Fonction et mécanisme d’action du récepteur Robo3 dans le système nerveux – Robo3.1
Comment se connectent les deux moitiés de votre cerveau et à quoi cela sert-il ?
Au cours développement embryonnaire, des millions de neurones envoient des prolongements (les axones) qui se connectent à l’autre moitiés du cerveau. Nous cherchons à comprendre l’importance de ces connexions croisées pour le fonctionnement cérébral en étudiant Robo3, un récepteur indispensable à leur mise en place chez l’embryon .
La protéine Robo3, un outil pour l’étude des connexions neuronales
La plupart des espèces animales sont symétriques, avec un côté gauche et un côté droit, et ceci s’applique également au système nerveux central. Toutefois, pendant le développement embryonnaire, des millions d’axones traversent la ligne médiane du cerveau. Ces connexions croisées jouent un rôle essentiel dans la coordination et l’intégration des informations sensorielles et motrices provenant des moitiés droite et gauche du corps. Le but de notre projet était d’étudier la fonction d’une protéine, le récepteur Robo3. Chez l’homme, des mutations du gène ROBO3 perturbent le développement des projections croisées et causent un syndrome neurologique rare appelé HGPPS, qui associe scoliose sévère et strabisme. Nous cherchions à élucider le mécanisme d’action de Robo3 : comment contrôle-t-il le développement des connexions croisées ? Nous voulions aussi utiliser Robo3 comme un outil moléculaire et génétique pour élucider la fonction des connexions axonales croisées.
Nous avons généré un modèle transgénique qui permet d’éteindre, chez la souris, l’expression du gène Robo3 dans des petits groupes de neurones ce qui empêche leur axone de se projeter du côté opposé du cerveau pendant le développement et donc d’étudier l’effet de ces manipulations sur le fonctionnement du cerveau. Nous avons analysé la croissance des axones et la migration des neurones chez des souris mutantes en utilisant des méthodes de microscopie en temps réel couplée à la vidéo. Nous avons aussi mis au point une nouvelle technique permettant l’imagerie tridimensionnelle de tissus organiques et organe épais, entiers (embryons de souris, cerveau postnatal) rendus optiquement transparents par des solvants. Cette méthode permet de mieux comprendre et décrire les anomalies de développement des circuits neuronaux pendant l’embryogenèse. Nous avons appliqué cette technique à l’étude des anomalies de formation des connexions axonales chez les souris porteuses de mutations du gène Robo3. Nous avons également employé des méthodes permettant d’enregistrer l’activité électrique des neurones et de la comparer entre des souris sauvages et des souris dépourvues de connexions entre les deux moitiés du cerveau.
Nous avons montré que le mécanisme d’action du récepteur Robo3 a été modifié au cours de l ‘évolution des vertébré. Chez les mammifères exclusivement, Robo3 n’a pas les mêmes ligands (Slits) que tous les autres membres de cette famille de récepteurs et il permet l’attraction des axones commissuraux vers la ligne médiane. Nous pensons que cette nouvelle fonction de Robo3 a joué un rôle important dans l’évolution du cerveau en permettant notamment d’améliorer le contrôle de la motricité fine. Nous avons aussi analysé les conséquences fonctionnelles d’un recâblage ipsilatéral de axones commissuraux et montré qu’il s’accompagne d’anomalies de la transmission du signal avec les neurones cibles.
Nos données vont servir de base à une étude détaillée du fonctionnement cérébral et de l’organisation du cerveau chez les patients HGGPS, porteurs de mutations du gène ROBO3, qui devrait débuter en 2015.
Ce travail a donné lieu à six publications dans des revues internationales de premier plan. Les résultats ont aussi été présentés à plusieurs colloques internationaux. Nous avons aussi mis au point une méthode révolutionnaire d’imagerie tridimensionnelle des connexions cérébrales.
Comme tout projet de recherche fondamentale, les résultats ne sont pas immédiatement valorisables. Toutefois des contacts ont été établis avec plusieurs entreprises (pour des partenariats portant sur des applications de notre méthode de « transparisation » de tissus et d’organes entiers.
Au cours du développement, les axones en croissance et les neurones en migration sont guidés vers leur territoire cible par des molécules sécrétées ou membranaires produites par des cellules de leur environnement.
