CE27 - Culture, créations, patrimoine

Asymétries spatiales dans les langues : une approche typologique – SALTA

Asymétries spatiales à travers les langues

Le but de ce projet est d'étudier le domaine conceptuel du mouvement, en particulier les asymétries structurelles et fonctionnelles dans l'expression de la trajectoire, notamment celles qui sont liées à la deixis dynamique, au franchissement de frontière et à l'axe vertical, à partir de l'étude de 30 langues typologiquement et généalogiquement variées.

Etude typologique des asymétries spatiales : aller au-delà de l’état de l’art

L’expression des relations spatiales a été largement étudiée au cours des quarante dernières années, produisant ainsi une vaste littérature scientifique dont le centre thématique a oscillé du localisme à la deixis spatiale, aux cadres de référence, aux relations topologiques et, plus récemment, à la description du mouvement. Dans les dernières décennies, différents angles d’attaque ont été adoptés, de l’approche empirique de Slobin à la perspective fonctionnelle de Vandeloise et à la vision théorique de Talmy, chaque approche ayant ses mérites propres. <br />Un domaine en particulier a attiré l’attention ces dernières années : les asymétries spatiales dans la langue et la cognition, notamment le biais cognitif et linguistique orienté vers le but du mouvement, au détriment de la source. Les asymétries spatiales les plus frappantes sont en effet liées à l’opposition entre source et but et à la deixis dynamique. Les asymétries dans le sous-domaine de la verticalité, une dimension importante dans la cognitition humaine, semblent intimement liées à ces deux phénomènes. <br />Il a été proposé par Ikegami (1987) que les asymétries dans les descriptions linguistiques de l’espace étaient un phénomène universel, avec une tendance systématique à l’expression du but plutôt que de la source (Bourdin 1997). On a pu montrer, que les buts sont typiquement exprimés (i) plus fréquemment (Kopecka 2012; Lakusta et al. 2006; Miyajima 1986), (ii) avec davantage de détails (c’est-à-dire des distinctions sémantiques plus fines, cf. Fillmore 1992) et/ou (iii) de manière morphologiquement plus légère (avec des formes plus simples, Stolz et al. 2014). <br />La notion de biais en faveur du but (goal bias, Ungerer & Schmid 1996, Dirven & Vespoor 1998, Aurnague 2015) est particulièrement importante pour le projet. Des études antérieures ont montré qu’il s’agit là a minima d’une tendance nette, avec quelques contre-exemples: si les asymétries dans les descriptions de l’espace sont fréquentes dans les langues plutôt qu’universelles (Stefanowitsch & Rohde 2004). Le but du projet SALTA est précisément d’étudier ces asymétries et de mesurer leur étendue, en analysant aussi bien la structure linguistique que l’usage, en travaillant à une typologie des asymétries spatiales prenant en compte les notions de lieu d’expression, distinctions sémantiques et degré de grammaticalisation des marqueurs spatiaux.

Afin d’atteindre ses objectifs, le projet SALTA est structuré en trois sous-projets dont les buts sont à la fois reliés et spécifiques.
Le sous-projet 1, « Structure linguistique » (WP1 « Language structure ») vise une typologie des asymétries spatiales dans les langues, avec une profondeur et une étendue variables. Il inclut bien entendu les langues d’Europe, mais l’accent est mis sur les langues non-Indo-Européennes (hors d’Europe).
Le sous-projet 2, « Asymétries dans l’usage » (WP2 « Asymmetries in Language Use ») propose une étude empirique de l’effet de ces asymétries dans l’usage, sur la base d’expériences menées sur un sous-ensemble des langues du projet. Cette approche n’est en effet possible qu’avec des données, et réaliste uniquement avec des données massives que seuls des grands corpus peuvent fournir. Ceci restreint évidemment le nombre de langues sur lesquelles cette partie de l’étude peut porter.
Le sous-projet 3, « Méthodologie et données » (WP3 « Methodology and data ») doit permettre la mise au point d’un outil d’élicitation assurant la réplicabilité des études menées à la fois au sein du projet SALTA et au-delà. Il inclut également une procédure systématique permettant la collection de données spontanées. Ces deux pans du sous-projet seront à la base d’une base de données interlinguistique, également nourrie par les résultats des sous-projets 1 & 2.

Dans le cadre du projet SALTA, nous prévoyons la mise au point d’outils méthodologiques visant à éliciter des données dans différents contextes linguistiques et culturels, incluant aussi bien des méthodes traditionnelles (questionnaires linguistiques) que d’autres plus innovantes (outils visuels), afin de mettre au jour les caractéristiques spécifiques à chaque langue mais aussi de permettre la comparaison interlinguistique.
Les résultats de ces études seront présentées dans le cadre de conférences nationales et internationales, et serviront de base aux articles soumis dans des revues internationales ; le travail descriptif portant sur des langues individuels sera réuni dans un volume collectif.
Au-delà des publications scientifiques, un des buts majeurs de ce projet est d’appoter des nouvelles données et de partager avec la communauté scientifique – à tous niveaux – non seulement les résultats scientifiques, mais encore les données elles-mêmes. A cette fin, et pour optimiser les résultats de notre travail de recherche, nous prévoyons la mise en place d’un corpus enrichi avec des données glosées, lemmatisées et formatées, issues de plusieurs langues du projet.

