Connaissances maritimes pour les Mers de Chine – SeaFaring
Connaissances maritimes pour les Mers de Chine
Ce projet propose une nouvelle approche d’analyse de l’histoire maritime chinoise : elle se focalise sur les connaissances pratiques, nautiques et marchandes, dont disposaient les marins et les navigateurs des 16e-18e siècles. Suivant une démarche pluridisciplinaire, nous mènerons une étude de grande envergure afin de mieux appréhender ce bagage technique et pratique, qui sera étudié pour lui-même dans son environnement géographique et temporel (Taiwan, Fujian, Guangdong et Asie du Sud-Est).
Tradition maritime chinoise et contextes prefessionnels
L’objectif des chercheurs impliqués dans ce programme est de recueillir et de détailler des données concrètes liées aux compétences pratiques et nautiques, ainsi qu’à la tradition des gens de mer. Afin d’établir un instrument de recherche de référence relatif aux connaissances maritime sur l’Asie, ils vont créer la première base de donnée dans ce domaine. Enfin, ce projet est aussi une tentative de promouvoir ce patrimoine naval en voie de disparition. Trois axes sont développés : Connaissances nautiques ; Gouvernance et infrastructure portuaires ; Langages des marins et des navigateurs. L’objectif de la première section est de fournir : a) une typologie pertinente des navires chinois, de leurs techniques et méthodes de construction; b) les éléments utilisés par les marins fréquentant les mers de Chine pour déterminer leur route et position, et leur représentation sur les cartes, ainsi que leurs indicateurs. Dans la deuxième section, ce sont les aspects spécifiques aux activités portuaires, négligés jusqu’à présent, leur organisation et leurs réseaux qui seront au centre de l’analyse : construction navale et réparation, stockage et transfert des marchandises, armement des navires, organisation spatiale et professionnelle des ports, etc. Dans la troisième section, ils s’intéresseront à la question du langage, question d’une extrême importance pour comprendre et apprécier certaines pratiques professionnelles et techniques de ce vaste domaine maritime. Il y sera question aussi de la langue de communication : distingue-t-on une « lingua franca » dans les mers de Chine ? Le malais a probablement été parlé par de nombreux marins étrangers. Toutefois, à partir du 16e siècle, d’autres langues ont dû s’interposer à ce fond linguistique initial – portugais et probablement hokkien – pour former la base d’un pidgin qui sera la lingua franca dans le commerce entre la Chine et les Occidentaux à la fin du 18e siècle.
Le but de ce projet est de combler les lacunes relatives aux traditions nautiques des mers de Chine, dont les connaissances reposent encore actuellement sur des synthèses antérieures, sans lien évident avec les pratiques maritimes et les techniques navales. Afin de surmonter l’insuffisance des sources écrites et la disparition des derniers praticiens de la voile, sa mise en œuvre requière une approche multidisciplinaire rendant possible le recoupement d’informations provenant de sources variées. Ceci est d’autant plus important, qu’en Chine, les textes sur ces activités ont été rédigés par des non-spécialistes, fonctionnaires ou lettrés sans savoir-faire professionnel. Cette recherche intègre des textes écrits (documents d’archives chinois et européens, archives coloniales, recueils d’instructions nautiques, règlements et manuels de construction navale, etc.) ainsi que les données et méthodes archéologiques. Suivant les nécessités, elle fera aussi appel à l’ethnographie afin d’élucider des systèmes techniques spécifiques ou de comprendre des textes présentant des difficultés liées au vocabulaire professionnel ou aux emprunts linguistiques. Pour cela, des recherches linguistiques sont menées auprès des Chinois d’Outremer dans le Sud-Est asiatique et de leurs étudiants en Chine et à Taiwan, ainsi que parmi ceux qui sont rentrés définitivement en Chine. Enfin, la période considérée est marqués par des rencontres interculturelles asiatiques dans les mers de Chine qui s’accentuent avec l'arrivée des Européens. Pour cette raison, les coordinateurs du projet ont réuni des chercheurs travaillant sur des zones géographiques différentes d’Asie, et peuvent également compter sur des spécialistes de techniques navales, européens et asiatiques. Grâce à cette approche, ce projet apportera une meilleure compréhension chronologique et géographique de ces traditions nautiques, et le cas échéant permettra de corriger certaines interprétations erronées.