Ces molécules peuvent attirer les axones et les neurones ou au contraire les éloigner. Ces processus sont très conservés au cours de l'évolution et des études génétiques et biochimiques, ont permis de découvrir plusieurs familles de molécules de guidage et leurs récepteurs. Robo3 est un récepteur transmembranaire qui contrôle le développement des projections commissurales dans le cerveau postérieur des vertébrés : il est exprimé par les axones qui croissent vers la ligne médiane ventrale, et sa mutation empêche les axones commissuraux de traverser la ligne médiane. Les patients porteurs de mutations de Robo3 sont atteints d’un syndrome neurologique appelé HGPPS qui associe paralysie des mouvements oculaires horizontaux, atrophie du pont et scoliose. Les commissures ne se forment pas chez les souris dont le gène robo3 est inactivé.
Robo3 est donc un régulateur majeur du développement des projections commissurales.
Le but de notre projet est de comprendre le mécanisme d’action de robo3 au niveau moléculaire et cellulaire et d’utiliser Robo3 pour manipuler les projections commissurales et ainsi mieux connaître leur fonction.
Nous chercherons à identifier les ligands extracellulaires de Robo3. Bien qu’il ait été proposé que les molécules Slits se fixent sur Robo3, nous avons obtenu des données qui suggèrent que ce n’est pas le cas. Pour identifier les ligands de Robo3, nous criblerons une banque d’expression avec des protéines Robo3-AP. Nous essaierons aussi de confirmer la molécule attractive nétrine-1 se lie à Robo3 et que Robo3 interagit avec son récepteur DCC, suggérant que Robo3 puisse influencer l’attraction des axones commissuraux vers la ligne médiane. Nous étudierons aussi l’interaction de Robo3 avec les récepteurs Robo1/Robo2 et l’influence de Robo3 sur leur activation. Enfin, nous emploierons des approches biochimiques couplées à la spectrographie de masse, pour identifier de nouveaux partenaires de Robo3.
Il a été montré que deux variants d’épissage de robo3 sont exprimés différentiellement par les axones commissuraux, avant qu’ils ne croisent la ligne médiane ventrale (Robo3.1) et après sa traversée (Robo3.2). Nous emploierons des approches génétiques et biochimiques, combinées à la culture cellulaire pour identifier les mécanismes moléculaires qui régulent l’expression de Robo3 et son épissage dans les neurones commissuraux.
De nombreuses mutations de ROBO3 ont été mises en évidence chez les patients HGPPS, mais leurs conséquences sur l’expression, la localisation subcellulaire et la fonction de Robo3 sont inconnues. Nous utiliserons la mutagenèse dirigée pour reproduire ces mutations et étudierons par transfection et électroporation in utero l’adressage des Robo3 mutées et leurs capacités d’interactions avec les partenaires de Robo3.
Nous avons montré que Robo3 contrôle la migration des neurones du pont (une des sources de fibres moussues du cervelet) vers la ligne médiane. Nous combinerons la génétique (knockout conditionnels), l’électroporation in utero et la videomicroscopie pour connaître le mécanisme d’action de Robo3 dans ces neurones et pour déterminer si Robo3 participe au couplage entre croissance axonale et translocation nucléaire. Nous étudierons aussi dans ces knockouts l’influence d’un réadressage ipsilatéral des axones pontins sur la physiologie du cervelet.
Enfin, nous analyserons le rôle de Robo3 dans la neurogénèse postnatale. Des données préliminaires ont montré que dans le cerveau antérieur, Robo3 n’est pas impliqué dans le développement des commissures mais qu’il s’exprime dans les neuroblastes qui migrent de la zone sous-ventriculaire vers le bulbe olfactif. Nous utiliserons les souris knockout de Robo3 pour étudier la fonction de Robo3 dans la neurogenèse postnatale
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Coordination du projet
Alain CHEDOTAL (UNIVERSITE PARIS VI [PIERRE ET MARIE CURIE])
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenariat
UPMC UNIVERSITE PARIS VI [PIERRE ET MARIE CURIE]
Aide de l'ANR 356 972 euros
Début et durée du projet scientifique :
décembre 2011
- 36 Mois