– Vagueness

Des prédicats comme « rouge », « riche » ou « jeune » sont vagues, au sens où il n'est pas possible de préciser de façon absolument précise leur extension : on admet aisément qu'une personne âgée de 18 ans est jeune et qu'une personne âgée de 90 ans n'est pas jeune, mais il semble impossible de spécifier exactement l'âge à partir duquel un individu cesse de compter comme jeune. Le phénomène du vague a donné lieu à des travaux nombreux depuis les années 1970, dans les domaines de la logique philosophique, de la psychologie cognitive et de la sémantique des langues naturelles. L'un des problèmes que soulève le phénomène du vague concerne les normes de similarité sous-jacentes à nos mécanismes de catégorisation, au point de vue conceptuel comme au point de vue lexical. Si la plupart des travaux en logique philosophique sur le vague sont consacrés à l'examen et à la résolution des paradoxes sorites, une attention croissante durant ces dernières années a été donnée au problème des sources cognitives du vague. Le vague est-il dû fondamentalement à notre ignorance des limites d'application des prédicats de la langue naturelle, comme le soutiennent les partisans de la théorie épistémique du vague (Sorensen, Williamson) ? Ou le vague provient-il plus fondamentalement du fait que certains stimuli sont ambigus et que cette ambiguïté ne saurait être résolue sur une base purement objective, comme il ressort des théories sémantiques et contextualistes du vague (Raffman, Shapiro) ? - - Le projet a pour but de trancher ce débat, en examinant en détail la question des origines épistémologiques, psychologiques et sémantiques du vague. L'ambition du projet est de promouvoir plusieurs perspectives nouvelles sur le vague, en donnant une importance particulière à l'examen des mécanismes psychologiques sous-jacents au vague et à sa résolution. Le phénomène du vague se prête particulièrement bien à une approche interdisciplinaire, et le projet sera mené par des chercheurs ou enseignants-chercheurs en philosophie aux compétences complémentaires, dans les domaines de la philosophie des sciences (Anouk Barberousse), de l'épistémologie (Paul Egré), de la philosophie du langage (Pascal Ludwig), de la philosophie de l'esprit et de la perception (Jérôme Dokic, Pascal Ludwig), mais aussi de la psychologie (Jérôme Sackur), et enfin de la sémantique formelle et de la logique (Denis Bonnay, Paul Egré). - - Le projet est centré sur l'examen de cinq questions : - - (1) Quel est le lien entre vague, dépendance contextuelle et ambiguïté ? - On s'appuiera principalement sur les travaux de sémantique consacrés à la place du vague en linguistique. On discutera la typologie des prédicats vagues et le lien entre les différentes formes de dépendance contextuelle impliquées dans le vague. - - (2) Comment s'effectue la résolution du vague, du point de vue sémantique comme du point de vue perceptif ? - On discutera la portée de la notion de perception catégorique, et son incidence relativement à la notion d'indétermination sémantique typique du vague. Le projet s'appuiera sur la réalisation d'expériences sur la manière dont les sujets se comportent en situation de choix forcé face à des séries soritiques typiques. - - (3) Quelle est la nature des jugements d'incertitude liés au vague ? - La théorie épistémique du vague dérive le phénomène de la non-transitivité des jugements d'indiscriminabilité. La logique de la connaissance imprécise de Williamson fait un usage central de non-transitivité pour modéliser le vague d'ordre supérieur. Il s'agira de caractériser l'étendue de cette notion de vague d'ordre supérieur sur une base expérimentale. - - (4) Quels fondements pour la notion de degré de vérité dans le traitement du vague ? - Cette partie du projet s'appuiera sur l'évaluation critique de la théorie probabiliste du vague proposée par E. Borel et encore largement méconnue. Il s'agira de clarifier à la fois la façon dont Borel introduit la notion de degré de vérité, ainsi ...