CE28 - Cognition, éducation, formation

Les élèves en situation de handicap peuvent-ils bousculer l'ordre établi à l'école ? – DIVISE

Les élèves en situation de handicap peuvent-ils réussir à l'école ?

L'inclusion des élèves en situation de handicap est un défi important pour le système éducatif français. En effet, en dépit de réformes récentes sur la question (voir par ex. la circulaire n° 2019-088 du 5-6-2019 «Pour une rentrée inclusive«) et comme en témoignent les chiffres du ministère à ce sujet (DEPP, 2019), il semble que permettre la participation pleine et entière de ces élèves ne soit toujours pas aisé.

Contexte du projet

Jusqu'à présent, l'origine des difficultés mentionnées précédemment était recherchée principalement dans le manque de moyens ou de formation à disposition des enseignant·es ou encore dans les attitudes exprimées par ces dernier·ères (Hind et al., 2019). Dans ce projet, nous souhaitons aller au-delà de ces explications pour tenter de rendre compte de ces difficultés via une approche davantage idéologique et structurelle. Plus précisément, dans une approche théorique à la croisée de la psychologie sociale (justification du système, Jost, 2019 ; effet backlash, Rudman et al., 2012) et de la sociologie de l’éducation (approche fonctionnaliste en éducation, Dornbusch et al., 1996), nous proposons que l'école inclusive puisse, de manière contre-intuitive, être perçue comme une menace à l'ordre établi.<br />En effet, nos systèmes éducatifs ont, en partie, pour fonction de sélectionner les élèves, c’est-à-dire, identifier parmi l’ensemble des élèves, ceux·celles qui seraient les plus méritant·es. Cet objectif nous semble incompatible avec un système qui reconnaît précisément que les qualités intrinsèques des élèves ne suffisent pas pour réussir. En effet, dans l’école inclusive, pour offrir une possibilité de réussite aux élèves en situation de handicap, il est demandé aux enseignant·es d’adapter les programmes et les contenus afin de répondre aux besoins des élèves. Dès lors, en ouvrant la porte au succès d’élèves qui sont perçus comme intrinsèquement moins compétent·es et moins susceptibles de réussir que les autres (voir par ex., Louvet & Rohmer, 2016), nous pensons que l’ordre établi sera menacé et que le système devra alors le défendre (pour un exemple dans le milieu scolaire, voir Batruch et al., 2017).<br />Ainsi, nous faisons l'hypothèse que les élèves en situation de handicap qui réussissent à l'école représentent une menace à l'ordre social et risquent de se voir opposer des comportements visant à restaurer cet ordre par les enseignants d’une part, par les autres élèves, d’autre part. Nous postulons que cet effet backlash se manifestera surtout lorsque les élèves concernés bénéficient d'adaptations spécifiques (aide humaine, par exemple), et cela quel que soit le niveau des élèves (primaire, secondaire, supérieur).

Dans une première étude, il est notamment demandé à des enseignant·es du premier degré de corriger une dictée réussie d’un·e élève de CM2. Dans une seconde, des enseignant·es du second degré devront formuler un conseil concernant l’orientation d’un·e élève. Dans une dernière, des étudiant·es seront invité·es à choisir parmi trois autres étudiant·es un partenaire de binôme pour la réalisation d’une tâche. Dans ces trois études, le profil de la cible sera manipulé de telle sorte qu’elle sera présentée comme étant soit en situation de handicap (c.-à-d., avec une dyspraxie) ayant bénéficié de compensations pour réussir son parcours, soit en situation de handicap mais sans compensation, soit sans situation de handicap. Dans ces trois études, et conformément aux travaux antérieurs, il est attendu que la compétence de la cible en situation de handicap ayant bénéficié de compensations pour réussir son parcours sera systématiquement moins reconnue par rapport à celles des deux autres cibles.
L’ensemble de ces travaux devrait nous permettre de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans la difficile mise en place de l’école inclusive et ouvrir des perspectives afin de permettre à l’ensemble des enfants d’accéder à leur droit à l’éducation.

Les études sont en cours. Néanmoins, les résultats des 4 premières études réalisées (2 auprès de 250 enseignant·es et 2, supplémentaires, non mentionnées initialement dans le projet, auprès de 700 individus tout-venant, soit près de 1000 personnes) apportent un support important à notre hypothèse de départ. En effet, dans ces 4 études, il semble que la personne en situation de handicap, qu’il ou elle soit élève ou travailleur (sexe non précisé dans les études), qui réussit grâce à une adaptation perçue comme injuste, voit sa compétence mal reconnue.
Dit autrement, l’adaptation de l’examen ou du poste de travail peut venir servir de justification à la moindre compétence attribuée à la personne en situation de handicap.

