Troisièmes rencontres des lauréats Compétences et métiers d’avenir et DEFFINUM : les talents de demain en ligne de mire

Compétences et métiers d’avenir, opéré conjointement pour le compte de l’État par l’Agence nationale de la recherche et la Caisse des dépôts - Banque des Territoires, a été lancé en 2021 dans l’objectif d’accélérer l’adaptation des formations aux besoins de compétences des nouvelles filières et des métiers d’avenir. Fruit d'une collaboration inédite entre six ministères, il mobilise l'ensemble de l'écosystème - entreprises, organismes de formation, collectivités, académies, universités, et contribue à répondre aux enjeux de réindustrialisation et de souveraineté de la France d’aujourd’hui et de demain.
Pour ce faire, le dispositif permet d’identifier les besoins en compétences pour les métiers de demain et les projets de formations qui permettront de répondre à la révolution écologique, numérique et industrielle. Les diagnostics et projets de formation concernent les secteurs stratégiques prioritaires identifiés par l’Etat et les objectifs du plan France 2030. Parmi ceux-ci, on relève entre autres : les bioproductions de biomédicaments, la décarbonation des mobilités et de l’industrie, l’alimentation saine, durable et traçable, la production de contenus culturels et créatifs et de technologies immersives, l’exploration spatiale ou des fonds marins…
Ces projets peuvent concerner tout type de formations, initiales ou continues, et s’adressent à tout type d’apprenants (apprenti, lycéen, étudiant, salarié, demandeur d’emploi, indépendant, libéral ou entrepreneur).
La première saison du dispositif a permis de soutenir plus de 120 diagnostics en besoins de compétences et projets de formation. Ces derniers ont permis l’ouverture de près 34 000 nouvelles places de formations certifiantes et diplômantes en 2022 et 2023.
Une saison 2 a été lancée en juin 2023 avec une modalité de dépôt des dossiers simplifiée, au fil de l’eau, via une lettre d’intention. Plus de 400 lettres ont ainsi été reçues et analysées par le jury. Pour cette saison 2, 62 nouveaux projets sont d’ores et déjà sélectionnés pour un financement d’environ 345 millions d'euros, portant ainsi à 182 le nombre de projets soutenus depuis le lancement du dispositif.
Une animation de communauté à l’échelle nationale
Afin de mettre à profit et créer des dialogues entre ces nombreux lauréats répartis sur l’ensemble du territoire, des rencontres annuelles sont organisées depuis 2021 à l'initiative d'Olivier Vandard, Elizabeth Danzin et Nathalie Bécoulet du pôle Connaissance du Secrétariat général pour l’investissement (SGPI).
A l’occasion de ces 3e rencontres à AgroParisTech, Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail et de l’Emploi, Patrick Hetzel, ministre de la recherche et de l’enseignement supérieur et Bruno Bonnell, Secrétaire général pour l’investissement, en charge de France 2030, ont annoncé les nouveaux lauréats et présenté le bilan et des deux saisons du dispositif et les ambitions de l’action.
En session plénière d’ouverture de ces journées, Astrid Panosyan-Bouvet a précisé que : « Les compétences ouvrent les portes des emplois et des métiers de demain, des emplois au cœur des évolutions économiques, technologiques, sociales contemporaines, et de ceux qui ouvrent des perspectives de carrières et de salaires. Ces compétences concernent tous les niveaux de formation et compétences : des ouvriers spécialisés, des techniciens, des agents de maintenance, des ingénieurs, doctorants… L’Etat a un rôle de catalyseur à jouer alors que de grandes mutations transforment des secteurs clés de notre économie. »
Dans un message filmé, Patrick Hetzel a quant à lui rappelé que : « L’AMI CMA est né d’un constat simple : les métiers d’hier ne sont pas ceux de demain. Les transitions numériques et environnementales, les évolutions de la société, les apports de la technologie requièrent une adaptation des compétences et de la formation des jeunes et des actifs ».
