Origine et diversification des mécanismes de régionalisation de la blastula chez les cordés – EvolAx

Les mécanismes moléculaires qui contrôlent le développement précoce des cordés, à des stades précédant la gastrulation, sont généralement considérés comme très variables au cours de l'évolution, et cela même au sein de groupes d'espèces relativement proches comme les vertébrés. De fait, si les analyses centrées sur les organismes modèles des deutérostomes (oursin, ascidie et chez les vertébrés, poisson-zèbre, xénope, poulet et souris) ont permis de mettre en évidence certaines similitudes, concernant notamment le rôle des voies de signalisation FGF et Nodal, leur interprétation en termes de conservation se heurte à des difficultés considérables, liées à des différences morphologiques majeures et des processus de divergences extensives propres aux espèces considérées. Comprendre l'unité sous-jacente des mécanismes du développement précoce est essentiel pour éclairer l'origine de la bilatéralité chez les cordés. Ces mécanismes constituent également un excellent système modèle pour élucider les bases moléculaires de la plasticité des processus développementaux au cours de l'évolution. Pour cela, nous proposons d'engager une approche développement-évolution visant à reconstruire l'état ancestral des vertébrés, puis des cordés. Notre stratégie générale reposera sur l'étude de trois espèces appartenant à des groupes qui occupent des positions phylogénétiques clefs chez les vertébrés ou les cordés, mais qui ont été néanmoins très largement ignorées des généticiens jusqu'ici: la roussette Scyliorhinus canicula, la lamproie Petromyzon marinus et l'amphioxus Branchiostoma lanceolatum. Ces espèces sont aujourd'hui accessibles aux analyses moléculaires au cours de l'embryogenèse, du fait (1) de l'obtention récente de bases de données moléculaires à grande échelle, ESTs ou séquences génomiques et (2) de la mise en place d'infrastructures permettant des productions fiables de grandes quantités d'embryons, développements dans lesquels les partenaires du projet ont été fortement impliqués. Chez chacune de ces espèces, notre démarche expérimentale sera centrée sur trois aspects, (1) une caractérisation moléculaire exhaustive visant à préciser la régionalisation du conceptus au stade blastula et à caractériser ses centres de signalisation, (2) une analyse quantitative, in situ, de l'activité des principales voies de signalisation (Bmp, Nodal/activin, Fgf, Wnt) et (3) des études fonctionnelles principalement fondées sur des traitements pharmacologiques à l'aide d'antagonistes de chacune de ces voies. Nous chercherons en particulier à utiliser des inhibiteurs potentiels de la voie Wnt canonique. La validation de molécules candidates présentant ces propriétés sera mise en oeuvre au cours du projet, en utilisant l'embryon précoce de xénope comme système modèle de référence. L'ensemble de ces analyses devrait permettre de mieux comprendre le rôle des voies de signalisation étudiées dans l'établissement du patron moléculaire de la blastula chez la roussette, la lamproie et l'amphioxus. Ces données seront comparées de façon systématique à celles obtenues chez les organismes modèles afin de préciser les caractéristiques ancestrales du développement précoce des vertébrés et de retracer leur origine chez les cordés. Elles pourraient également permettre de caractériser les bases moléculaires de tendances évolutives propres à certains taxons, liées, par exemple, à la taille de l'embryon ou la présence de vitellus. Ces données sont également essentielles pour comprendre l'origine des mécanismes de spécification des axes embryonnaires, à plus grande échelle évolutive, chez les métazoaires.