Les résultats de ce projet vont constituer une étape importante pour l’appréhension de la connaissance maritime de cette époque. Il s’agit d’un projet pilote, et ce à deux égards: il met l’accent sur des savoir-faire négligés jusqu'à présent, et met en place un outil numérique qui favorisera le développement de l’histoire des pratiques et techniques liées au domaine professionnel de la mer. Par la diversité des disciplines engagées et des sujets étudiés, il stimule la participation de la jeune génération de chercheurs en histoire maritime, un domaine qui est et sera encore longtemps d’une très grande importance géostratégique. En effet, à une époque où les mers, leur histoire, et les différends qui les concernent sont des facteurs s’accroissement des tensions géopolitiques à l’échelle mondiale, ce genre d’études est bénéfique non seulement à la compréhension historique des mers asiatiques, mais aussi à l’analyse de la situation internationale contemporaine. Le but ultime de ce projet est de construire une base de données relative à l’ensemble des instructions nautiques reflétant de manière réaliste le savoir-faire nautiques des navigateurs de ces mers, entre le 16e et le 18e siècle. L’attention des chercheurs impliqués est ainsi focalisée sur les connaissances techniques et les compétences professionnelles, la typologie des navires, l’infrastructure portuaire, les réseaux d’approvisionnement des ports, et les dispositifs d’alerte côtiers et de repérage en mer. Ces sujets n’ont jamais été systématiquement étudiés et leur analyse contribuera à une meilleure compréhension de la sphère maritime de la Chine et de ses relations Outremer avant l’impact avec l'Occident. Cette base de données (en anglais et en chinois) devrait devenir un nouvel outil de travail pour la recherche sur les mers de Chine. Elle sera accessible à la communauté scientifique à la fin du projet et fournira un large éventail de données et sera source de futures recherches.
Ce projet dépasse les approches prédominantes d’un passé récent dont l’objectif principal étaient d’expliquer les causes ayant empêché la Chine d’accéder à la modernité et prolongé sa stagnation scientifique et technologique. Il s’agit là de l’une des questions sous-jacentes qui a influencé l’histoire maritime chinoise depuis le 20e siècle et l’a inscrite dans la rhétorique élargie de la politique frontalière et des relations étrangères. Ces études ont surtout porté sur la politique de fermeture des Ming (1368-1644) et analysé ce sujet suivant une vision euro-centriste. Ce regard finalement réducteur a amené à des distorsions de taille : exagération de l’importance des relations sino-occidentales, surestimation du système tributaire, minimisation du commerce maritime, alors que les questions militaires, sociales et économiques de ces régions ainsi que l’aspect technique étaient négligés. Après un début de 20e siècle prometteur et la synthèse de Needham (imparfaite), l’analyse des techniques navales a aussi ignoré la diversité historique et régionale de ce patrimoine. Le paradigme de ce projet est ainsi différent et vise à comprendre les connaissances et les techniques navales chinoises ainsi que les pratiques commerciales maritimes, à la fois pour elles-mêmes et dans leur environnement temporel et géographique spécifique. La région géographique considérée dépasse les frontières nationales pour couvrir l’ensemble du réseau des activités navales et marchandes à l’étranger, en y intégrant également la sphère des échanges interculturels asiatiques et européens. Sur la base des recherches entreprises sur les pratiques nautiques, commerciales et portuaires, ainsi que des savoir-faire qui les accompagnent, ce projet propose une approche novatrice permettant de mieux appréhender l’évolution, l’interaction et l’innovation dans le domaine nautique, ainsi qu’identifier les influences et les adaptations des hommes dans des contextes professionnels quotidiens.
