Modélisation Intra-urbaine des Rythmes quOtidiens : accroître l'accessibilité à la ville pour maîtriser la mobilité urbaine – MIRO2
MIRO «Modélisation Intra-urbaine des Rythmes quOtidiens : accroître l’accessibilité à la ville pour maîtriser la mobilité urbaine«
Ce projet vise à explorer, par simulation informatique, les impacts possibles de politiques urbaines sur l'accessibilité spatio-temporelle des citadins à la ville et leurs conséquences sur leur mobilité quotidienne. Il vise également à établir des diagnostics territoriaux (pertes et gains d'accessibilité localisés) et sociaux (populations avantagées et désavantagées par les différentes politiques testées).
Des trajectoires individuelles à la ville en mouvement
La ville est souvent interprétée comme une forme d’organisation spatiale qui favorise les interactions fonctionnelles. Pourtant, cette propriété est fragile, comme le soulignait dès 1961 l’urbaniste Jane Jacobs : « lorsque l’on rend la cité plus accessible, l’ensemble des utilisations entrecroisées des différentes fonctions urbaines diminue invariablement ». <br />Ouvrir l’espace urbain au plus grand nombre reste donc à la fois un enjeu de société et un objectif d’aménagement difficile à atteindre. En effet, le droit à une mobilité choisie va à l'encontre d'un droit tout aussi fondamental, celui de l’accès à la ville pour tous, par la production d'externalités négatives qui se posent aujourd’hui avec une acuité particulière : étalement urbain, congestion, consommation et production énergétique, risques et nuisances...Par ailleurs, l'approche de l’accessibilité repose encore souvent sur une vision réductrice et segmentée du fonctionnement des systèmes urbains et des comportements des individus qui les peuplent, notamment en terme de mobilité quotidienne. Les enjeux actuels, notamment dans une perspective de développement urbain durable, impliquent au contraire un véritable changement de paradigme : passer d’une représentation traditionnelle du comportement d’un individu moyen maximisant l’utilité d’un déplacement considéré isolément à celle d’individus différenciés, réalisant un certain nombre d’activités localisées, en une séquence plus ou moins complexe de déplacements au cours d’une journée, et ce en fonction d’un faisceau de contraintes et d’obstacles modulant leurs possibilités d’action. Par extension, les inégalités d’accès à la ville et à ses ressources doivent à la fois être appréciées par l’analyse des structures et des dynamiques spatiales relevées sur les temps longs du territoire, et par l’étude du fonctionnement des espaces au regard des pratiques des individus sur les temps courts du quotidien.
Ce projet associe deux domaines scientifiques disjoints : la «time geography« et la simulation informatique «individus-centrée«.
Le premier permet d'explorer les stratégies de déplacement des « nomades urbains » dans un environnement urbain mouvant, caractérisé à la fois par un ensemble de contraintes et d’opportunités. Le second permet quant à lui de créer des mondes artificiels, informatiques, peuplés d’agents autonomes agissant au sein de réseaux d’interaction à géométrie variable. En combinant ces deux approches, il devient possible de se doter de plateformes d’expérimentation d’un genre nouveau, capables de reproduire in silico des situations difficiles à observer in situ, afin de mieux les étudier. L’objectif devient alors de reconstruire, par simulation, les processus susceptibles de générer les structures socio-spatiales observées, et de raisonner ainsi sur la base de scénarios comparatifs, dans une démarche prospective orientée y compris vers l’aide à la décision. Notre capacité à anticiper le comportement d’un système complexe est en effet fondamentalement liée à notre capacité à le penser, le formaliser et le simuler. Selon l’acception la plus courante aujourd’hui, un système complexe est constitué d’un grand nombre d’éléments en situation d'interaction locale. Ces éléments (ou entités) actifs, dénommés agents dans la terminologie informatique usuelle, agissent dans et sur cet environnement, qui les influence en retour. Un tel système ne bénéficie pas, de plus, d’un mode de contrôle global, centralisé. Le pouvoir d’action des agents est réduit à une dimension très locale, et certaines structures globales observées sont le fait de processus d’auto-organisation. Dans une telle perspective, les multiples interactions, qui plus est localisées, entre agents peuvent conduire à l’apparition de propriétés à un autre niveau d’observation ou d’agrégation, intermédiaire ou global, non déductibles à partir des simples propriétés des agents.