Avant d’inviter quatre lauréats emblématiques de la saison 2 à rejoindre la scène pour présenter leurs projets, Bruno Bonnell, Secrétaire général pour l’investissement a poursuivi : « Nous ne voulons pas simplement former des techniciens, mais aussi le faire dans une France vertueuse sur le plan environnemental, d’excellence sur le plan technologique et ouverte et inclusive sur le plan sociétal ».
Parmi les projets présentés sur scène : "Transformeurs" sur l’attractivité des métiers des transports dans un contexte d’enjeux forts de décarbonation ; le projet CAP3R ( RECYCLER, RÉDUIRE, RÉUTILISER ), porté par ISPA, sur la transition environnementale et la recyclabilité pour l’industrie de la plasturgie des composites ; le projet Hub maintenance de l’université de Lorraine qui vise à combler les besoins en salariés (ouvriers, techniciens) dans le domaine de la maintenance en Meurthe et Moselle via la création d’un lieu de formation adressant trois secteurs particulièrement touchés : la métallurgie, bâtiment et l’agro-alimentaire.
Enfin, le projet FORTEIM du Campus national des industries de la mer (CINAV), formation à la transition écoénergétique destinée aux industries de la mer, permettra d’acculturer le secteur aux enjeux de la transition énergétique : impact climatique sur les littoraux, énergies marines renouvelables, éolien offshore flottant, gestion des déchets, abordés notamment via des jeux pédagogiques et simulations en réalité virtuelle.
Plus largement, l’ensemble des lauréats de la saison 2 confirme les tendances déjà notables dans la saison 1 :
- la dimension multi-niveaux de qualifications : ceux de techniciens et de techniciens supérieurs pour lesquels les entreprises éprouvent le plus de difficultés en raison notamment de la faible attractivité de certaines branches (bâtiment, aéronautique) et naturellement celui d’ingénieur ;
- la dimension pluridisciplinaire, notamment en santé numérique pour sensibiliser les étudiants d’études médicales aux usages du numérique et former les étudiants aux applications du numérique dans les métiers de la santé ;
- l’innovation, l’immersion, l’hybridation, au cœur de la pédagogie.
Deux journées d’ateliers inter-projets
En plus des sessions plénières, les journées étaient jalonnées de sessions de travail. Cette année, le SGPI a fait appel à la Chaire Innovation publique, émanation de l’ENSCI, Sciences Po, l'École polytechnique et l'INSP afin de concevoir des ateliers avec des approches agiles et participatives propres au design thinking. Au travers d’ateliers collaboratifs visant par exemple à cartographier les innovations et transformations pédagogiques des projets, et l’impact de ceux-ci sur les métiers d’avenir, à plancher sur les manières originales d’animer les consortia, les lauréats mélangés au sein des groupes – toutes disciplines confondues - sont parvenus à exprimer des besoins et des pistes novatrices. Car il faut rappeler que les projets de formation doivent nécessairement impliquer en leur consortium des partenaires issus de milieux divers : organismes de formation, entreprises, collectivités territoriales… Ce qui nécessite une certaine agilité, compétence souvent au coeur des discussions durant les ateliers.
Un atelier proposait également de plancher sur les manières inédites et fructueuses de créer des alliances inter-projets, aux domaines connexes ou pas. Un projet sur le Quantique pourra par exemple bénéficier du rapprochement d’une start up ou d’un projet lié à la santé numérique ou de l’IA par exemple.
Questions à Rodolphe Dalle, responsable d’action CMA à l’ANR, Maria Tasi et Reine NGO NGUE, chargées de formation France 2030 à l’ANR
Quel est le rôle de l’ANR dans la gestion de l’action CMA ? Combien de projets sont gérés par l’agence ?