Au-delà du projet SALTA, les résultats de nos recherches nous permettront de poser les bases d’une approche théorique renouvelée des asymétries spatiales, reposant sur une analyse combinée de la structure linguistique et de l’usage. Cela permettra ensuite de préparer des projets de recherche sur d’autres particularités de l’encodage linguistique de l’espace et du mouvement.

Les productions scientifiques sont déposées au fil de l'eau sur le portail HAL, en accès libre (https://halshs.archives-ouvertes.fr/).

SALTA vise à étudier le domaine conceptuel du mouvement dans l’espace, avec une attention particulière pour les asymétries structurelles et fonctionnelles dans l’expression de la trajectoire. Quand nous décrivons un déplacement, nous pouvons en encoder différentes portions, depuis la Source, via le Médian, jusqu’au But, comme dans ‘elle a marché depuis l’école (Source) à travers la forêt (Médian) jusque chez son amie (But)’. Dans la plupart des cas, ces trois portions de la trajectoire ne reçoivent pas le même traitement, les Buts étant surexprimés, les Sources sous-exprimées et les Médians exprimés moins explicitement. C’est précisément sur ce type d’asymétrie que porte le projet, à travers une étude comparative de 30 langues variées d’un point de vue typologique et génétique : asymétries source/but, asymétries dans la deixis dynamique (aller/venir) et la verticalité (haut/bas). La contribution de SALTA consistera en (i) un répertoire complet des asymétries spatiales, prenant en compte non seulement la structure linguistique (inventaires des formes disponibles, degré de grammaticalisation) mais aussi l’usage ; (ii) une évaluation des tendances générales et des spécificités dans les asymétries spatiales ; (iii) une typologie de ces asymétries, apportant des précisions sur les facteurs qui les déterminent. Pour cela, nous construirons une base de données interlangues, comprenant des données récoltées à l’aide d’un nouvel outil d’élicitation créé à cet effet. Elle sera rendue accessible à la communauté, afin de contribuer à la science ouverte et à la reproductibilité dans le domaine de la diversité linguistique et culturelle.
Les langues de SALTA, variées typologiquement et génétiquement, ne constituent cependant pas un échantillon représentatif de la diversité des langues. Nous visons plutôt une analyse interlinguistique fine, menée par des experts pour chaque langue – un prérequis pour construire une typologie permettant d’établir des descriptions linguistiques mieux fondées, qui pourra être renforcée par des données provenant d’un échantillon élargi de langues. Les contributions spécifiques de SALTA résideront dans l’étude de langues qui n’ont pas été jusqu’ici incluses dans les études inter- et intralinguistiques de l’asymétrie spatiale, mais aussi dans la prise en compte de l’usage plutôt que de la seule structure linguistique, sans eurocentrisme.
Avec une approche méthodologique cohérente, évaluant les différents facteurs en jeu dans les asymétries spatiales, SALTA apportera des éléments précieux pour les domaines des sciences du langage, en particulier la typologie, et des sciences cognitives. Le projet permettra en outre d’aboutir à une meilleure conceptualisation de l’expression du mouvement dans les langues, en lien avec la question de l’unité et de la variation des langues. En raison du rôle fondamental du langage dans la culture et la cognition humaines, les langues sont depuis longtemps au centre des débats sur la diversité de l’être humain et ses capacités cognitives. Alors qu’il y a une base génétique universelle pour l’acquisition du langage, nous savons que les langues varient considérablement à travers les cultures, le temps et l’espace : cela soulève d’importantes questions sur le degré de cette variation, sur les facteurs cognitifs ou fonctionnels susceptibles de la contraindre, et sur la possibilité que certains domaines conceptuels puissent présenter davantage de variations que d’autres. Malgré les efforts importants faits ces vingt dernières années pour la description de langues en danger, de nombreuses langues n’ont été décrites que très sommairement. Même pour celles relativement bien décrites, on constate de nombreux domaines conceptuels, comme l’espace, et plus spécifiquement les asymétries spatiales, où la part d’inconnue reste importante.

Coordination du projet

Benjamin Fagard (Langues, textes, traitements informatiques, cognition)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CRLAO Centre de recherches linguistiques sur l'asie orientale
DDL DYNAMIQUE DU LANGAGE
LATTICE Langues, textes, traitements informatiques, cognition

Aide de l'ANR 432 286 euros
Début et durée du projet scientifique : mars 2021 - 48 Mois

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