Après 18 mois : Conduire les études 2 et 3 du projet.

Trois articles scientifiques sont en cours d'écriture/de soumission.

Un chapitre d'ouvrage à été publié :
Jury, M., Khamzina, K., Aelenei, C., Stanczak, A., Pironom, J., Desombre, C., Toczek-Capelle, M.-C., & Rohmer, O. (2022). La réussite des élèves à besoins éducatifs particuliers à l’épreuve de la sélection et du backlash. In O. Rohmer, M. Jury, & M. Popa-Roch (Eds), Apports de la psychologie sociale à la question de l’inclusion scolaire. Presses Universitaires de Bruxelles.

L'inclusion des élèves en situation de handicap est un défi important pour le système éducatif français. En effet, en dépit de réformes récentes sur la question (voir par ex. la circulaire n° 2019-088 du 5-6-2019 "Pour une rentrée inclusive") et comme en témoignent les chiffres du ministère à ce sujet (DEPP, 2019), il semble que permettre la participation pleine et entière de ces élèves ne soit toujours pas aisé.
Jusqu'à présent, l'origine de ces difficultés était recherchée principalement dans le manque de moyens ou de formation à disposition des enseignant·es ou encore dans les attitudes exprimées par ces dernier·ères (Hind et al., 2019). Dans ce projet, nous souhaitons aller au-delà de ces explications pour tenter de rendre compte de ces difficultés via une approche davantage idéologique et structurelle. Plus précisément, dans une approche théorique à la croisée de la psychologie sociale (justification du système, Jost, 2019 ; effet backlash, Rudman et al., 2012) et de la sociologie de l’éducation (approche fonctionnaliste en éducation, Dornbusch et al., 1996), nous proposons que l'école inclusive puisse, de manière contre-intuitive, être perçue comme une menace à l'ordre établi.
En effet, nos systèmes éducatifs ont, en partie, pour fonction de sélectionner les élèves, c’est-à-dire, identifier parmi l’ensemble des élèves, ceux·celles qui seraient les plus méritant·es. Cet objectif nous semble incompatible avec un système qui reconnaît précisément que les qualités intrinsèques des élèves ne suffisent pas pour réussir. En effet, dans l’école inclusive, pour offrir une possibilité de réussite aux élèves en situation de handicap, il est demandé aux enseignant·es d’adapter les programmes et les contenus afin de répondre aux besoins des élèves. Dès lors, en ouvrant la porte au succès d’élèves qui sont perçus comme intrinsèquement moins compétent·es et moins susceptibles de réussir que les autres (voir par ex., Louvet & Rohmer, 2016), nous pensons que l’ordre établi sera menacé et que le système devra alors le défendre (pour un exemple dans le milieu scolaire, voir Batruch et al., 2017).
Ainsi, nous faisons l'hypothèse que les élèves en situation de handicap qui réussissent à l'école représentent une menace à l'ordre social et risquent de se voir opposer des comportements visant à restaurer cet ordre par les enseignants d’une part, par les autres élèves, d’autre part. Nous postulons que cet effet backlash se manifestera surtout lorsque les élèves concernés bénéficient d'adaptations spécifiques (aide humaine, par exemple), et cela quel que soit le niveau des élèves (primaire, secondaire, supérieur).
Dans une première étude, il sera notamment demandé à des enseignant·es du premier degré de corriger une dictée réussie d’un·e élève de CM2. Dans une seconde, des enseignant·es du second degré devront formuler un conseil concernant l’orientation d’un·e élève. Dans une dernière, des étudiant·es seront invité·es à choisir parmi trois autres étudiant·es un partenaire de binôme pour la réalisation d’une tâche. Dans ces trois études, le profil de la cible sera manipulé de telle sorte qu’elle sera présentée comme étant soit en situation de handicap (c.-à-d., avec une dyspraxie) ayant bénéficié de compensations pour réussir son parcours, soit en situation de handicap mais sans compensation, soit sans situation de handicap. Dans ces trois études, et conformément aux travaux antérieurs, il est attendu que la compétence de la cible en situation de handicap ayant bénéficié de compensations pour réussir son parcours sera systématiquement moins reconnue par rapport à celles des deux autres cibles.
L’ensemble de ces travaux devrait nous permettre de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans la difficile mise en place de l’école inclusive et ouvrir des perspectives afin de permettre à l’ensemble des enfants d’accéder à leur droit à l’éducation.

Coordination du projet

Mickaël Jury (Activité, Connaissance, Transmission, Education)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

ACTE Activité, Connaissance, Transmission, Education

Aide de l'ANR 105 997 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2021 - 30 Mois

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