CE26 - Innovation, travail

Les effets de l’Intelligence Artificielle sur l’Activité Policière : nouveaux régimes de quantification, diversification du marché et redéfinition des dispositifs de sécurité urbaine – IAAP

Résumé de soumission

Vidéosurveillance « intelligente », reconnaissance faciale, cartographie prédictive, etc. sont autant de dispositifs venant renouveler l’action policière. Ils sont censés construire des « villes sûres » / « safe cities » grâce aux apports de l’intelligence artificielle (IA). Ce programme de recherche étudie quatre projets de « villes intelligentes » utilisant ces technologies : Montréal, Toronto, Paris, et Montpellier. Il ambitionne de dépasser à la fois les promesses commerciales associées à ces technologies et les craintes vis-à-vis d’une société de surveillance généralisée, afin de mesurer les effets concrets de l’IA dans le travail policier.

Trois grands questionnements articulent la recherche :
(1) En suivant l’hypothèse d’une « scientifisation » du savoir policier, on se demandera comment les procédés algorithmiques changent les modes de connaissance et de représentation des phénomènes de délinquances : passe-t-on d’une police de l’information au « big data policing » ?
(2) Ces outils entraînent-ils les politiques de sécurité publique vers de l’action prédictive ou sont-ils avant tout des outils de rationalisation de l’activité policière (en fournissant à la hiérarchie policière des indicateurs plus précis sur l’action des policiers de terrain) ?
(3) Il s’agit enfin d’analyser comment la mise en débat des outils d’IA à des fins de sécurité urbaine – soulevant de forts enjeux de libertés publiques et de protection des données personnelles – pousse les chercheurs et développeurs informatiques à intégrer des questions politiques et sociales dans leurs productions scientifiques et techniques.
Pour ce faire, la recherche étudie à la fois les développements scientifiques de l’IA, leurs appropriations par les industriels (de la sécurité privée, des firmes du numérique et des entreprises de services urbains), et les politiques de prévention de la délinquance des pouvoirs publics locaux. L’objectif est d’étudier ensemble ces trois composantes afin de mettre au jour les mécanismes de collaboration entre ces champs professionnels. Les effets de restructuration des administrations municipales pilotant ces projets seront également pris en compte dans l’analyse.

En termes de techniques d’enquête, des méthodes mixtes seront utilisées, alliant l’enquête qualitative des SHS et les sciences informatiques. Des entretiens semi-directifs et des observations seront réalisés avec des acteurs clés des projets. Cette première phase étudiera chaque projet (historique, technologies utilisées, controverses suscitées, etc.), et chaque type d’acteurs (trajectoires, stratégies, etc.). Il s’agira aussi d’évaluer les transformations organisationnelles de l’activité policière, induites par ces innovations : quelles tâches sont considérées comme automatisables et quelles recompositions professionnelles entraînent-elles ? La deuxième phase visera à objectiver les liens entre les acteurs scientifiques, industriels, publics et policiers. Outre l’observation des salons professionnels où ces acteurs se retrouvent, nous réaliserons une étude une analyse de réseau pour caractériser les relations entre acteurs de la « sage city ». D’un point de vue informatique (troisième phase), ces analyses sociologiques représentent une source de données « non numériques » qui peuvent servir à corriger, informer et compléter les sources de données numériques, c.-à-d. les données issues de capteurs, de statistiques ou de la vidéosurveillance, etc. En permettant de les contextualiser et d’en faire ressortir certains biais, l’apport est d’améliorer la réflexivité que les policiers peuvent avoir sur leur propre pratique, en proposant de travailler sur un modèle d’IA à base d’apprentissage automatique collaboratif, non-biaisé et explicable.

Ce projet entend ainsi contribuer à l’étude de l’ « algorithmisation » de nos sociétés, qui reconfigure de manière importante les méthodes par lesquelles elles produisent de la connaissance sur elles-mêmes et se gouvernent.

Coordination du projet

Florent Castagnino (LABORATOIRE D'ECONOMIE ET DE MANAGEMENT NANTES ATLANTIQUE)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LEMNA LABORATOIRE D'ECONOMIE ET DE MANAGEMENT NANTES ATLANTIQUE

Aide de l'ANR 301 005 euros
Début et durée du projet scientifique : juin 2022 - 48 Mois

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