L’ANR intervient à trois niveaux dans l’action CMA. D’abord au niveau de la sélection, puisque c’est l’ANR qui organise le jury chargé de retenir les projets financés. Son rôle consiste ensuite à gérer et suivre la moitié des projets sélectionnés, l’autre moitié étant suivie par la Caisse des dépôts. Enfin, l’ANR opère un rendu compte pour les mutuelles de l’action. A ce jour, 92 (67 projets de la Saison 1 & 25 projets de la Saison 2) projets CMA sont gérés par l’ANR.
Quel était votre rôle dans la co-animation de ces ateliers ?
Nous avons participé à la coanimation des ateliers en tant que référents « opérateur » pour l’ensemble des projets sélectionnés et joué un rôle d’appui. Les designers étaient chargés de conduire les ateliers avec un apport méthodologique, les ministères avaient une fonction d’orientation du travail en mettant en avant les politiques publiques soutenues par le biais de CMA, l’ANR a pu apporter sa connaissance de terrain des projets et aide un partage d’expérience entre les projets.
Quelles ont été les grandes tendances qui ont émergé parmi les lauréats, en matière de besoins notamment ?
Nous avons constaté un besoin de mutualisation de pratiques, d’échange et d’une approche de co-construction sur les problématiques communes et des périmètres qui se croisent. Nous avons également relevé la nécessité de varier les échelles et les approches permet un enrichissement et une acculturation réciproque intéressante.
Plus étonnamment, nous avons reçu des demandes de modèles de documents communs alors que les projets sont thématiquement très différents, ont des tailles des consortia très variables et des chefs de file avec des statuts juridiques variés.
Un atelier était dédié à la création d’alliances inter-projets. Quel est l’intérêt de ce type d’initiatives ? Avez-vous quelques exemples d’alliances déjà nouées et ce qu’elles ont permis de développer ?
La création d’alliances entre projets leur permet de se retrouver autour de thématiques communes, de mettre en commun leurs expériences et d’explorer des nouvelles solutions à des problématiques partagées. Par exemple, les projets de la Stratégie Nationale Santé Numérique se retrouvent régulièrement pour des séminaires, des groupes de travail... C’est un exemple d’une belle synergie entre projets de la même communauté, qui leur permettra à terme d’essaimer et de renforcer les effets de leurs actions de formation.
Des récits pour préparer l’avenir
Et parce que France 2030 aborde l’avenir et les moyens humains de l’imaginer et de l’améliorer dès maintenant, notamment via des chemins artistiques, une table ronde « Prospective, design et nouveaux récits » était organisée dans un enjeu de sensibilisation des lauréats à ces questions. François Germinet, directeur du pôle Connaissance au SGPI l’a expliqué en ces termes : « Il faut penser à demain mais aussi à après-demain. Il est pour nous intéressant de vous embarquer dans des réflexions prospectives sur les champs industriels sur lesquels vous travaillez autant que les mutations de ceux-ci. Nous sommes par ailleurs convaincus que la prospective avec ses dimensions de design est une méthodologie pédagogique très fructueuse que les lauréats CMA auraient intérêt à développer dans leurs formations ».
La table ronde réunissait Frédéric Lecour, directeur adjoint de CY école de design, Geoffrey Abecassis, Directeur des programmes partenariats au Secrétariat général pour la planification écologique, et Pauline Rocafull, directrice générale de la Cité européenne des scénaristes, projet lauréat de l’AMI CMA. Ceux-ci ont proposé de réfléchir à la notion de prospective et aux manières de l’intégrer dans la pédagogie.
Pour Geoffrey Abecassis : « Il faut penser le temps long dans des logiques d’adaptation au changement climatique. De notre côté, nous appliquons une logique d’exploration et d’anticipation de futurs, avec des trajectoires et scénarios variables sur la base d’études, modèles. Notre enjeu est de réussir à mettre au cœur de l’arbitrage ces scénarios possibles avec des tendances, d’en sortir des décisions critiques qui vont potentiellement impacter filières et emplois de demain ».