Outre les publications personnelles, les chercheurs de ce projet de quatre ans prévoient de produire :
- Une base de donnée portant sur Maritime knowledge for China seas
- Un ouvrage sur Knowledge of China Seas space by practitioners
- Un livre sur China seas onboard life
- Un recueil concernant Port governance and infrastructure. Southern and South-Eastern China (XVI-XVIIIth Centuries)
À une époque où la présence navale chinoise dans les mers asiatiques attire de plus en plus l’attention, il a semblé important de reconsidérer nos connaissances sur la tradition maritime chinoise. Avec ce projet, une nouvelle approche analytique de l’histoire maritime chinoise est proposée : elle se focalise sur les connaissances pratiques, c’est-à-dire le savoir-faire nautique et marchand, dont disposaient les marins et les navigateurs des XVIe-XVIIIe siècles. Il s’inscrit dans un cadre renouvelé de l’historiographie chinoise, et s’appuie sur les récentes avancées en archéologie, un meilleur accès aux documents d’archives et une nouvelle synergie entre les chercheurs travaillant sur l’histoire maritime asiatique. Suivant une approche pluridisciplinaire, nous mènerons une étude de grande envergure afin de mieux appréhender ce bagage technique et pratique, qui sera étudié pour lui-même et dans son environnement géographique et temporel. L’aire géographique prise en considération dépasse les limites nationales et couvre les réseaux professionnels à l’étranger, dans notre cas l’Asie du Sud-Est. Elle se retrouve encore élargie avec l’arrivée des Européens dans la région, et englobe ainsi la sphère des échanges interculturels et de l’interaction entre les différentes traditions navales. Le terrain d’étude englobe Taiwan, les provinces du Fujian et du Guangdong, ainsi qu’à leurs ramifications en Asie du Sud-Est. Ces régions ont en effet joué un rôle central dans l’aventure nautique de cette époque.
Afin d’établir un instrument de recherche de référence relatif aux connaissances maritimes sur l’Asie, nous allons créer la première (à notre connaissance) base de donnée relative aux instructions et pratiques nautiques reflétant les réelles compétences maritimes des XVIe et XVIIIe siècles. Trois axes seront développés : connaissances navales ; gouvernance et infrastructure portuaires ; langages des marins et des navigateurs. L’objectif de la première section est de fournir : a) une typologie pertinente des navires chinois, de leurs techniques et méthodes de construction, en comparant les sources écrites avec les données archéologiques et les enquêtes ethnographiques ; b) les éléments utilisés par les marins fréquentant les Mers de Chine pour déterminer leur route et leur position, et leur représentation sur les cartes (systèmes d’alerte côtiers), leurs indicateurs (points de repère, îles, caps, etc.). Dans la seconde section, ce sont les aspects spécifiques aux activités portuaires, négligés jusqu’à présent, leur organisation et leurs réseaux qui seront au centre de l’analyse : construction navale et réparation, stockage et transfert des marchandises, armement des navires, etc. Les recherches seront menées sur des secteurs spécifiques afin de mieux appréhender le type de trafic et de navires qu’ils recevaient et l’organisation des activités afférentes. Leur aspect nautique sera analysé suivant des méthodes de géo-archéologie pour déterminer la forme, la profondeur des bassins et la hauteur des quais, identifier les emplacements d’amarrage et de mouillage, et estimer le probable tirant d’eau. Dans la troisième section, nous nous intéresserons aux langages, question d’une extrême importance pour comprendre et apprécier certaines pratiques professionnelles et techniques de ce vaste domaine maritime. Il y sera question aussi de langue de communication : pouvons-nous distinguer une « lingua franca » dans les Mers de Chine ? Nous connaissons l’existence, mais aucune recherche spécifique n’a jamais porté sur ce sujet.
Cette recherche participe à la valorisation du patrimoine maritime des Mers de Chine à plusieurs niveaux : à travers une étroite collaboration avec les archéologues, il permettra de mieux circonscrire les futures fouilles ; la collecte d’un nombre important de sources constituera la base des recherches à venir ; il soutiendra la protection et la valorisation de cette tradition navale régionale.
Coordination du projet
Paola Calanca (Ecole française d'Extrême-Orient)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
EFEO Ecole française d'Extrême-Orient
Aide de l'ANR 213 750 euros
Début et durée du projet scientifique :
September 2014
- 48 Mois