porteurs du déterminant sexuel et de SDY seront identifiés et cartographiés chez l’ombre commun et le lavaret. Des banques de BAC de ces deux espèces seront criblées pour rechercher des séquences homologues de SDY et les BAC retenus seront utilisés pour caractériser, par FISH, les chromosomes sexuels des salmonidés et séquencés afin de décrire l’évolution génomique de cette région dans cette famille. L’identification du déterminant majeur du sexe de la truite arc-en-ciel sera un résultat d’importance majeure, compte tenu du très faible nombre d’espèces de vertébrés non mammaliens chez lesquelles un gène déterminant majeur du sexe a été caractérisé. D’un point de vue comparatif, ce projet aura un impact important sur notre vision actuelle des systèmes de déterminisme génétique du sexe chez les vertébrés en général et chez les salmonidés en particulier car la question d’un déterminant majeur du sexe unique reste l’objet d’un débat au sein de cette famille. Ce projet aura aussi des retombées pratiques importantes en offrant un outil de sexage génétique en aquaculture, écotoxicologie et écologie.

Coordination du projet

Yann GUIGUEN (INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE - CENTRE DE RECHERCHE DE RENNES) – yann.guiguen@inra.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

SCRIBE INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE - CENTRE DE RECHERCHE DE RENNES
BIA - SIGENAE INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE -CENTRE DE RECHERCHE DE TOULOUSE
GenAqua INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE - CENTRE DE RECHERCHE DE JOUY-EN-JOSAS
UWurzburg Wurzburg University

Aide de l'ANR 459 998 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2011 - 48 Mois

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