Pour Pauline Rocafull, qui a participé à la création de la Cité européenne des scénaristes pour attirer des talents – parfois éloignés - vers les métiers de l’écriture fictionnelle : « Nous avons une mission et une compétence dans la mise en récits. Là où les dossiers prospectifs vont toucher la tête, nous allons toucher le cœur, l’émotion, l’intime. Cela semble contre-intuitif, mais ces éléments peuvent pourtant aider à la prise de décision, notamment face aux bouleversements écologiques ».
La création comme outil d’imagination donc, et le design comme méthode d’accompagnement au changement, en tant qu’il est, selon Frédéric Lecour, un « processus de conception qui sait avancer dans un projet dans l’incertitude : il faut aller sur le terrain, suivre des intuitions, faire des concessions, partager des idées, des propositions de solutions concrètes ».
Autant d’atouts qui permettent d’envisager un rapport créatif à l’avenir à insuffler dans les manières de former. Dans cette mouvance, le SGPI a imaginé en 2024 le concours « Butterfly 2050 – dessine ton futur ». Cette initiative collaborative s’adresse aux établissements et à leurs étudiants/élèves, en les invitant à imaginer la France en 2050 à travers des scénarios prospectifs. La première édition lancée en mars 2024 a permis à des équipes de jeunes issus de la voie professionnelle, des étudiants designers, scénaristes et ingénieurs, d’imaginer un futur désirable à travers trois thématiques : « Bien vivre en 2050 », « Habiter en 2050 » et « Apprendre en 2050 ». Une deuxième édition, impliquant les lauréats CMA est actuellement en cours, elle conduira à penser les sujets suivants : « Prendre soin en 2050 », « Vivre ensemble en 2050 », « Apprendre en 2050 » et « se nourrir en 2050 ». Les résultats devraient être dévoilés début 2025.
Lignes directrices et mises en perspective
Les rencontres se sont clôturées sur une intervention de Bernard Saint-Girons, Président du Jury international de l’action CMA qui a salué les idées échangées au cours des ateliers et apporté son regard sur ces sessions. Il a notamment souligné des difficultés potentielles dans l’organisation des gouvernances, parfois disparates, et les enjeux de propriété intellectuelle des ressources produites. En rappelant toutefois que « s’il y a des précautions à prendre dans les partenariats publics-privés, cela ne soit pas empêcher le partage large de bonnes pratiques d’ingénierie pédagogique, d’informations, d'innovations. Nous ne sommes pas dans une logique de juxtaposition de projets, mais de communauté avec des problématiques communes, des initiatives à mutualiser. »
Le président du jury a enfin rappelé l’importance de donner du sens aux compétences, condition sine qua none pour répondre à l’engagement d’attractivité incombant aux projets. Un sens tout aussi capital pour répondre à la question de l’orientation des apprenants. Concluant sur la nécessité de préparer l’après France 2030 dans un contexte mondial empli de défis et de maintenir le cap vers 2050, Bernard Saint-Girons a adressé une ultime maxime aux lauréats : « C’est à vous qu’il appartient de trouver des portes là où tous les autres ne voient que des murs. »
Focus sur trois projets CMA
Chiffres clés des journées de rencontres CMA
- 2 journées d’échanges et de travail collectif inter-projets
- + de 300 participants
- + 150 projets représentés, 132 projets CMA et 29 DEFFINUM
- 2 séances plénières
- 12 groupes qui ont participé à 4 ateliers de travail thématiques
- 2 tables rondes
Chiffres clés Compétences et métiers d’avenir :
- Nombre de projets lauréats sur les deux saisons : 182
- Nombre de personnes formées par an d’ici 2030 : environ 400 000
- Nombre de personnes formées d’ici 2030, toutes disciplines confondues : 3 millions
- Montant alloué aux projets sur les deux premières saisons : 1,13 Milliard d’euros
En savoir plus :
Communiqué de presse : France 2030 : compétences et métiers d'avenir, un accélérateur concret du changement | enseignementsup-recherche.gouv.fr
Dossier de presse « La formation aux métiers de demain : un accélérateur du changement »