Plusieurs prototypes ont été développés.
Le premier, SMArtAccess, est un jeu sérieux individuel, permettant à l'utilisateur de construire une ville, d’y localiser des services commerciaux et universels, ainsi que des lieux de travail et de résidence, puis de le peupler d’agents autonomes réalisant des chaînes d’activité au moyen de différents modes de transport. L’objectif est alors pour l’utilisateur de tester des modèles urbains mais également de définir, de manière itérative et interactive et en s’appuyant sur un grand nombre d’indicateurs macroscopiques et microscopiques, des configurations urbaines satisfaisant certains critères de durabilité.
La plateforme SM2A2 (Système Multi-Agents Multi-Acteurs) est une version participative multi-joueurs de SMArtAccess. Elle permet à cinq personnes de jouer de manière collaborative sur SMArtAccess, chacun assumant un rôle et ne pouvant intervenir sur le modèle et l’environnement créé que dans le cadre de ce rôle L’objectif de ce jeu sérieux est d’amener les acteurs à prendre conscience de la difficulté d’agir de manière sectorielle sur un système complexe, animé d’une dynamique propre et soumis aux actions non coordonnées mais interdépendantes d’autres acteurs.
Le prototype GaMiroD permet de créer un environnement urbain « réaliste » (SIG), d'y introduire une population synthétique de plusieurs centaines de milliers d’agents, à partir de données statistiques socio-démographiques et de créer une bibliothèque générique de programmes d’activités (emplois du temps) nécessitant que les agents soient mobiles entre les lieux d’activités. Sur cette base, il permet de tester des scénarios impliquant un changement dans l’environnement urbain et qui se rapportent aussi à des actions de politiques publiques locales encouragées par des objectifs de développement durable.
Le prototype Geographer enfin, permet de visualiser et d'analyser les sorties de GamiroD.
Les prototypes développés incitent leurs utilisateurs à prendre conscience de la difficulté de piloter un système complexe, qui plus est lorsque l'on cherche à atteindre plusieurs objectifs, dont certains sont mutuellement incompatibles. Les deux jeux sérieux (SMArtAccess et SM2A2) ont par ailleurs vocation à être utilisées dans le cadre d’animations pédagogiques ou de travaux participatifs entre professionnels. Elles ont été testées à plusieurs reprises auprès de différents publics afin d’une part de valider leur portée heuristique et d’autre part de pointer les améliorations techniques et ergonomiques à apporter aux versions actuelles. C’est notamment lors d’un séminaire final MIRO2, réunissant chercheurs et acteurs publics du monde du transport et de la mobilité que nous avons pu mesurer l’utilité collectivement admise de tels outils, notamment dans le cadre de formation initiale ou formation continue pour des professionnels de l’aménagement et des transports.
Ce projet a donné lieu à la publication de 14 ouvrages ou chapitres d'ouvrages (dont 7 internationaux) et 24 communications dans des conférences (dont 20 internationales). Il a par ailleurs débouché sur la création de deux jeux sérieux (dont un collaboratif), d'une platforme de simulation multi-agent et d'un logiciel de visualisation et d'analyse des résultats de simulation.
Ce projet de recherche propose d'interroger la ville durable au travers d'une de ses composantes centrales, la mobilité quotidienne. En effet, si l'on peut admettre que la ville est une forme d'organisation spatiale qui favorise les interactions sociales, force est d'admettre qu'un nombre toujours plus grand de déplacements quotidiens est nécessaire pour atteindre cet objectif de mise en relation. L'étalement urbain, la spécialisation fonctionnelle des territoires urbains et la sur-valorisation sociale de la mobilité sont autant de facteurs qui participent à cette tendance en l'amplifiant et nous amènent à questionner la durabilité des orientations en cours. Le droit à une mobilité choisie, en relation avec l'aspiration à des modes de vie plus individualisés et autonomes, est susceptible de réduire considérablement un droit tout aussi fondamental, celui de l'accès à la ville pour tous. Si « trop de mobilité tue la ville », l'enjeu d'un développement urbain harmonieux et durable est alors d'identifier des conditions de mobilité quotidienne permettant à la ville de continuer à jouer son rôle de mise en relation, tout en conservant la maîtrise de la croissance d'externalités négatives qui se posent aujourd'hui avec une acuité particulière : étalement urbain, congestion, consommation et production énergétique, risques et nuisances... En replaçant les mobilités urbaines quotidiennes au coeur du débat sur la ville durable, ce projet vise à questionner un certain nombre de pré-supposés actuels, en les ré-interprétant du point de vue des systèmes complexes. En premier lieu, l'accessibilité spatio-temporelle réelle des citadins aux territoires urbains ne peut être obtenue simplement en travaillant sur l'accessibilité des lieux, et implique de reconstruire les programmes d'activités et les trajectoires spatio-temporelles des individus. Des données fiables existent (enquêtes ménages-déplacements), qu'il s'agit d'exploiter et de valoriser dans une perspective renouvelée. Toutefois, compte tenu des interactions en jeu et de la forte dépendance des comportements individuels aux situations localement rencontrées, une approche fondée sur la simulation individus-centrée semble constituer une alternative privilégiée. Une telle approche permet en effet d'explorer aussi bien l'influence des comportements individuels sur le fonctionnement global de la ville que les possibles modifications comportementales induites par des modifications macroscopiques. Le prototype MIRO, développé au cours d'un projet précédent financé par le PREDIT, constitue un socle précieux sur lequel nous proposons de construire ce nouveau projet. Voici les enjeux plus particulièrement identifiés : 1) intégrer les mécanismes complexes d'arbitrage et de choix mobilisés lors du processus de prise de décision, dans un environnement riche, complexe et mouvant porteur d'opportunités mais également de contraintes, ce qui implique notamment de formaliser et intégrer la notion d'information imparfaite dans les processus de choix ; 2) créer des environnements urbains virtuels aussi réalistes que possible, alimentés par des données multi-sources gérées par système d'information géographique et détaillant autant que faire se peut l'offre de service (publique comme privée) et de transport (multimodale) urbain, dans ses composantes spatiales et temporelles ; 3) créer des populations d'agents synthétiques aussi représentatives que possible des populations étudiées, en combinant des données d'enquêtes socio-démographiques et de mobilité ; 4) construire et tester des indicateurs d'accessibilité spatio-temporelle désagrégés permettant de caractériser les situations localement vécues par les acteurs et de préciser, sur cette base, les véritables pertes et gains d'accessibilité engendrés par des projets d'aménagement, ainsi que leurs retombées sur les programmes d'activités des individus et sur leur mobilité ; 5) construire et mettre en oeuvre des protocoles de vérification et de validation permettant, à toutes les étapes de la démarche de déterminer la confiance que l'on peut accorder au modèle construit et aux résultats de simulation produits ; 6) dépasser le seuil des 80 000 agents rencontré lors du projet PREDIT, de manière à se rapprocher de conditions expérimentales plus réalistes ; 7) créer une plateforme de simulation collaborative permettant de réunir différents acteurs autour d'un modèle et de les faire participer au processus de simulation, en leur donnant la capacité d'interagir avec certains paramètres du modèle, dans le cadre de scénarios pré-définis. Il s'agit ici de tester la capacité des systèmes multi-agents à devenir des systèmes multi-acteurs, aptes à révéler et mettre en perspective les stratégies individuelles et leurs impacts globaux ; 8) adapter et appliquer les modèles développés à deux agglomérations françaises significativement différenciées (Dijon et Grenoble), dans une perspective comparative
Coordination du projet
Arnaud BANOS (Organisme de recherche)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
Aide de l'ANR 345 785 euros
Début et durée du projet scientifique :
- 48 Mois